2eme épisode: "La rencontre..."
RESUME DE L'EPISODE PRECEDENT : Bon, ben, en gros, j'étais sur la route pour aller chez Georges, et Philippe s'était planté dans le plan. J'crois que c'est tout ce qu'il y avait à en tirer. :-)
IL n'était pas encore là. Pourtant, je ressentais une forte émanation de pouvoir, comme si elle était toute proche de moi. Je m'interrogeais encore sur la possible source d'une telle autorité si proche, me demandant si IL n'était pas aux toilettes, quand enfin, on me présenta "Arlette". Boudiou! (comme on dit chez moi, n'est-ce pas Christine ?). Je savais qu'au cours de cette réunion nous allions être amené à cotoyer, l'espace de quelques heures, certains des membres les plus haut placé de l'Organisation, mais de là à rencontrer l'une de celles que l'on appelle pudiquement entre nous les "femmes de sysop", et qui tiennent d'une main de fer les rênes du pouvoir... Je n'en revenais pas! Cette réunion devait vraiment relever de la plus haute importance.
Nous nous mîmes alors à attendre les derniers, en essayant maladroitement de briser la gêne provoquée par l'absence totale de contraintes, et surtout de craintes. Deux élements nous faisaient paraître un peu gauche à cet exercice: le fait que nos esprits de sysops étaient loin d'être habitués à cette grande liberté de pensée d'une part, et d'autre part, la présence de cette "femme de sysop", car nous pensions tous qu'elles ne dévoilaient jamais leurs visages à leurs agents (l'une d'entre elles m'a pourtant confié récemment au téléphone qu'elles souhaiteraient pouvoir rencontrer leurs agents plus souvent, en particulier celui qui est placé sous leurs ordres directs. Mais il semblerait que leurs missions hautement secrètes, et l'utilisation de langage codé interdise l'établissement d'une quelconque relation privilégiée).
Lorsque nous fûmes (ARGH! Pas la moquette Franck!) tous réuni, IL arriva. Je le reconnus aussitôt, car j'avais déjà eu la chance de le rencontrer, il y a quelques années, au cours d'une réunion beaucoup plus informelle (si si! C'est possible). De plus, à cette époque, IL n'était encore rien d'autre que l'un d'entre nous. Le silence se fit, sauf pour l'agent Guitou, mais personne ne lui en tint rigueur. Chacun d'entre nous savait qu'il était programmé, dans le cadre d'une mission fort délicate, pour faire en permanence du bruit avec sa bouche. Il avait déjà exprimé un grand talent à cet exercice, mais il était primordial qu'il ne perde en aucun cas son entraînement. Aussi, malgré le niveau sonore ambiant largement saturé par ses exercices vocaux, nous nous concentrâmes tous sur l'ordre du jour. Le programme était simple : théorie le jour même, et pratique le lendemain. Au sommaire de la théorie se trouvait, entre autres: le rapport de nos missions respectives, la stratégie d'action contre le réseau TAUPE-LA, et l'identification possible de quelques uns de leurs membres infiltrés, enfin, l'alliance possible avec un autre service d'espionnage d'un pays ami, la KeNouIlLe (K.N.I.L.). Avant d'entamer les débats, IL sortit soudain, d'un geste vif, un énorme paquet poste. Un frémissement parcouru alors l'assemblée, mais nous nous mîmes aussitôt en attente d'une explication de Sa part. Ils nous apprit alors qu'un certain "Jean-Pi", membre ô combien fidèle de notre Organisation, avait réussi à infiltrer les services de La Poste, ce qui nous permettait enfin d'être sûr de leur niveau technologique lamentable, et surtout, cela nous permettrait d'étudier leurs relations avec les infâmes TAUPE-LAS, si elles devaient exister. Nanti d'une forte dose d'humour, mais un peu inconscient, Jean-Pi avait aussitôt mis à l'épreuve les services de la Poste, en nous faisant parvenir une bouteille d'un fameux nectar de son pays pour que nous "pensions UN PEU (je tenais à le préciser) à lui".
Ce coup d'éclat déplu fortement aux "femmes de sysop" car il mettait en péril non seulement la couverture de Jean-Pi, mais surtout l'intégrité des agents réunis, et par la même le bon déroulement de la réunion. La bouteille fit néanmoins beaucoup de bien à Guitou car, comme il mettait toujours beaucoup d'application à remplir correctement sa mission, il commencait à avoir très soif. Il fut alors pris d'une immense mélancolie et tint à "penser à Jean-Pierre" le plus possible, ce en quoi je dus l'aider, afin qu'il ne se fasse point trop remarquer au milieu de la très sérieuse assemblée.
C'est cet instant précis que choisit "CriCri d'amour" pour se précipiter vers LUI. Il LUI présenta alors deux bouteilles, souvenir d'une mission au Mexique paraît-il. Je compris alors pourquoi CriCri était le favori de Sa Majesté, pourquoi il bénéficiait de la puissance de la Bulmobil: il apportait des pommes à sa maîtresse! Il voulait se faire bien voir. Je pus d'ailleurs lire un soupçon de haine dans le regard de CriCri, lorsqu'IL annonca qu'IL mettrait les bouteilles en self-service pour l'assemblée, geste qui, en revanche, plu beaucoup à Guitou. Cela dit, d'un geste lent, calculé et majestueux, IL se tourna vers Georges, annonçant ainsi le début des débats.
Nous entreprîmes alors chacun de faire le rapport de nos missions respectives. Chacun se présenta rapidement (sauf Guitou, qui tint à intervenir au cours de chaque présentation, et qui insista bien sur la sienne). On parla de nos activités de couverture, des nos moyens de communiquer avec l'organisation etc... Je suis dans l'impossibilité de vous présenter le moindre élement de ces présentations, étant donné qu'on m'a interdit d'en prendre note, vu le haut niveau de confidentialité des informations qui furent alors échangées. Néanmoins, je me promis en moi même d'essayer de constituer une sorte de Who's who qui me permettrait, en cas de besoin, de savoir qui contacter.
Les rapports ayant été fait, et dûment consignés, IL annonça le sujet suivant: l'établissement de nos relations avec la KeNouIlLe. Georges fut chargé de cette présentation, en ayant acquis l'expérience au cours de la mission qu'il menait jusqu'alors. Il nous présenta alors les avantages et les inconvénients de l'établissement de ce pacte, que je m'empressais de consigner dans un document que vous trouverez çi-joint. Soriambo, qui était censé être un spécialiste des aspects juridiques d'après le rapport qu'il nous avait communiqués quelques secondes auparavant, fut dans l'incapacité d'ajouter quoi que ce soit (d'intéressant) à l'exposé de Georges. Il argua d'une non préparation de sa part, mais fut malgré tout soupçonné d'une soudaine ardeur à penser à Jean-Pierre. Il est à déplorer une telle incapacité de la part des services de Sa Majesté, alors que tous sont des professionnels avertis. Je me rappelle les premières actions de nos services. Nous étions alors que de pâles amateurs, dans l'incapacité d'établir le moindre reçu. Aujourd'hui, c'était différent. Le pouvoir de nos services était tel que nous avions accès à n'importe quoi, n'importe quelle information, n'importe quel matériel. Mais nos résultats étaient-ils meilleurs pour autant ? C'est une question que je me posais souvent les soirs d'hiver, de retour de mission. Ces soirs où l'ont se demande si finalement, on n'a pas raté son existence. Evidemment, nous baignons dans l'opulence, dans l'argent. Les James Bond girls sont à nos pieds. Nous sommes craint. Mais à quoi tout cela sert-il ?
Mais je laissais de coté ces pensées (c'est fou ce que je peux penser à des choses qui n'ont rien à voir avec ce qui m'arrive non?) lorsque je vis s'avancer le repas. Quel régal! Quel festin! Les plats arrivaient par dizaines autour de nous, et repartaient pour laisser la place aux suivants alors que nous n'avions même pas pu les achever (ce qui eu pour effet de plonger Guitou dans une grand mélancolie, qui entrepris aussitôt de penser à Jean-Pierre).
Puis, parce que cela démangait les professionnels que nous sommes, nous nous mîmes à faire la démonstration de certains de nos outils. Ce fut alors affluence de portables en tout genre qui se mirent à ronronner autour de nous. Les lecteurs de disquettes s'en donnaient à coeur-joie. Les écrans LCD scintillaient tout autour de nous. Le cliquetis des claviers résonnait. Mais parce que cela ne nous suffisait pas, Georges voulût nous montrer son antre secrète: la Georges's_home! Il nous expliqua comment, avec l'aide de l'un d'entre nous dénommé Jacques Martin, il avait réussi à camoufler son antre en faux serveur minitel. On a essayé depuis un minitel, surtout Franck d'ailleurs, qui découvrait avec le minitel II quelque chose d'enfin plus puissant que son game boy.
C'est alors qu'IL ordonna que nous entrions en contact avec certains de ceux qui n'avaient malheureusement, pour cause de missions ultra-secrètes (genre: P'taing! J'ai découvert hier que j'avais un colloque demain. Ne vous-y trompez pas. C'est un code pour annoncer une mission ultra-secrètes ordonnées par ELLES). Le premier sur la liste était évidemment Jean-Pierre à qui nous nous mîmes en tête d'envoyer un netmail crash. Pas de chance, c'est ce même instant que choisit un des utilisateurs, recruté par Georges pour rendre sa couverture plus crédible, pour se connecter sur ce qu'il croyait être un BBS. Nous pensâmes même l'espace d'un instant qu'il s'agissait d'une taupe qui venait observer notre réunion, car il se connectait à 2400 bauds (cf 1er épisode!). Un de nos spécialiste technique, conscient de l'énorme retard que nous pourrions prendre, s'enquit alors de faire la démonstration de la puissance de camouflage de nos systèmes, et demanda à Georges d'appuyer sur Alt-G (précisons que Georges est équipée du dernier RemoteAccess, et que pour ce dernier, G signifie Garbage!). Celui-ci s'éxecuta, très amusé par ce qu'il voyait s'afficher. Alors, le spécialiste demanda à Georges de presser Alt-H, et à ce moment, comme par enchantement, la ligne se libéra. Georges était très content, car il découvrait de nouvelles facettes de son arme, qui pourrait lui être utile par la suite. Mais le temps qu'il se remette de ses émotions, l'utilisateur entrepris de se reconnecter. Nous eûmes alors la démonstration que la couverture de Georges, qui occupe soit-disant la fonction de gentil sysop, était absolument parfaite: il avait vraiment très bien recruté ses faux utilisateurs. En effet, celui-ci, à peine reconnecté, fit comme s'il était le vrai parfait utilisateur. Il laissa un beau message au sysop, décrivant les malheurs qu'il avait eu lors de sa permière connexion. Nous n'avons jamais compris pourquoi, mais Georges, à cet instant précis, devint tout rouge, et la sueur commença à perler sur son front...
Il fallut ensuite contacter Edmond. Tâche ô combien difficile car, pour les besoins des nombreuses missions qu'il mène, il est obligé de changer régulièrement de numéro de téléphone. Or personne n'avait eu vent de son nouveau numéro, qui avait changé quelques jours auparavant. En tant que représentant de la presse, je me targuais alors de disposer, sur mon portable, de la toute dernière version de BBSF, qui nous aiderait sûrement. Je jouais alors les grands libérateurs, conscient du grade que j'étais en train de prendre auprès de LUI. J'allais donc chercher mon portable estampillé "Presse" (c'est pour éviter les PV quand je navigue dans une conférence "Sysops only" alors que je ne suis plus sysop!) et, en l'allumant, un frisson d'effroi me parcouru l'échine. Je me rappellai qu'avant de partir pour ce long voyage, j'avais jugé utile de ne pas prendre sur moi d'informations confidentielles, et j'avais par conséquent commis un horrible "C:FC> Del *.*"!!! Horreur! Je sentis tous les regards se poser sur moi pendant que je cherchais lamentablement un moyen de détourner la conversation... Au bout d'une bonne dizaine de minutes, je parvins enfin, à l'aide d'un decodeur spécial (qui ressemble à un éditeur de secteur) à retrouver un bout du fichier que je cherchais. Et là, un éclair de génie me traversa (ça m'arrive une fois tous les 10 ans! C'est tombé au bon moment, c'est tout), et je me souvins des méthodes de cryptage utilisée par Edmond: le 0 pour le vocal, le 1 pour le fax et le 2 pour le BBS! C'est triomphalement que j'annoncais (au bout d'un petit quart d'heure) le numéro tant recherché. Evidemment, mes compatriotes furent soulagés de pouvoir enfin joindre Edmond. Mais j'avais raté mon occasion. IL ne me prenait plus au sérieux.
Ca et là, nous continuâmes ensemble à relater nos divers exploits jusqu'à une heure fort avancée de la nuit, ce qui déplut fort à Marlène. Alors IL décida qu'il fallait que nous nous séparions pour la nuit. Chacun devait repartir, vers un lieu connu de lui seul (quand il avait la chance de le connaitre. Parfois, l'information était tellement bien gardé que l'intéressé ne savait pas où il devait passer la nuit!). En tant que seul représentant de la presse, j'eu l'honneur d'être invité par LUI, à rejoindre son antre. J'en fus très touché, et surtout, cela me permis une fois encore d'admirer l'immense professionalisme de Notre Vénéré. En effet, alors que je suivais à distance (simple refléxe professionnel) la Mercedes qui l'emmenait (non, non, il n'est pas riche. La Mercedes a à peu près la même gueule que son proprio; cf. photo de Michel Barthélemy, disponible dans toute les bonnes crémeries), je fus surpris des maints détours qu'il empruntait, des demi-tours et autres stationnements au milieu de croisements dangereux. IL essayait probablement d'éventuels poursuivants. J'imaginais alors en moi-même qu'ils devaient être en train de discuter en langage codé, histoire que personne ne se doute de rien. Un dialogue du genre: "P----N! C'est chez moi! je sais comment on y va quand même. Tiens, prend à gauche là, ça me dit quelque chose... Continue... Continue... Ah ça y est, je sais où on est, on s'est planté, fais demi-tour... Là... Tiens, c'est marrant, ce croisement, il ne me dit rien du tout. Je suis sûr qu'il était pas là hier. Essaye à droite pour voir...". On ne se doute pas, lorsqu'on ne connait pas ce code, la richesse d'informations secrètes qui a pu être échangé entre ces deux hauts responsables. Et comme je n'ai pas la chance de connaitre ce code non plus, je n'y vois, comme vous, qu'une conversation de deux mecs, paumés en pleine nuit, et qui essayent de rentrer chez eux après avoir trop pensé à Jean-Pierre...
Nous arrivâmes tout de même, puisque je suis encore là pour vous le raconter. Et après un dernier regard mélancolique jeté vers l'Art Des Choix! BBS en perdition, et une toute petite dernière pensée à Jean-Pierre, nous partîmes tout trois rejoindre Morphée.
Mais ceci est une autre histoire...