EPISODE1

1er épisode: "Sur la route..."

Le message était pourtant clair. Je le tenais là, sous mes yeux, pour vérifier que ma mémoire ne me jouait pas des tours : "... Après la sortie numéro 13, vous trouverez plusieurs rond-points. Au premier, prendre la direction de Mions Centre, au second la direction de MangeTemps...".

Malgré la difficulté que j'éprouvais à déchiffrer ce message codé tout en conduisant dans cette région hostile et sans cesse délavée par les pluies, j'avais réussi à atteindre le premier panneau annonçant mon arrivée toute proche. Je n'étais pas peu fier d'avoir aussi bien rempli la partie la plus difficile de cette mission en si peu de temps, et j'éprouvais surtout un immense réconfort à l'idée de pouvoir me détendre un moment parmi mes semblables.

Tous, nous étions en mission depuis plusieurs mois, voire plusieurs années dans un monde où tout nous est étranger, en immersion totale. Les rares contacts que nous pouvions alors avoir avec l'Organisation n'étaient jamais totalement libérés, par crainte que l'un de ceux assis parmi nous ne soit pas réellement celui qu'il prétendait être. Mais cette fois, tout allait être différent. IL nous avait convoqués, et nous pouvions donc être sûrs à 100% de chacun de membres qui prendrait place autour de la table. Les autres, ceux qui ne seraient pas là, étaient ceux dont l'orientation était encore incertaine, ou prêtait à confusion. Il était intéressant, avec le durcissement actuel des affrontements, de savoir, qu'après cette réunion, nous serions en mesure d'identifier tous ceux dont il fallait se méfier.

Je parcourus rapidement le message qu'IL nous avait envoyé, puis jetai un oeil au panneau annonçant le premier rond-point. La pluie continuait de tomber drue, et l'eau ruisselait prestement sur le pare-brise. Les phares des voitures qui passaient dans l'autre sens brillaient de milles éclats et dansaient comme s'ils se sentaient à l'étroit et cherchaient à s'enfuir loin du carcan de feraille qui les étouffaient. Le ronronnement de mon moteur continuait doucement et semblait vouloir réchauffer un peu l'atmosphère. Je laissais aller ma tête contre l'appui-tête, prêt à me laisser submerger par l'immense réconfort qui ma gagnait, quand tout à coup un détail me frappa: le panneau qui se trouvait là sous mes yeux indiquait la direction "MangeTemps" dès le premier rond-point! Je me surpris, l'espace d'un millième de seconde, à repousser le doute qui m'assaillait, en essayant de me persuader qu'IL ne pouvait pas avoir commis une erreur. Aussi, confiant dans SES instructions, je décidais d'attendre le second rond-point. Je pris donc la direction de Mions, comme indiqué dans le message codé, pour finalement déboucher sur un grand croisement. A cet instant, je fus saisi par l'intime conviction que je n'étais plus dans la bonne direction. On a beau dire et beau faire, malgré tout l'entrainement reçu en camps spéciaux, la préparation psychologique, l'expérience même, en de tels moments, on ne peut éviter l'instant d'hésitation. Ce centième de seconde qui souvent vous est fatal (un accident est si vite arrivé, surtout dans un grand croisement comme celui qui s'étendait sous mes yeux). Et à cet instant précis, j'ai hésité. Je sais, je n'aurais pas du, mais ce fut plus fort que moi. C'est sans aucun doute pour cela que je ne suis pas aujourd'hui le favori de Sa Majesté.

Toujours est-il que j'étais là, las dans le froid, l'as que j'aurais pu être, à me demander qu'elles avaient été SES intentions. Avait-IL pu commettre une aussi grossière erreur ? Souhaitait-IL nous mettre à l'épreuve ? Un frisson d'horreur me parcouru l'échine à l'idée de la troisième alternative: Etait-il possible qu'IL soit passé à l'ennemi, qu'IL est signé un pacte avec le démoniaque réseau TAUPE-LA ? NON! C'était impossible! IL ne pouvait pas nous avoir fait ça. Le doute enflait et résonnait dans ma tête quand je me décidais à revenir prudemment sur mes pas. Les phares qui ressemblaient tant à de jolies lucioles flottant sur mon passage il y a quelques minutes, prenaient maintenant une toute autre dimension. Je fus soudain oppressé par leur lumière, et l'image des nombreuses salles d'interrogatoire que j'avais frequentées surgit devant mes yeux. Ma langue passa lentement sur la pastille de cyanure fixée à l'arrière de ma dentition. Serait-il possible qu'au cours de ce week-end que j'attendais depuis si longtemps, je sois contraint d'en faire usage ?

De retour au premier rond-point, je pris rapidement la direction de MangeTemps, espérant trouver rapidement un second rond-point. Cela m'aurait permis de déduire qu'IL avait simplement commis une erreur. J'aurais probablement été rassuré ainsi. Mais tel ne fut pas le cas. Je venais de me laisser surprendre par un feu tricolore, annonçant la présence d'un croisement encore plus important que celui qui, quelques instants auparavant, avait provoqué en moi ce sentiment de panique. Pourtant, cette fois, ce fut la satisfaction qui gagna rapidement sur l'angoisse. Je me trouvais juste en face de La Poste. Cette institution que nos services connaissent bien, est en concurrence directe avec le principal fournisseur de notre Organisation, les "T'ES LAID COMME EUX". Comme eux, La Poste dispose d'un important réseau de distributeurs à travers tout le pays. Néanmoins, leur niveau technologique est bien moindre que celui de notre fournisseur attitré, leurs armes atteignant difficilement la cadence de feu d'un coup par jour alors que nous pratiquons quotidiennement la cadence de 14.400 coups par seconde avec les nôtres. C'est un peu comme comparer la guerre des boutons avec celle des étoiles. Et pourtant, nous, nous sommes sur la même planète.

Pensant à cela, des souvenirs d'une mission ancienne me remontaient en tête. J'avais un jour imaginé que les membres de TAUPE-LA se fournissaient chez La Poste pour commettre leurs ignomignies, et je m'étais alors mis en tête d'éliminer cette institution rétrograde de façon à couper les sources d'approvisionnement en armes de l'infâme réseau concurrent. C'est lors d'une importante bataille qui suivit que je me rendis compte de mon erreur. Les armes avec lesquelles les TAUPE-LAS nous attaquaient était d'un niveau technologique beaucoup plus proche des nôtres que ce que nous avions esperé. Certaines atteignaient même le V23 coups par minute. Il y avait donc des shadocks chez "T'ES LAID COMME EUX". A ce jour, nous n'avons pas encore pu les mettre à jour, mais je garde bon espoir. De plus, des informateurs auraient apportés la preuve à l'Organisation des difficultés financières éprouvées par les TAUPE-LAS pour acquérir ce matériel fleuron de leur technologie reculée. Il paraitrait même qu'ils contraignent leurs membres à participer financièrement à ces investissements. Cette théorie farfelue, semble quand même bien peu crédible, à moins qu'ils n'aient réussi à faire subir à chacun de leurs agents un terrible lavage de cerveau.

Je me mordis la lèvre, pour m'interdire de laisser ainsi mon esprit vagabonder alors que j'étais encore en mission officielle, et ce même si le dénouement semblait tout proche. J'étais donc en face de La Poste, et tentait de focaliser toute ma concentration sur la traduction des instructions qui m'étais parvenues : "... En face de La Poste, tourner à gauche...". J'en étais à présent intimement persuadé : IL nous mettait à l'épreuve. Aussi, je décidais de prendre à droite. La partie du code que je n'avais pas jusque là réussi à retranscrire commençait lentement à s'éclaircir. "J'AI BEAUCOUP AIME LE POULET DU 23 AOUT" dont nous avions à charge de découvrir la signification pour pouvoir mener à bien cette mission, était relatif à une autre mission que nous avions mené alors que nous oeuvrions (Cherche dans le dico, tu verras, ça existe!) pour la résistance durant la guerre. Ce jour-là, nous déplorions déjà la perte de six de nos hommes quand nous fûmes sauvés en prenant la deuxième à droite. C'était un bon moyen de brouiller les pistes de ne pas utiliser le code officiel. Cela rajoutait, si besoin était, à la sécurité de notre réunion. Sûr de moi, j'empruntais donc la deuxième à droite pour découvrir que je ne m'étais pas trompé: le dédale annoncé s'étalait à présent devant moi. Il ne me restait plus qu'à identifier la Bulmobil pour qu'enfin ma mission arrive à son terme, et avec succès! Je n'étais pas tout à fait certain de la reconnaitre car cet engin, spécialement conçu pour nos meilleurs agents, et dont la puissance était plus que déraisonnable, pouvait prendre des formes très diverses, du tracteur à l'innocente BX blanche. C'est d'ailleurs sous cette forme que je la découvris rapidement, négligemment posée contre le trottoir.

Je me garais derrière elle, sortis rapidement, et entrepris de sonner 117 coups comme cela nous l'étais précisé dans les instructions, me demandant s'il ne s'agissait pas encore là d'une mise à l'épreuve de nos nerfs. Déjà, des hurlements rauques me parvenaient, à peine étouffés pour le bruit de la pluie. Peut-être étaient-ils déjà en train de mener un interrogatoire ? Cela paraissait pourtant fort dangereux d'amener un ennemi en ces lieux, car même si nous n'étions pas encore au QG, il était important que cette planque reste secrète, pour la sécurité de nombre de membres de l'Organisation, et non des moindres. Je dus finalement me rendre à l'évidence par la suite : on n'interrogait personne. C'était plus simplement 320/204 qui était déjà arrivé.

Le Maître des Lieux vint m'ouvrir, à grand coup de combinaisons ultra-secrètes. Je remarquais tout de suite l'excellence de son camouflage. Derrière cet homme d'apparence plutôt banale, discrète, on aurait presque pu le prendre pour un innocent professeur de lycée, se cachait en fait un expert, sujet ô combien brillant et inspirant la plus vive admiration. Avant que j'eusse pu esquisser le moindre mouvement, il me demanda mon identification et mon code. Je m'exécutais benoîtement, annonçant à voix basse mon nom et... MON CODE ? P***** DE CODE! (C'est une manie chez moi d'oublier les passwords). Depuis si longtemps que je n'avais pas été en contact avec l'Autorité Suprême, j'avais oublié ce code, primordial pour procèder à mon identification! Il me poussi [;-)] alors violemment vers la pièce principale où déjà quelques uns d'entre nous attendaient nerveusement. Heureusement pour moi, 320/200 était déjà là et me reconnut aussitôt, ce qui permit d'établir ma crédibilité vis à vis de 323/4. Il m'apprit alors qu'ils avaient décidés d'utiliser nos identifiants, bien qu'ils soient pour la plupart idiots et temporaires, plutôt que nos codes qui eux étaient réèllement définitifs. Cela dit, cela m'arrangeait étant donné que j'avais oublié le mien. Assis autour de l'immense table se trouvait déjà Bubulle, Guitou, Klaus et Junior qui tous avaient pu profiter de la rapidité de la BulMobil. Georges, Pascal, François et Jean- Marie étaient aussi présents, car en mission dans des territoires proches du lieu de notre rencontre.

Alors l'attente commença... Mais ceci est une autre histoire...

Suite au prochain numéro!