HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS ÖÄ¿ ÖÄ¿ ÖÄÄÄ¿ ÖÄÄÄÄÄ¿ ÖÄÄÄÄÄ¿ ÖÄÄÄÄÄÄ¿ ÖÄÄÄ¿ ÖÄÄÄÄÄÄ¿ ÖÄÄÄÄÄ¿ º ³ º ³ È» Õ¾ º ÕÍÍ; ÈÍ» Õ; º ÕÍÍ» ³ È» Õ¾ º ÕÍÍ» ³ º ÕÍÍ; º ÀĽ ³ º ³ º ÀÄÄÄ¿ º ³ º ³ º ³ º ³ º ÀÄĽ ³ º ÀÄ¿ º ÕÍ» ³ º ³ ÈÍÍÍ» ³ º ³ º ³ º ³ º ³ º ÕÍ» Õ¾ º Õ; º ³ º ³ Ö½ À¿ ÖÄÄĽ ³ º ³ º ÀÄĽ ³ Ö½ À¿ º ³ º À¿ º ÀÄÄÄ¿ È; È; ÈÍÍ; ÈÍÍÍÍ; È; ÈÍÍÍÍÍ; ÈÍÍ; È; ÈÍ; ÈÍÍÍÍ; ÖÄÄÄÄÄÄ¿ ÖÄÄÄÄÄ¿ ÖÄÄÄÄÄ¿ È» ÕÍ» ³ º ÕÍÍ; º ÕÍÍ; º ³ º ³ º ÀÄ¿ º ÀÄÄÄ¿ º ³ º ³ º Õ; ÈÍÍÍ» ³ Ö½ ÀĽ ³ º ÀÄÄÄ¿ ÖÄÄĽ ³ ÈÍÍÍÍÍ; ÈÍÍÍÍ; ÈÍÍÍÍ; ÖÄÄÄÄÄ¿ ÖÄ¿ ÖÄ¿ ÖÄÄÄÄÄ¿ ÖÄ¿ ÖÄ¿ ÖÄÄÄÄÄÄ¿ ÖÄÄÄÄÄ¿ º ÕÍÍ; º ³ º ³ ÈÍ» Õ; º ³ º ³ º ÕÍÍ» ³ º ÕÍÍ; º ÀÄ¿ º ³ º ³ º ³ º ³ º ³ º ÀÄĽ ³ º ÀÄÄÄ¿ º Õ; º ³ º ³ º ³ º ³ º ³ º ÕÍ» Õ¾ ÈÍÍÍ» ³ º ³ º ÀĽ ³ º ³ º ÀĽ ³ º ³ º À¿ ÖÄÄĽ ³ È; ÈÍÍÍÍ; È; ÈÍÍÍÍ; È; ÈÍ; ÈÍÍÍÍ; ou les Futurs Multiples Le Fanzine de la Science-Fiction Nø4 NuM‚Ro oCToBRe / DeCeMBRe 1995 ÚÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ¿ ³ SOMMAIRE ³ ÀÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÙ I - Edito. II - LES DOSSIERS 1 - Bibliographie de Stefan Wul. 2 - C'est quoi le Cyberpunk. 3 - Voyage zo U.S.A. III - DECOUVERTES 1 - La dod‚calogie de Star Wars. 2 - R‚flexions sur Larry Niven. 3 - Entretien avec un MaŒtre de Jeu. 4 - Info sur la Guerre des Etoiles. 5 - Quelques librairies SF en France. IV - VOS FUTURES LECTURES 1 - La machine infernale - R‚sum‚. 2 - Madlands - R‚sum‚. 3 - Le Cycle des Ancˆtres - Resum‚. 4 - L'Histrion - R‚sum‚. 5 - Sexomorphes - R‚sum‚. 6 - Les profondeurs de la Terre - R‚sum‚. 7 - Chute - Resum‚. 8 - Les racines du pass‚ - Resum‚. 9 - Les seigneurs de la guerre - R‚sum‚. 10 - Niourk - R‚sum‚. V - NOUVELLES 1 - Ils sont la ! - Nouvelle. 2 - L'‚gar‚ d'outre-ciel - Roman. VI - PRATIQUE 1 - Liste des Fanzine SF de la E.F.F. 2 - Mise … jour du fanzine liste HF. 3 - Les Autres Fanzines de SF. 5 - Le Copyright. ÚÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ¿ ³ E D I T O ³ ÀÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÙ La science-fiction a ‚t‚ bien afflig‚e ces derniers mois, depuis le dernier num‚ro de Histoire des Futurs ‚norm‚ment d'auteurs de talent nous ont quitt‚s ! Rendons hommage … ces chers disparus qui nous ont donn‚ tant de plaisir. John Brunner est d‚c‚d‚ le 25 Ao–t suite … une crise cardiaque au bar de la convention annuelle de science-fiction (qui se tenait cette ann‚e … Glasgow). Il est donc mort le lendemain … l'h“pital. Pierre Barbet, lui, nous a quitt‚s en Juillet, sa derniŠre interview est parue dans le bulletin du club "Pr‚sence d'Esprits" durant l'‚t‚. Michael Ende, auteur allemand … qui l'on doit l'Histoire sans Fin, est lui-mˆme mort cet ‚t‚. Pour terminer cette sombre n‚crologie, Mike Mc Quay est d‚c‚d‚ en Mai 1995. Outre plusieurs collaborations dans la CITE DES ROBOTS d'Asimov & Cie, ou avec Arthur C.Clarke, il avait publi‚ quelques romans de qualit‚ comme par exemple : l'excellent MEMOIRES, paru chez Laffont A&D et repris en Livre de Poche. Avec Zelazny, Brunner, Barbet, Stork et les autres, l'ann‚e 95 (qui n'est pas encore finie) aura ‚t‚ bien noire pour la SF. Mais la litt‚rature a cela de merveilleux que si l'homme p‚rit, son oeuvre, elle, reste. Ces auteurs pourront encore nous enchanter par leurs ‚crits fantastiques durant des ann‚es. Cet ‚dito est bien sombre. Pourtant l'‚quipe de Histoire des Futurs a de quoi ˆtre heureuse : avec ce num‚ro, nous terminons la premiŠre ann‚e de ce E-Mag. Oui ! D‚j… un an (4 num‚ros) nous pouvons maintenant dire que nous sommes trimestriels. Je ne sais pas si la qualit‚ a toujours ‚t‚ au rendez-vous, mais les bonnes volont‚s, elles, sont de plus en plus nombreuses, ce qui m'enchante ‚norm‚ment. En cr‚ant ce fanzine, j'esp‚rais trouver des gens motiv‚s, et je dois dire que la r‚alit‚ a d‚pass‚ mes espoirs les plus fous. Grƒce … ces personnes, nous aurons peut-ˆtre mˆme bient“t une ‚dition papier d'Histoire des Futurs. S–rement n'aura t'il pas la mˆme forme que le mag ‚lectronique, mais le fond et l'esprit seront, je pense, toujours au rendez-vous ! Le vrai problŠme du support ‚lectronique, c'est la diffusion. Il est impossible pour quelqu'un qui ne possŠde pas d'ordina- teur de consulter HF. Et mˆme avec un ordinateur, les problŠmes ne sont pas encore termin‚s ! He oui, il faut r‚cup‚rer les nouveaux num‚ros qui sortent r‚guliŠrement, et pour cela pas de grande possibilit‚ : soit vous le r‚cup‚rez sur un BBS (Bulletin Board System), soit on vous le donne sur une disquette. J'ai (pour ma part) trouv‚ un nouveau d‚bouch‚ en profitant de l'offre faite par un magazine (PcFun) qui accepte d'accueillir sur son cd-rom les cr‚ations d'amateurs. Je recherche toujours un site sur Internet pour entreposer les num‚ros du fanzine afin qu'ils soient disponibles … tout moment. Si, d'ailleurs, vous avez une proposition, elle sera ‚videmment la bienvenue. Toute cette introduction pour vous dire que Histoire des Futurs a besoin de vous, pour qu'il puisse continuer … vous donner votre manne de nouvelles. Il faut que vous participiez, vous aussi, … son ‚laboration par tout moyen qui vous convient. Le plus simple, et peut-ˆtre un des plus utile, c'est de diffuser les archives complŠtes sur tout les BBS et sites sur lesquels vous vous connectez. Ainsi notre petit fanzine aura plus d'audience, ce qui entraŒnera des participations plus importantes... Toute l'‚quipe de HF vous souhaite un bon no‰l et une joyeuse ann‚e, avec un peu d'avance. Le prochain num‚ro de Histoire des Futurs sera disponible en Janvier 96. Comme toujours si vous voulez participer … l'‚laboration du E- Mag, rien de plus simple : Prenez contact avec moi, soit sur le BBS d'Histoire des Futurs "CKC BBs", soit par courrier. Par courrier en ‚crivant … : Mr Christian Lacoste 16 Bd Ney 75018 PARIS Par BBS (CKC BBs) au : +33.1.40.05.99.19 J'attend vos r‚actions et critiques avec impatience. Christian Lacoste REDACTION - Albert Aribaud, Laurent Genefort, Christian Lacoste, Fabrice Montfort, Stephane Ruer, Jerome Sananes, Jean-Philippe Vert. HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS -> BIBLIOGRAPHIE DE STEFAN WUL <- POURSUITE VERS GAO (L'Arabesque "Espionnage", 1956, sous le pseudonyme de Lionel HUDSON) Dakar, Sioufy, commer‡ant syrien et chef d'un r‚seau d'espionnage pay‚ par l'gypte, ‚limine un missionnaire qui a d‚couvert un trafic d'esclaves. Soup‡onn‚ par Marc, agent de la D.S.T. d‚pˆch‚ sur place, il abat l'agent russe qui a pris contact avec lui, aprŠs avoir enlev‚ par m‚prise Maud Gelly, jeune journaliste amateur am‚ricaine. Se sachant traqu‚, Sioufy fuit vers Gao, sur le Niger, afin de vendre Maud … Ahmed ben Khaleb, interm‚diaire Maure des trafiquants. S'engage une longue poursuite sem‚e de cadavres … travers l'Afrique, interrompue par la mort du Syrien, poignard‚ par Ahmed. Nouvelle poursuite dans le d‚sert, jusqu'… la base des esclavagistes, o— Maud sera sauv‚e et la base d‚truite par un r‚giment de tirailleurs. La premiŠre partie, si elle reste (et s'enlise) dans une vague intrigue l'espionnage, bascule ensuite dans une chasse … l'homme ‚chevel‚e. La structure narrative -- enlŠvement de la jeune fille et poursuite -- servira de sch‚ma … Odyss‚e sous contr“le. L'ambiance est une Afrique d‚suŠte dont les accents coloniaux paraissent aujourd'hui assez irritants. Mais d‚j…, on trouve cette po‚sie sous-jacente et cette maŒtrise d'‚criture caract‚ristiques de l'ensemble de l'oeuvre wulienne : "ÿSur les bords de la route, des baobabs semblaient des mains monstrueuses et griffues dress‚es dans un ciel d'‚toiles". RETOUR A "O" (F.N. " Anticipation ", nø78, 1956) Depuis deux siŠcles, la Terre pacifi‚e envoie ses malfaiteurs sur son satellite. Mais la colonie pr‚pare sa vengeance. Les dirigeants terriens envoient Jƒ Benal, savant atomiste condamn‚ … la suite d'une catastrophe factice. Il parvient … rallier … la cause terrienne la plupart des d‚tenus, mais l'Ancˆtre, chef de la r‚volte, fait sauter la Lune, condamnant du mˆme coup la Terre. Seuls Jƒ et une s‚l‚nite, nouveaux Adam et Eve r‚duits … une taille de dix centimŠtres aprŠs une exp‚rience biologique, parviendront … rejoindre la Terre ruin‚e. Premier Anticipation, qui reste surtout par une scŠne o— les personnages miniaturis‚s sont introduits dans un corps humain pour aller combattre, au sens le plus litt‚ral, les germes de la maladie, scŠne reprise en 1966 dans le film Le Voyage fantastique (Wul aurait d– faire un procŠs)... ainsi que par l'arriv‚e surr‚aliste du h‚ros sur un sol lunaire … consistance de gruyŠre. NIOURK (nø83, 1957) Sur une Terre post-cataclysmique o— les oc‚ans se sont ass‚ch‚s et o— ont mut‚ les poulpes, un enfant noir, paria de sa tribu, est contraint de s'enfuir avant d'ˆtre sacrifi‚. Ayant mang‚ la cervelle du Vieux mort d'ivresse et s'‚tant empar‚ d'un antique laser, il mŠne son clan jusqu'… Niourk (New York). Atteints par la radioactivit‚ de cervelles de poulpes mang‚es, tous meurent sauf l'enfant noir, d‚contamin‚ … temps par des voyageurs de V‚nus. Le pouvoir de son cerveau d‚cupl‚ par ce qui a tu‚ les siens, l'enfant d‚place la planŠte dans un autre systŠme solaire afin de la conserver … l'‚cart de toute civilisation "‚volu‚e". PremiŠre r‚‚dition de l'oeuvre wulienne en Pr‚sence du Futur (Denoel), immense succŠs de librairie (chez Folio Junior) et l'un des meilleurs Wul, par sa richesse imaginative servie par une ‚criture d'une biblique simplicit‚. Ce qu'on appelle un classique. La vision des villes abandonn‚es, dont les robots continuent leurs tƒches depuis des siŠcles, est particuliŠrement saisissante. RAYONS POUR SIDAR (nø90, 1957) Sidar, ex-colonie terrienne, doit passer sous l'‚gide des Xress, rats intelligents mais agressifs, … la suite d'un accord diplomatique. Mais ceux-ci s'apprˆtent … commettre un g‚nocide … l'encontre des Sidariens. Lorrain, agent terrien (encore un !), se met en quˆte de Lionel, un clone cybern‚tique … son image, qu'il avait envoy‚ en reconnaissance. Ensemble, ils traversent la jungle pour rejoindre un laboratoire, d'o— Lorrain parviendra … arracher la planŠte de son orbite afin de la catapulter vers le systŠme solaire. Le moyen, diff‚rent de celui de Niourk : distribuer aux populations autochtones des miroirs sp‚ciaux, capables d'interagir avec le noyau de deut‚rium de la planŠte. Et cela marche ! La premiŠre des trois "jungles wuliennes". L'auteur avoue d‚marrer ses romans en partant du d‚cor, de la couleur, du climat. Quel d‚cor plus color‚ que la jungle ? Faune, flore, indigŠnes, tout est rendu sans lourdeur aucune, dans des tons bistr‚s de dioramas anciens. LA PEUR GANTE (nø96, 1957) En 2157, la Terre (enfin, la terre ‚merg‚e) se voit menac‚e par les torpŠdes, sortes de raies torpilles intelligentes qui, … l'instar des E.T. d'Abyss, sont capables de modeler l'eau … leur guise. Ils provoquent une s‚rie de cataclysmes -- fonte des glaces, raz-de-mar‚e -- d‚truisant la moiti‚ des surfaces habitables. L'humanit‚ d‚cim‚e r‚agit, de fa‡on fort wellsienne, en inoculant aux torpŠdes un virus ramenant ces derniers au rang d'inoffensifs poissons. Sans doute le plus dat‚ des Wul, par son c“t‚ catastrophe plan‚taire, survenant -- surprenant chez l'auteur -- au sein d'un tat utopique. Un tat non d‚nu‚ de ressources d‚fensives, donc pas si utopique que cela... OMS EN SRIE (nø102, 1957) Est-il besoin de r‚sumer le space opera qui a donn‚ naissance … La PlanŠte sauvage de Ren‚ Laloux (1972), dessin‚ par Topor ? TrŠs vite alors : dans un lointain futur, les oms ont r‚gress‚ pour devenir les animaux domestiques d'une race d'extraterrestres g‚ants, les Draags. Terr, qui a ‚t‚ ‚duqu‚ par hasard, mŠne ses frŠres … la r‚volte, r‚volte qui aboutira … un trait‚ de paix et de reconnaissance mutuelle. Avoir vu le long m‚trage d'animation ne vous dispense aucunement de lire ce chef-d'oeuvre, au moins pour quelques scŠnes m‚morables : quand, par exemple, des milliers d'oms assi‚g‚s mettent … profit l'‚lectricit‚ de leurs nerfs moteurs pour faire fonctionner un champ de protection magn‚tique... LE TEMPLE DU PASS (nø106, 1957) Le concept le plus original de Wul : un vaisseau en perdition est aval‚ par une cr‚ature aquatique, sur une planŠte inexplor‚e … l'atmosphŠre chlor‚e. Jolt et Massir, les occupants du vaisseau immobilis‚, ont l'id‚e de faire muter artificiellement le monstre. Des pattes lui poussent, et il vient agoniser sur une grŠve o— ses oeufs donnent des l‚zards intelligents. Ceux-ci aideront les deux astronautes, mais, Jolt mort, Massir ne pourra esp‚rer s'en sortir. Dix mille ans plus tard, les l‚zards vouent un culte au corps plac‚ en hibernation de Massir. La r‚ussite de l'auteur -- qui aime d‚cid‚ment se balader dans les replis anatomiques des ˆtres vivants -- est de nous rendre cr‚dible et vivant un organisme radicalement ‚tranger, par un sens du vraisemblable et une pr‚cision dans le d‚tail qui ne nous fait douter … aucun moment que celui-ci n'est qu'un produit de l'imagination. L'ORPHELIN DE PERDIDE (nø109, 1958) Seul survivant de l'extermination d'une colonie par des frelons qui ne sont pas sans ‚voquer, par leur capacit‚ … percer les blindages, les insectes dum-dum brussoliens, Claudi, un enfant de quatre ans, ne doit sa survie qu'… un micro qu'il prend pour un jouet. l'autre bout et des ann‚es-lumiŠre de l…, Max, bandit au grand coeur, et le vieux Silbad : ce sont eux qui guident le gar‡on … travers la jungle hostile, le temps pour eux d'arriver. Petit contretemps avec l'escale sur une planŠte tenue par des corsaires naufrag‚s. La chute du roman fait exploser cette trame archi-simple -- une course contre la montre -- par la r‚v‚lation : parvenus au bout de leur voyage effectu‚ … 99,9% de la lumiŠre, ils s'aper‡oivent qu'ils sont arriv‚s avec un siŠcle de retard. Les conversations avec Claudi, par un tour de passe-passe du continuum spatio-temporel, a eu lieu … rebours. Le vieux Silbad n'est autre que Claudi, recueilli autrefois par un colon. Seconde adaptation cin‚matographique de Ren‚ Laloux, sous le trait d‚pouill‚ de Moebius, avec Les MaŒtres du temps. Elle ajoute -- avec bonheur -- au roman deux ‚l‚ments : les corsaires naufrag‚s, m‚tamorphos‚s en anges asexu‚s soumis … une masse protoplasmique, et les MaŒtres du temps, donnant chair au paradoxe temporel. LA MORT VIVANTE (nø113, 1958) Le vieux Joachim, maŒtre-biologiste v‚nusien pers‚cut‚ par une soci‚t‚ religieuse o— la science, responsable de la pollution atomique de la planŠte mŠre, est tenue suspecte, est enlev‚ et amen‚ sur la Terre abandonn‚e. L…, dans un chƒteau des Pourres (les Pyr‚n‚es), une jeune femme, Martha, demande au vieillard de ressusciter sa fille, tu‚e par la morsure d'un l‚zard. Joachim parvient … cloner quelques cellules de la morte, mais la r‚ussite d‚passe ses esp‚rances et ce sont sept jumelles qui naissent et grandissent … un rythme prodigieux. Bient“t, les bras des jumelles se soudent (mˆme l'auteur des M‚t‚ores n'est pas all‚ aussi loin !). L'isolement d'une des jumelles n'aboutit qu'… sa mortÿ; invuln‚rables, les monstres se fondent en un serpent monstrueux qui prend possession du chƒteau, puis en une masse vou‚e … s'‚tendre sans fin. Atypique dans la production wulienne par sa fin pessimiste, par l'atmosphŠre fantastique qu'il distille (mais le thŠme et le d‚veloppement sont purement SF), ainsi qu'une angoisse trŠs proche de celle de The Thing de John Carpenter, ce roman aurait d– ˆtre adapt‚ par le cin‚ma italien. Les ‚ditions Robert Laffont, qui poss‚daient les droits … l'‚poque, n'ont pas eu le nez creux. PIEGE SUR ZARKASS (nø119, 1958) Laurent et Darcel, agents terriens, sont en mission sur Zarkass, planŠte tropicale dont le protectorat est menac‚ par les myst‚rieux Triangles. la suite d'une exp‚dition au sein de la jungle visant … atteindre un Triangle ‚cras‚, ils d‚couvriront le secret du voyage sub-spatial. Oblig‚ de se camoufler dans la momie d'un roi antique pour infiltrer l'Administration zarkassienne noyaut‚e par les Triangles, Laurent se voit "parasit‚" par l'esprit de Zafass-Thin, qui fera resurgir la ferveur religieuse perdue de son peuple et mettra en fuite les Triangles, r‚v‚l‚s sous leur forme v‚ritable, sortes de mouches intelligentes respirant de l'h‚lium. Ceux pour qui la SF est avant tout d‚cor verront dans PiŠge sur Zarkas s une perle rare, un joyau pr‚figurant, … bien des ‚gards, No“. Il restera aux autres … admirer l'histoire -- un m‚lange d'espionnage et d'aventure, tel que l'auteur en commit sous un autre pseudonyme. Mais l'union spirituelle entre un humain et un esprit extraterrestre permet finalement de transcender une aventure qui, sans cela, serait rest‚e au niveau, d‚j… excellent, de Rayons pour Sidar. TERMINUS I (nø 130, 1958) Marje demande … son ancien ami Julius, aventurier dou‚, quoique trŠs faiblement, de t‚l‚pathie, de se rendre sur Walden : dans un lieu connu d'elle seule se trouve une d‚charge spatiale recelant un tr‚sor d'un m‚tal inestimable, le palladium. En route vers la planŠte, Julius fait la connaissance de Stella. AprŠs quelques p‚rip‚ties, Julius parvient au cimetiŠre de vaisseaux habit‚ par les Velus, race primitive, et troque contre de la nourriture le m‚tal, qu'il fait parvenir … Marje par l'interm‚diaire d'une valise transmetteur de matiŠre. De retour au spatioport, il apprend que Stella a ‚t‚ victime des arbres de Walden, qui l'ont transform‚e en plante. L'ayant retrouv‚e, Julius d‚cide de devenir homme-arbre … son tour. ODYSSE SOUS CONTROLE (nø 138, 1959) Michel Maistre, agent secret terrien, d‚barque sur meraude o— les C‚podes, extraterrestres belliqueux tenant du poulpe, trament un mauvais coup. Dans le vaisseau, il a fait la connaissance d'une jeune fille, InŠs, qui est bient“t enlev‚e. Les recherches de Maistre le mŠnent jusqu'au repaire des C‚podes. Captur‚, il se r‚veille et s'aper‡oit que les C‚podes ont plac‚ son cerveau dans un bocal. Son corps servira … abriter le cerveau d'un C‚pode. Maistre fait ‚chouer l'op‚ration grƒce … des talents psychiques insoup‡onn‚s. Il s'enfuit dans la jungle avec InŠs, aprŠs avoir abattu son ami, greff‚ sur une araign‚e g‚ante. AprŠs plusieurs jours de fuite, ils sont rattrap‚s par de myst‚rieux humano‹des verts. La situation devient confuse, et les deux jeunes gens se r‚veillent dans un centre m‚dical : leur aventure n'‚tait qu'un rˆve contr“l‚, destin‚ … confirmer leur amour vacillant. L'intrigue d'espionnage d‚sormais classique chez l'auteur se d‚lite dans une horreur ‚voquant celle d'un(e) Gilles Thomas. Mais la pirouette finale, aussi gratuite que celle du roman pr‚c‚dent, ne parvient que difficilement … masquer le manque d'int‚rˆt de l'auteur pour son personnage. Triste adieu, qui n'est heureusement qu'un au revoir. NOO (PdF nos 236-237, 1977) 1938. Perdu dans la jungle v‚n‚zu‚lienne o— il est parti chercher ses parents dont l'avion s'est ‚cras‚ au cours d'une exp‚dition, le jeune Brice est recueilli … demi mort par un homme du nom de Jouve Dem‚ril. Celui-ci le soigne et lui avoue la v‚rit‚ÿ: sociologue exil‚ politique de Soror, planŠte appartenant … un systŠme nomm‚ H‚lios, il n'est rest‚ sur Terre que le temps de sauver le gar‡on. la suite d'un voyage spatial qui a dur‚ vingt ans en hibernation, ils sont arriv‚s tous deux sur Soror. La guerre fait rage, et les forces en pr‚sence veulent r‚cup‚rer Jouve … leur profit. Brice, en spectateur d‚tach‚, suit ce pŠre adoptif dans sa fuite … travers le continent. Arriv‚s … Grand'Croix, la capitale multiraciale et bariol‚e, Brice entre … l'‚cole, pendant que Jouve noue des contacts avec l'opposition. L'adolescent grandit au rythme d'amiti‚s et d'amours embrouill‚s -- puis c'est la fuite pr‚cipit‚e vers l'autre continent sororien, Imerine. Le pouvoir change de mains, les nouveaux dirigeants se r‚clament de Dem‚ril qui, … pr‚sent, nourrit une ambition : il veut ‚crire une bible ! Brice s'‚loigne, pr‚f‚rant la jungle et ses combats ; c'est au cours d'une permission qu'il apprend la mort de Jouve. Seul au monde, il quitte Soror pour Candida, l'autre planŠte habitable d'H‚lios, o— il est pris pour un jeune prince. Refusant le pouvoir au profit de l'amour, il ‚choue sur un ast‚ro‹de qui se r‚vŠle ˆtre un vaisseau interstellaire, lequel le ramŠnera sur une Terre vieillie d'un demi-siŠcle. Retour flamboyant aprŠs dix-huit ans d'absence (si l'on excepte quelques nouvelles) avec cette ‚pop‚e picaresque et path‚tique, diff‚rente … beaucoup d'‚gards de ses Fleuve Noir : la longueur (511 pages) et la complexit‚ de la structure, les r‚f‚rences litt‚raires, po‚tiques et picturales (Rimbaud, Nerval, Flaubert, en passant par Forest et M‚ziŠres !), le foisonnement des n‚ologismes qui ne sont que la face ‚merg‚e d'un iceberg de prouesses stylistiques. Wul, qui a mis cinq ans … l'‚crire, y d‚veloppe des systŠmes (au sens informatique du terme) organis‚s autour d'‚l‚ments constitutifs du d‚cor : le m‚rilisme, les mycoses respiratoires, le no“z“me -- en relation les uns avec les autres. No“ est enfin une somme de r‚flexions sociales et politiques qui prennent parfois le pas sur l'aventure. Pour sa derniŠre oeuvre de SF, Stefan Wul nous offre le seul livre-univers fran‡ais vraiment cr‚dible avec La Compagnie des glaces. Signalons enfin que Pierre Pairault a commis, sous son vrai nom cette fois, une ‚pop‚e burlesque en vers, intitul‚e La Vercing‚torigolade (1972, La Pens‚e universelle). LAURENT GENEFORT HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS -> C'EST QUOI LE CYBERPUNK <- Le premier emploi du terme "cyberpunk" pour d‚signer un genre de litt‚rature est g‚n‚ralement cr‚dit‚ … Gardner Dozois, qui, dans le debut des annees 80 ‚tait le r‚dacteur de Isaac Fiction Of science D'Asimov's Magazine. Il pense l'avoir decouvert dans le titre d'une histoire courte de Bruce Bethke, "Cyberpunk". (Bethke a depuis proclam‚ lui-mˆme ˆtre un "anti-cyberpunk".) La litterature Cyberpunk, en g‚n‚ral, est li‚e au gens qui font des affaires de fa‡on marginale en utilisant la technologie - l'histoire tourne toujours autour d'un "systŠme". Dans l'entourage de l'histoire, il y a habituellement un "systŠme" qui domine les vies des gens les plus "ordinaires" ; ce systŠme est toujours soit un gouvernement oppressif, soit un grand groupe, de type paternaliste ou corporatiste, ou alors encore une religion fondamentaliste. Ces systŠmes sont am‚lior‚s par certaines technologies (avan‡ant aujourd'hui … une vitesse qui ahurit la plupart des gens), particuliŠrement la "technologie d'information" (ordinateurs, multi-m‚dias matraqu‚ de facon massive), faisant en sorte de garder sa population dans un carcan d'ou elle ne souhaite meme plus s'enfuir. Souvent, ce systŠme technologique se prolonge grƒce … des prothŠses implant‚es dans le cerveau, qui deviennent des membres … part entiŠre, on clone mˆme g‚n‚tiquement les organes mecaniques, etc... Les humains eux-mˆmes deviennent partie int‚grante de "la Machine". C'est l'aspect "Cyber" du cyberpunk. Cependant, dans tout systŠme culturel, il y a toujours ceux qui vivent sur les marges de la soci‚t‚ : les criminels, les expuls‚s, les visionnaires, ou ceux qui veulent simplement garder leur libert‚ individuelle. La litt‚rature Cyberpunk parle des ces derniers, et souvent ceux-ci d‚tournent les outils technologiques du systŠme … leurs fins propres. C'est l'aspect "punk" du cyberpunk. Le meilleurs travaux sur le cyberpunk se distinguent des travaux pr‚c‚dent par des thŠmes similaires tourn‚ avec un certain style. L'entourage est urbain, l'humeur est toujours sombre et pessimiste. Les concepts sont jet‚s aux lecteurs sans aucune explication, beaucoup de nouveaux d‚veloppements technologiques pourraient se retrouver demain dans notre existence de tous les jours. Il y a souvent un sens d'ambigu‹t‚ morale; luttant simplement contre "le systŠme" (… le culbuter, ou juste … rester vivant) ne marque par le caractŠre des principaux "h‚ros" ; on ne retrouve pas le sens traditionnel du "bien". Dans le milieu des ann‚es 80 des groupes de gens on commenc‚ … se consid‚rer eux-mˆmes comme cyberpunk, parce qu'ils jugeaient correctement les graines de la fictions "techno-systŠme" dans la soci‚t‚ Occidentale aujourd'hui, et parce qu'ils s'identifiaient aux personnages marginaux dans les histoires cyberpunk. Depuis quelques ann‚es, les m‚dias de masse (journaux, teles etc...) on inclus certains groupes et gens dans la mouvance "cyberpunk". Les sous-cultures qui sont identifi‚s au cyberpunk sont: Hackers, Crackers, et Phreaks: Les "Hackers" sont les "magiciens" de la communaut‚ informatique; les gens qui comprennent comment fonctionnent les ordinateur et qui peuvent faire des choses avec eux qui semblent "magiques". Les "Crackers" sont les ‚quivalents des h‚ros des fictions cyberpunk; ils brisent les protections d'autres systŠmes d'ordinateur, sans leur permission, pour le gain illicite ou simplement pour le plaisir d'exercer leur habilet‚. Les "Phreaks" sont ceux qui font la mˆme chose avec le systŠme du t‚l‚phone, faisant en sorte de circonvenir le t‚l‚phone des entreprises, l'utilisant pour appeler gratuitement dans le monde entier en bref ils font des choses astucieuses avec le r‚seau du t‚l‚phone. Ces trois groupes utilisent l'‚mergence de la technologie des t‚l‚communications et des ordinateurs pour satisfaire leurs buts d'individualiste. A ma connaissance, le terme "cyberspace" a ‚t‚ employ‚ la premiere fois par William Gibson dans son histoire "Grav‚ sur Chrome". Ce travail d‚crit des utilisateurs employants des moyens appel‚s "cyberdecks", des ‚l‚ments supplementaires, qui complŠtent leurs organes sensoriels normaux, qui leur permettent d'avoir une interface sensorielle au r‚seau d'ordinateur mondial; grƒce … ces ‚l‚ments, les utilisateurs sont dans le cyberspace. (Le concept etait paru ant‚rieurement … Gibson), "Cyberspace" est ainsi le m‚taphorique "endroit" o— on accede au r‚seau mondial des ordinateurs. Bien que la vision du cyberspace de Gibson et surtout de la maniere de s'y rendre est dans un certains sens absurdes, il a stimul‚ beaucoup de monde dans la communaut‚. Le mot "cyberspace" fut employ‚ commun‚ment dans le monde des communications informatique par r‚f‚rence … l'‚mergence d'un monde plus grand avec son r‚seau d'ordinateur (surtout le plus connu : l'Internet). Egalement, en recherche avec la "r‚alit‚ virtuelle" qui essaie de recr‚er un monde avec un espace d'information … la Gibson. Cependant, le cyberspace est aussi employ‚ pour se r‚f‚rer … tout ordinateur qui g‚nŠre un environnement virtuel, mˆme si son but n'est pas d'acc‚der au Net. Quelques ouvrages se rattachant au genre CyberPunk : "Neuromancer", de William Gibson : un cracker op‚rant dans cyberspace. Gibson a gagn‚ le Hugo et le N‚bula avec ce livre ; il a ‚crit deux suites dans le mˆme cadre, "Count Z‚ro" et "Mona Lisa Overdrive". Gibson a aussi ‚crit une collection d'histoires courtes, "Grav‚ sur Chrome", qui contient trois histoires dans le contexte du roman "Neuromancer", ainsi que plusieurs d'autres, tel que les excellent "Le March‚ D'hiver" et "Dogfight". Le travail le plus r‚cent de Gibson est "LumiŠre Virtuelle". dans un avenir … la technologie tres avanc‚, on retrouve les mˆmes soucis th‚matiques que dans ses autres oeuvres sur le cyberpunk. "Hardwired", de Walter Jon Williams : un contrebandier qui pilote un hovertank d‚cide prendre sa revanche sur les Corporations Orbitales qui contr“lent son monde. "La Voix du Tourbillon", de Walter Jon Williams : un soldat clone essaie de d‚couvrir ce qui est arriv‚ … sa "copie originale". "Blood Musique", de Greg Ours : un ing‚nieur g‚n‚tique ‚lŠve certaines des cellules de son sang au niveau de l'intelligence, avec des cons‚quences radicales. "Synners", de La tape Cadigan : hackers et autres inadapt‚s poursuivent un nouveau virus mortel qui attaque les interfaces directes au cerveau. Bien entendu cette selection d'ouvrages est tout-…-fait personnelle ; je n'ai fait qu'un rapide tour et mes choix peuvent ˆtre contestables, mais comme je dis souvent... je fais ce que je veux hehe. CHRISTIAN LACOSTE HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS VOYAGE ZO USA J'ai cette ann‚e eu la chance de passer la majeure partie de mon mois d'ao–t aux Etats-Unis, pour un cicuit touristique trŠs agr‚able. Bonne occasion pour voir o— en est la science fiction dans un pays r‚put‚ pour ses trŠs nombreux (et souvent trŠs bons) auteurs. Alors, lis-je sur vos lŠvres avides (?), comment se pr‚sente la SF outre Atlantique ? Premier phenomŠne qui frappe d'entr‚e: une bonne partie de la sf est TRES m‚diatis‚e. La mode semble ˆtre cet ‚t‚ … Star Trek, dont les nouvelles s‚ries t‚l‚vis‚es (Next Generation, Deep space nine, et la derniŠre en date, Voyager) sont … la base de nombreux produits d‚riv‚es (figurines, posters, etc...), … l'utilit‚ parfois douteuse, comme par exemple cet ‚chiquier tridimentionnel avec rŠgles officielles authentifi‚ par Paramount Pictures, auquel jouent Captain Kirk et Mr Spock sur l'Enterprise, propos‚ pour la modique somme de 195 dollars (environs 1000 francs). Evidement, les lecteurs amateurs de la s‚rie ne sont pas en reste, avec de nombreuses encyclop‚dies ou dictionnaires consacr‚s … la s‚rie, et surtout un nombre impressionnant de livres. N'‚tant pas sp‚cialement fan de la s‚rie originale, et ne connaissant pas les plus r‚centes, je me suis abstenu d'acheter un volume pour essayer, mais apparement la qualit‚ doit ˆtre parfois au rendez vous puisque j'ai vu (avec surprise, il faut l'avouer) des livres consacr‚s … une des s‚ries sign‚s par des auteurs relativement connus tels que Robert Sheckley ou K.W. Jeter. Bien sur, chaque s‚rie a aussi un magazine qui lui est entierement consacr‚, bourr‚ d'interview des acteurs, de synopsis d'‚pisodes et de posters. L'autre sujet d'engouement des amateurs de science fiction "… paillettes" est Star Wars, avec l… aussi de nombreuses figurines, magazines, etc..., malgr‚ le fait que la trilogie n'ait pas eu de nouveaux ‚pisodes depuis maintenant un bon bout de temps (mais les nouveaux vont arriver, pour notre plus grand bonheur). De trŠs nombreux livres sont consacr‚s … la trilogie, dont certains ont ‚t‚s traduits en fran‡ais. On y apprend que Han Solo et Leia se marient, ont des jumeaux, que Luke fonde une acad‚mie Jedi, et ainsi de suite. Seule question que je me pose : Georges Lucas tourne actuellement une trilogie ant‚rieure … celle d‚j… existante, mais comment fera-t-il si il veut aprŠs tourner la suite ? Suivra-t-il le sc‚nario invent‚ par des auteurs peut-ˆtre m‚diocres, a-t-il lui-mˆme choisi les lignes g‚n‚rales de ce sc‚nario, le changera-t-il ? Mais je suppose qu'il y a d‚j… pens‚ en autorisant la sortie de livres consacr‚s … Star Wars en 1991. Je me suis achet‚ un des derniers volumes sorti, compos‚ d'une quinzaine de nouvelles ‚crites par des auteurs diff‚rents et qui ont pour point commun la c‚lŠbre Cantina de Tatoine. J'en ait lu une ou deux, ‡a n'a pas l'air mal, mais je vous en reparlerai probablement ult‚rierement. En ce qui concerne le cin‚ma, plusieurs films SF devrait sortir dans les mois … venir. Species, par Dennis Feldman, d‚crit un alien Gigeriens venu sur terre pour se reproduire. Sexe et violence sont parait-il au rendez- vous. Sorti ce mois ci (aout 95), Virtuosity, par l'homme … qui on doit Lawnrunner Man, est un thriller qui se d‚roule dans un monde futuriste o— la r‚alit‚ virtuelle tient une place trŠs importante. Enfin, Dan O'Bannon, … qui on doit d‚j… Total Recall, est en train de tourner Screamers, adaptation apparemment assez libre d'une nouvelle de Philip K. Dick, Second Variety. Mais venons en au sujet qui vous interresse probablement le plus, … savoir la litt‚rature SF. Les rayons SF des librairies am‚ricaines sont assez similaires par leur contenu … ce qu'on peut trouver en France. Cependant, certains auteurs connus en France, bien qu'am‚ricains, semblent avoir sombr‚s dans l'oubli des lecteurs. Ainsi, je n'ait pas vu un seul livre de Van Vogt, alors que je suis all‚ dans des librairies trŠs bien fournies en science fiction (mieux que la Fnac ou le Virgin Megastore, par exemple). K.W. Jeter ne semble pas non plus ˆtre dans une phase de popularit‚ faramineuse (puritanisme?). J'ai fait une ou deux acquisations interressantes, dont vous aurez les r‚sum‚s quand je les aurait lu. Mais le grand int‚rˆt des Etats Unis par rapport … la France se situe au niveau des magazines. En France, si l'activit‚ fanzinale est trŠs forte, il faut bien avouer que les magazines SF sont plut“t rares, voire totalement inexistants, dans les kiosques. Au Etats Unis, de trŠs nombreux magazines existent. J'ai pu en acheter pas moins de quatre dans une grande librairie non sp‚cialis‚e. Les trois plus connus, Asimov's Science Fiction, Fantasy and Science Fiction et Analog, sont trŠs int‚ressants : format l‚gŠrement sup‚rieur au format livre de poche, entre 150 et 200 pages, couverture SF o— sont annonc‚s les noms des auteurs du num‚ro, ils sont compos‚s … 95% de nouvelles ‚crites par des auteurs totalement inconnus en France (… quelques exception prŠs, comme Ray Bradbury ou Mike Ressnick) mais dont certains ne manquent pas de talent. Le magazine qui m'a le plus plu est cependant Science Fiction Age : format magazine classique, une centaine de pages, il est rempli de superbes illustrations en couleur, et dispose de plusieurs rubriques int‚ressantes qui manquent un peu … ses concurents (cin‚ma, science, jeux vid‚o...). L'essentiel de la chose est tout de mˆme consacr‚ aux derniŠres productions de quelques auteurs. Ainsi, bien que leur audience soit en l‚gŠre baisse ces temps-ci, les magazines SF semblent trŠs bien se porter. Il est tout … fait possible, moyennant un supl‚ment, de s'abonner depuis la France. Si quelqu'un est int‚ress‚, je peux donner une liste des adresses des principaux magazines. Il existe aussi des clubs d'achat de livres par correspondance, du style France Loisir, mais uniquement consacr‚ … la SF et au fantastique, permettant de recevoir des livres SF de votre choix … des prix trŠs avantageux. Malheureusement, il est impossible de s'abonner depuis l'‚tranger. Une des plus int‚ressantes "trouvailles" de mon s‚jour (trouvaille entre guillemets car ce livre est pr‚sent dans de nombreuses librairies), est The Year's Best Science Fiction, ‚norme volume regroupant les meilleures nouvelles parues cette ann‚e. Comportant plus de vingt nouvelles, pr‚c‚d‚es par un texte pr‚sentant les auteurs, ce livre devrait permettre de mieux connaitre la nouvelle g‚n‚ration d'auteurs am‚ricains. Les recueils de nouvelles sont en effet trŠs nombreux, et les anthologies th‚matiques foisonnent. Certains ‚diteurs ‚ditent mˆme des anthologie … thŠme compos‚es uniquement d'in‚dits! Int‚ressante initiative, non? Enfin bon, me voil… donc … la fin de ce rapide (quoique...) r‚sum‚ de mes vacances sf. Evidement, l'essentiel ce sont les livres, et, entre mes achats aux USA, les livres que j'avais pr‚vus de lire pendant d'‚ventuels moments perdus, et ce que je me suis achet‚ … lire avec la rentr‚e de fond substantielle due … mon anniversaire, j'ai beaucoup beaucoup beaucoup de lecture pour les mois … venir, d'autant plus que la langue anglaise de plusieurs des volumes ainsi que ma sp‚ risquent de ralentir mon rythme. A bient“t et bonnes lectures! JEROME SANANES HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS LA DODECALOGIE DE STAR WARS Nous sommes en 1982. Toute la Terre est occup‚e par les StormTroopers de l'Empire. Toute ? Non ! Dans un petit immeuble de MADison Avenue, les journalistes de la revue MAD r‚sistent encore … l'envahisseur Lucasien... [Le texte qui suit a ‚t‚ retrouv‚ dans un site FTP poussi‚reux consacr‚ … Star Wars. La traduction (parfois libre) est de votre serviteur, de mˆme que les commentaires entre crochets. D'autre part, en ce qui concerne les noms (de personnages et de lieux) qui ont chang‚ durant la trilogie, j'ai pris le parti de conserver les noms les plus employ‚s. Par exemple Alderann, cit‚e seulement dans le 1er film, conserve son nom fran‡ais : Ald‚rande, et Chiktabba (pourqui diable l'ont-ils rebaptis‚ ?) redevient le Chewbacca qu'il est dans deux films sur trois. Enfin, j'ai laiss‚ entre crochets les titres propos‚s par MAD, qui sont des jeux de mots au ras du plancher, et je les ai traduits par d'autres jeux de mots, de qualit‚ ‚quivalente :).] Compil‚ [sic] par: Ernie Oporto OK. Voila enfin ce que nous attendions tous : les plans de George Lucas pour la dod‚calogie (ce qu'elle devait ˆtre en 92, tandis qu'aujourd'hui c'est devenu une d‚calogie) que nous connaissons et adorons ! Bien s–r, C'est une plaisanterie, puisque ce texte a ‚t‚ publi‚ dans MAD en 1982, mais le voici quand mˆme... [Les remarques ci-dessus (dod‚calogie, d‚calogie) sont celles du type qui a envoy‚ cet article sur Internet. Elles datent donc de quelque part autour de 1982 aprŠs JC. Le status actuel des projets de Lucas a certainement beaucoup vari‚ depuis...] Reproduit sans la permission de MAD Magazine, avril 1982. =====d‚but de l'article===== DE: BUREAU DE GEORGE LUCAS A: TOUT LE PERSONNEL LE SCENARIO ET LES PERSONNAGES DE NOS FILMS SPATIAUX DEVIENNENT TELLEMENT CONFUS QUE PARFOIS MEME MOI, JE N'ARRIVE PAS A SUIVRE CE QUI SE PASSE. C'EST POURQUOI J'AI CONSTITUE CE LIVRET EN DEHORS DES STUDIOS. SI LE PUBLIC SAVAIT D'AVANCE CE QUE NOUS PREPARONS, CELA POURRAIT NOUS RUINER. Page 1 Au total, il y aura 12 films dans notre saga spatiale ‚pique, mais ils ne seront pas r‚alis‚s dans l'ordre chronologique. "La Guerre des Etoiles" ["Star Wars"] et "L'Empire Contre-Attaque" ["The Empire Strikes Back"], nos deux premiers films, sont en fait num‚ros 5 et 6 dans la saga. Notre troisiŠme film (en r‚alit‚ le n. 2 dans la saga) s'appellera "Les Clones Blancs" ["Send in the Clones"], dans lequel nous d‚couvrons que Dark Vador et Obi-Wan Kenobi sont des clone d'un mˆme donneur, qui se trouve ˆtre un ancˆtre oubli‚ de Chewbacca. Ceci est la cause d'un conflit entre les Wookies et l'Empire, ce qui fournira le sc‚nario de notre quatriŠme film (n. 3 dans la saga), "Wookie laid pass‚?" ["Makin' Wookie" -- je *sais* qu'il y a un jeu de mots dans le titre original, mais OU ? :) ] Page 2 AprŠs avoir vu "L'Empire Contre-Attaque", certains spectateurs on eu l'impression que Dark Vador est vraiment le pŠre de Luke Skywalker. Quoique "Wookie laid pass‚?" n'‚claircisse pas ce point, il r‚vŠle en revanche comment un ancˆtre de la Princesse Le‹a se lie d'amiti‚ avec Yoda, qui organise les Chevaliers Jedi, lesquels comprennent Dark Vador (… l'‚poque un jeune id‚aliste amoureux de la grand-tante de Lando Calrissian) et Obi-Wan Kenobi, qui d‚fendent les Wookies lorsque la planŠte mŠre de ces derniers, Kazhyyyk, est envahie par les dro‹des (film n. 11, "- D2 ! Coul‚ !"). Ceci introduit impeccablement notre cinquiŠme film (n. 1 dans la saga) "Vador ce que vous faites!" ["A Matter of Life and Darth"], dans lequel Luke, qui a d‚couvert les secrets du voyage dans le temps (dans "Wookie laid pass‚?", apprend que Dark Vador est … moiti‚ dro‹de et serait le vrai pŠre de Han Solo et Sisp‚o. Luke tient cette information de Yoda, qui r‚vŠle que Dark Vador, parce qu'il est en partie dro‹de, se m‚fie des humains and s'est donn‚ pour but d'organiser tous les dro‹des dans l'espoir de d‚truire l'Alliance Rebelle. Page 3 Pendant ce temps, dans notre sixiŠme film, "Ah, loue Le‹a" ["Hiya, Leia"] (n. 10 dans la saga), la Princesse Le‹a d‚couvre que son grand-pŠre et la grand-mŠre de Han Solo ‚taient voisins de palier sur Ald‚rande avant que celle-ci ne soit d‚truite par Dark Vador (dans "La Guerre des Etoiles"). Dans un combat galactique ‚chevel‚, Luke affronte Boba Fett, et l'on restera avec l'impression que Boba est peut-ˆtre le pŠre de Luke. Page 4 Ceci nous amŠne … notre septiŠme film, "- D2 ! - Coul‚ !" ["Cut and Droid"] (n. 11 dans la saga), qui relate la Grande Guerre des Dro‹des, dans laquelle on et amen‚ … croire que Sisp‚o meurt, aprŠs un combat plein de vaillance contre la rouille. Il ne doit y avoir aucune confusion avec le sc‚nario de notre huitiŠme film, "Han Dans les Dents" ["Look Ma, No Han"] (n. 9 dans la saga), dans lequel Han Solo est forc‚ de devenir un agent double au service de Dark Vador, et se perd dans l'hyper-espace quand R2D2 r‚vŠle que la Princesse Le‹a est peut-ˆtre la fille d'Obi-Wan Kenobi issue d'un premier mariage avec la soeur de l'arriŠre-grand-tante de Boba Fett. Page 5 Boba Fett et Jabba le Forestier (qui apparaissent dans "L'Empire Contre- Attaque") ont ‚t‚ … l'‚poque des camarades de Dark Vador, et ce fait est rappel‚ dans notre neuviŠme film, "All“ Maman Boba" ["Yessir, Thats My Boba"] (n. 4 dans la saga). Nous d‚couvrons que le sabre-laser de Luke Skywalker fut recharg‚ en une occasion par le pŠre de Boba Fett, que nous soup‡onnons ˆtre Chewbacca. Ceci assoit l'histoire d'amour entre Sisp‚o (qui apprend qu'il est … moiti‚ humain) et la soeur (dont on apprend qu'elle est … moiti‚ velue) de Chewbacca, Varga (apparue dans "- D2 ! Coul‚ !"). A ce point, nous apprenons de D2R2 (qui contient toute l'histoire de la Galaxie dans ses banques m‚morielles) comment l'ordre des Chevaliers Jedi fut dissous, et nous observons la crise de nerfs de Sisp‚o lorsqu'il d‚couvre que les mariages mixtes ne marchent pas toujours. Page 6 Quoi qu'il en soit, nous revenons toujours … la question de savoir qui est le pŠre de Luke, et dans notre dixiŠme film, "Trois hommes et un Lando" ["Lando Plenty"] (n. 8 dans la saga), nous d‚couvrons que l'arriŠre-grand- -tante de Lando Calrissian (apparue dans "Wookie laid pass‚?") pourrait avoir ‚t‚ la femme d'Obi-Too Kenobi (le frŠre cadet d'Obi-Wan) dans la Cit‚ des Nuages, … l'‚poque o— le pŠre de Lando joignit ses forces … celles d'un cousin de Han Solo pour ‚craser la PremiŠre R‚volte des Dro‹des, ce qui entraŒna la Grande Guerre des Dro‹des (vue dans "- D2 ! - Coul‚ !"). Page 7 Nous en apprenons davantage sur la g‚n‚alogie de Luke dans note onziŠme film, "Une minute, Dark!" ["Space 'n Vader"] (n. 7 dans la saga), o— les Chevaliers Jedi se divisent en trois factions - une loyale … la Princesse Le‹a, une autre loyale … Dark Vador, et une troisiŠme qui s'en fiche. Luke revient d'un p‚riple spatial vers la planŠte Kazhyyyk o— il d‚couvre la vraie identit‚ de son pŠre alors qu'il sauvait Chewbacca d'aliens miniatures. Luke, on le d‚couvre, v‚cut son enfance chez les Wookies, qui l'avaient r‚cup‚r‚ dans un vaisseau-robot … l'or‚e du Mandalore, le systŠme d'origine de Boba Fett et d'autres Super-Commandos. Ce sont les Wookies qui ont baptis‚ Luke "Skywalker", ce qui, dans la langue des Wookies, signifie "Guerrier Sans Poils Mais Qui D‚truit Le Mal Avec Un Rayon De LumiŠre". Plus tard, Luke apprend de D2R2 que son vrai pŠre n'est ni Dark Vador, ni Obi-Wan Kenobi, ni Boba Fett. Page 8 Dans notre douziŠme film, "Un Chevalier, Deux Chevo‹ssons" ["Once a Knight Is Enough"] (n. 12 dans la saga), l'identit‚ du pŠre de Luke est enfin r‚v‚l‚e. Ce pŠre n'est autre que la Force qui, comme nous l'avons vu dans "Les Clones Blancs", fut, un temps, capable de prendre forme humaine -- avant de se dissoudre dans la SixiŠme Dimension. Luke et Le‹a (qui a plaqu‚ Dark Vador aprŠs avoir ‚t‚ forc‚e de l'‚pouser dans "Ah, loue Le‹a") se retrouvent et s'installent dans une autre Galaxie. Ce dernier film constitue l'apog‚e de la Saga "Star Wars : 1Šre ‚poque". Aussit“t aprŠs qu'il sera termin‚ (nous pensons que ce sera vers 2014), nous commencerons … travailler sur les 24 films qui formeront la Saga "Star Wars : 2Šme ‚poque". =====Fin de l'article===== ALBERT ARIBAUD HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS QUELQUES REFLEXIONS SUR LARRY NIVEN J'ai un recueil de nouvelles et d'extraits de livres de Niven. Une foultitude de gens bien y parlent de lui, comme Tom Clancy et Frederik Pohl ; Niven y tient un long avant-propos et y pr‚face chaque nouvelle ou extrait... Et pourtant, Je n'y ai pas trouv‚ de notice biographique. Il faudra donc se contenter de savoir que Niven (qu'on a trŠs vite envie d'appeler simplement Larry) a fait des ‚tudes de maths, que c'est donc un scientifique de formation, et qu'il est venu … la science- fiction parce que c'‚tait un moyen de devenir sain d'esprit. Qu'il considŠre qu'‚crire peut conduire … la folie. Bref, que Niven est incernable. Niven a ‚crit tant de choses que les citer me fatigue d'avance... Le recueil N-SPACE dont je tire ces infos ne contient pas moins de 171 r‚f‚rences (nouvelles ou romans) ! Niven a ceci de fantastique qu'il prend une id‚e, quelle qu'elle soit, scientifique ou non, et qu'il en tire une histoire. Ses domaines de pr‚dilection sont la science et la magie. Sa science n'a pas l'aspect "high tech" du Cyberpunk, mais on y retrouve quand mˆme quelques ‚l‚ments communs, comme la mol‚cule de Sinclair (qui permet de former des fils trŠs fins et indestructibles, donc tranchants comme des rasoirs). En fait, la science de Niven n'a rien qu'on ne puisse admettre, rien qui ne soit si complexe qu'il n'y ait une explication que l'esprit ne croie comprendre. Il y a une logique intrinsŠque. De mˆme … sa magie : ele suit des rŠgles simples, pr‚visibles. Dans "What Good Is A Glass Dagger ?" ("A quoi sert une dague de verre ?"), une de ses nouvelles "magiques", Niven fait dire … un sorcier, … propos d'un autre qui porte une ‚p‚e : "Il est ‚vident que c'est un remŠde … l'impuissance [...] Une [magie de] similarit‚". Autrement dit, Niven d‚tourne … nouveau la science (psychologique) pour constituer sa magie. Mais l… o— Niven excelle, c'est quand il m‚lange science et magie. Dans plusieurs nouvelles de "The Flight Of The Horse" ("L'envol du cheval"), Hanville Svetz, voyageur temporel, ramŠne des "‚chantillons". Il doit trouver un cheval ; celui qu'il ramŠne possŠde une corne sur le front, et n'ob‚it qu'aux vierges. Svetz ramŠne une autruche alors qu'il cherchait le l‚gendaire oiseau Roc : qu'… cela ne tienne, une petite r‚gression contr“l‚e fait de l'autruche un Roc v‚ritable -- avec tous les d‚sagr‚ments qui s'ensuivent... Le plus g‚nial est que ces d‚rives que le lecteur sait magiques, un des personnages de Niven finit par les attribuer... … des univers parallŠles ! En fait, partout o— il pose le pied, Niven cr‚e un univers. Comme l'Anneau-Monde, bande d'un m‚tal quasi indestructible, dont la largeur est quarante fois la circonf‚rence de la terre et qui entoure une ‚toile lointaine ; l'humain Louis Wu et le Kzin Parleur-aux-Animaux parcourent ce monde en recherchant la sortie qui leur permettra de retourner vers leur univers, rencontrant nombre de soci‚t‚s ‚tranges... Comme la terre o— se d‚roulent les affrontements entre magiciens avides de la "Mana", source de leur pouvoir et qu'ils contribuent … faire disparaŒtre. Comme la Draco's Tavern, dont le patron vous raconte ses d‚mˆl‚s avec les Moines et autres espŠces extraterrestres aux noms impronon‡ables. Bref, Niven vous fabrique des mondes … la pelle, avec une clart‚ du texte qui rend son anglais fort lisible, mˆme … un fran‡ais, et avec un flegme qui donne … penser que s'il n'est pas Anglais, il m‚riterait de l'ˆtre, si ce n'‚tait qu'il est capable de disserter sur la vie sexuelle de Superman, ce que bien s–r aucun sujet de sa TrŠs Grƒcieuse Majest‚ ne se permettrait de faire. Cherchez les romans et les recueils de Niven. Sans avoir lu tout Niven, je suis prˆt … parier que tout Niven *vaut* d'ˆtre lu. ALBERT ARIBAUD HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS Entretien avec un MaŒtre de Jeu Ou Jeu de questions-r‚ponses sur les JdR's AprŠs un long moment de concentration (voir mˆme de recueillement), le MJ se met devant son clavier pour vous taper ce petit texte. Il s'agit ici de donner quelques vagues notions aux futurs joueurs, MJ's ou encore aux gens qui pensent encore que le Jeu de R“le a un effet nocif pour la sant‚ morale des sujets (les joueurs)... Voici donc le r‚sum‚ des d‚ambulations c‚r‚brales de votre humble serviteur... MOI... I. Que dire aux personnes qui pensent que le Jeu de R“le est dangereux ? Pour parvenir … cette conclusion, ils ont d– se baser sur des faits r‚els, des ‚tudes pouss‚es, mais peut-ˆtre ne leur a-t-on seulement que racont‚... Ces faits sont les suivants: - Un jeune homme tue ses parents, son frŠre et sa soeur pour prouver … son MaŒtre du Donjon qu'il est capable de tenir une mission (une aventure) jusqu'… son aboutissement total. - Un ‚tudiant tue un professeur de 27 coups de couteau parce qu'il pensait qu'il incarnait le MaŒtre du Donjon. Et que toute aventure (de AD&D) se termine par la mort du MaŒtre du Donjon... - Une jeune fille se donne la mort car son personnage a ‚t‚ tu‚ durant l'aventure pr‚c‚dente. Elle se jette par la fenˆtre de son appartement. - etc... Il nous faut tout de mˆme noter que ces cas sont trŠs rares et que ces personnes sont d‚j… atteintes de troubles du comportement avant d'ˆtre initi‚es au Jeux de R“les. De plus, il est dommage que toute une communaut‚ (celle des joueurs ou des Mj's ou MD's) soit tenue pour responsable de ces incidents. Je n'ai pour ma part qu'une chose … dire concernant tout ceci: Il est beaucoup plus facile pour une famille d'accuser les Jeux de R“les plut“t que de se remettre en cause et de voir le problŠme … sa source... II. Qu'est ce qu'un jeu de r“le ? D'aprŠs ce que je sais, mais je puis me tromper (je n'ai en effet que 6 ans d'exp‚rience dans le Jeu de R“le), il s'agit d'un jeu mettant en scŠne des personnages imaginaires. Les joueurs cr‚ent un personnage (ou h‚ros) sur feuille et suivent son ‚volution durant les aventures imaginaires que repr‚sente le jeu. J'insiste bien ici sur le mot "imaginaire" car tout ceci n'est que pure fiction, le d‚cor (se situant soit dans le monde m‚di‚val, soit dans un monde futuriste, soit encore dans un univers post-apocalyptique) n'est que le reflet c‚r‚bral d'une description faite par le MaŒtre de Jeu, les h‚ros (issus tout droit d'un jet de d‚s, ou d'un cerveau machiav‚lique tel que le mien) ne sont pas assis avec nous autour de la table qui nous sert de champ de bataille (quoique...), et les armes, les batailles ne sont que des coups de d‚s hasardeux de la part des joueurs et du MJ. Pendant une aventure, on peut soit checher … d‚truire le tyran qui met une contr‚e lointaine … feu et … sang, soit se mettre en quˆte du fabuleux tr‚sor enfoui dans les m‚andres des catacombes du chateau de Kar-Thot (le si puissant sorcier que tout le monde redoute), ou encore sauver sa dulcin‚e des griffes du seigneur des ombres et du chaos... Mais le principal est de ne pas se prendre au s‚rieux, et d'aborder le jeu sous un esprit diff‚rent de celui qui regit notre ‚poque... Pas de loi trop stricte, toujours un moyen de marchander quelque chose, disparaŒtre au nez et … la barbe de son adversaire, lancer quelques sortilŠges puissants, etc... III. Quel est le r“le du MaŒtre de Jeu ? Le MaŒtre de Jeu (ou MJ) n'est pas l'ennemi des personnages bien qu'il incarne les monstres et sorciers qui combattent les h‚ros lors de leurs aventures, mais il est plut“t le guide de ses h‚ros et il les aidera … vaincre les difficult‚s d'une quˆte. Lorsque des joueurs bloquent sur une enigme trop difficile ou bien qu'ils sont confront‚s … une horde d'ogres en surnombre, le MJ par son indulgence et sa compr‚hension donnera un l‚ger coup de pouce aux personnages. Son but est aussi de faire ‚voluer les joueurs jusqu'… un niveau suffisemment ‚lev‚ pour qu'ils puissent participer … des parties externes et ainsi redorer son blason. IV. Quel est pour vous le joueur id‚al ? Grand (au moins 1m80), blond, les yeux bleus (les deux), le teint mat, et plus si affinit‚s... Non, sans blague, il faudrait que ce joueur connaisse parfaitement l'univers dans lequel il ‚volue, qu'il soit capable de guider un groupe de h‚ros novices, sans pour autant les perdre dans un charabia de termes techniques, et qu'il sache tenir son r“le (c'est … dire incarner son personnage tel un acteur professionnel). Mais surtout, qu'il puisse faire la diff‚rence entre une partie de JdR et la vie de tous les jours (il n'est pas toujours facile de g‚rer les ‚carts "hallucinatoires" d'un joueur qui disjoncte)... :)) V. Quel genre de partie voudriez-vous animer ? Mon rˆve (comme celui de presque tous les MJ's) est d'animer une partie dans une cit‚ m‚di‚vale (en taille r‚elle, armures, et tout le toutim)... Imaginez par exemple, les remparts de Carcassonne... Une vingtaine de survivants de la bataille prenant refuge en haut des remparts... Les hordes sauvages tentant d'assaillir la Cit‚... Le combat ‚clatant au milieu des villageois... Les cris... Le choc des armes... Et, l…, sortant de nulle part... Le Seigneur de l'arm‚e du chaos... Son ‚p‚e faite d'un metal aux reflets ‚carlates se levant et fendant l'air pour aller se planter dans le crƒne d'un des h‚ros... Et enfin le combat ultime de la poign‚e de survivants contre cet ˆtre surhumain, ce personnage hors du temps... La victoire... Les acclamations de la foule... Et la petite pose "autographes"... ;-)) VI. En quelques mots, donnez un conseil aux joueurs novices. Ne discutez jamais une d‚cision prise par le MJ... VII. Que pourriez-vous dire en guise de synthŠse de ces quelques questions ? Euh...??? Bleue, saignante, ou … point, la synthŠse??? Bon, d'accord... j'arrˆte... Et bien, en guise de synthŠse, on pourrait dire que c'est que pour de faux... Et que plus les joueurs seront nombreux, plus l'opinion publique ‚voluera... Donc : FAITES CONNAITRE LE JEU DE ROLE AUTOUR DE VOUS ET FORMEZ DES PHALANSTERES PLUS NOMBREUX ET PLUS PUISSANTS CHAQUE JOUR QUE SATAN FAIT... Gniark... Gniark... >:> Je me remercie de m'ˆtre interview‚ aussi pertinemment et je me dis … bient“t pour r‚pondre … mes questions... :)) Ami Calmant, Fabrice FABRICE MONTFORT HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS RESSORTIE DE LA TRILOGIE DE LA GUERRE DES ETOILES QUELQUES INFORMATIONS UTILES Omnibus vient de sortir une compilation Star Wars en 2 volumes (tome 1: SW,ESB,ROTJ, tome 2 : la trilogie de Timothy Zahn). Le premier tome est surtout int‚ressant par la pr‚sence d'un bon dossier Star Wars d‚crivant l'univers de Lucas. On y trouve pˆle-mˆle et dans le d‚sordre : la g‚nŠse de SW, une courte biographie de Lucas, une ‚tude phylosophique, les chiffres clefs, Lucasfilm, le THX, les romans, les BD, tout ce qui tourne autours de la licence Star Wars, et plus. Pour une fois les infos sont r‚centes et int‚ressantes. A lire pour tous les fans de Star Wars ! A noter aussi, les nouvelles figurines Kenner commencent … ˆtre disponibles dans les magasins de jouets traditionnels. Et Applause vient de sortir une nouvelle ligne de figurines, pas mal foutues, ma foi. La (re-)trilogie qui sort bient“t comporte des scŠnes qui avaient ‚t‚ coup‚es au montage, ainsi que des nouvelles scŠnes tourn‚es pour la circonstance (… l'‚poque les moyens techniques ne permettaient pas … Lucas de faire tout ce qu'il voulait). La nouvelle suite est en cours de tournage : les rep‚rages ont ‚t‚ faits, le sc‚nario est ‚crit (par Lucas himself) mˆme s'il bouge encore pas mal et visiblement Lucas supervise de TRES prŠs le film. Y'a plus qu'… attendre 1997... Pour revenir sur les diff‚rents romans Star Wars qui existent, tous (… ma connaissance) ont ‚t‚ command‚s par Lucasfilm sur des id‚es originales de Lucas (des histoires qu'il aurait bien voulu mettre en film, mais au train o— avance les choses on aurait eu les images en 2050 voire plus !!!) A savoir : avec la sortie de la trilogie Starwars remasteris‚e, version longue etc, (le 29/08 aux USA, d‚but octobre en France) le merchandising repart de plus belle. Kenner Toys r‚‚edite ses figurines Starwars plus des nouvelles non connues (Amiral Thrawn, etc) soit en tout plus de 300 figurines (avant la sortie des nouveaux films en 1997). Pour ceux qui sont int‚ress‚s des magazines US et Fran‡ais (Staw Wars Insider, Staw Wars Galaxy Magazine, etc) sont disponibles dans les boutiques sp‚cialis‚es.... Pour les nouvelles et les romans Star Wars, on peut les trouver en VO … la FNAC Halles (c'est moins cher que de les chercher aux USA, mais moins exotique, j'en conviens :-) ). Jean-Philippe VERT HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS QUELQUES LIBRAIRIES SF Je reviens vous embˆter avec une liste absolument pas exhaustive de librairies SF & Fantastique. LIBRAIRIES SF : 1. Brentano's librairie am‚ricaine de Paris, elle a cr‚‚ un Science Fiction Club en 1993. 37 Avenue de l'Op‚ra 75002 PARIS 2. L'autre Rive 169 Grande Rue 86000 POITIERS 3. Librairie Paginaire 20 rue de la Rotisserie 37000 TOURS 4. Librairie Ailleurs 28 rue Pharaon 31000 TOULOUSE 5. LumiŠre d'Aout sp‚cialis‚e SF et BD Rue de l'Ecole 76000 ROUEN 6. Maison d'Ailleurs mus‚e de l'Imaginaire De nombreuses expositions th‚matiques y sont pr‚sent‚es. Case Postale 3181 1401 YVERDON LES BAINS, SUISSE 7. COSMOS 2000 Organise chaque ann‚e le PRIX COSMOS 2000 et le PRIX JULIA VERLANGER. De nombreuses sc‚ances de d‚dicace lors du passage des ‚crivains par Paris. 17 rue de L'arc de Triomphe 75007 PARIS LAURENT GENEFORT HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS ÚÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ¿ ³ MACHINES INFERNALES ³ ÀÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÙ George Dower est horloger : il a h‚rit‚ de la boutique de son pŠre, g‚nie qui construisait toute sorte de machines incroyables aux utilisations les plus diverses. Mais le fils n'a pas le talent du pŠre, et Dower arrive tout juste dans le meilleur des cas … r‚parer les machines que lui apportent ses clients de plus en plus rares. Un jour, un myst‚rieux homme noir (qu'il appelera l'Homme de Cuir Noir) lui apporte une machine ‚trange … r‚parer et lui donne une piŠce non moins curieuse, … l'effigie d'un certain saint Monkfish au faciŠs difforme. A partir de cet instant, sa routine quotidienne se transforme en une suite d'‚vŠnements bizarres et inexplicables, et sa vie est menac‚e de toutes parts. Quel est le r“le de Scape, homme peu vertueux, et de sa compagne miss Mc Thane, qui tentent de cambrioler son atelier ? A quoi servent toutes les machines ‚tranges que son pŠre a laiss‚ derriŠre lui ? Qui est r‚ellement l'Homme de Cuir Noir, dont le sang semble ˆtre de l'eau sal‚e ? Et surtout, d'o— viennent les humains monstrueux au visage semblable … celui de la piŠce, qui hantent le myst‚rieux quartier de Wetwick ? MACHINES INFERNALES est trŠs diff‚rents d'autres livres de K.W. Jeter, comme Dr Adder ou Horizon vertical. D'abord, l'action se situe non pas dans le futur mais dans l'Angleterre du 19 Šme siŠcle : le h‚ros se d‚place en fiacre, et on a au d‚but l'impression d'ˆtre au milieu d'un roman de Conan Doyle ou de Lovecraft. Le livre est … la premiŠre personne, et le narrateur, outre d‚crire ses impressions et sentiments, n'h‚site pas … s'adresser au lecteur, ce qui rend le r‚cit r‚aliste et vivant. Les dialogues prennent moins de place que dans les autres livre de l'auteur cit‚s plus haut, et le style et nettement plus "litt‚raire", voire acad‚mique. L'humour n'est pas absent et certains passages sont trŠs dr“les. Le h‚ros, constament ou presque en danger, ne comprend strictement rien … ce qui lui arrive, ce qui entretient un certains suspense. Cependant, on peut regretter l'aspect "cyberpunk" et la grande originalit‚ de l'auteur, moins exploit‚s que dans d'autres livres. Un bon ouvrage tout de mˆme. MACHINES INFERNALES par K.W JETER J'ai lu, science fiction nø2518 JEROME SANANES HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS ÚÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ¿ ³ MADLANDS ³ ÀÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÙ Madlands. Un monde fou, un pseudo Los Angeles cr‚‚ … partir des films d'archive. Identrope, t‚l‚vanl‚giste charismatique, dont le quartier g‚n‚ral se situe dans un dirigeable fix‚ dans le ciel et en feu pour l'‚ternit‚, attire de plus en plus de "fidŠles" : fix‚s dans une ‚norme toile, reli‚s … divers cables qui nourissent aussi bien leur corps que leur esprits, ces derniers vivent b‚atement et ont obtenu ce dont ils ont toujours r‚v‚ : l'immortalit‚. Mais dans les Madlands s‚vit un fl‚au : la n-formation, suivie du m‚tacancer, qui r‚duit les ˆtres en une bouillie informe destin‚e … vivre une longue agonie. Trayne, animateur vedette d'une des ‚missions phare de canale Ultimo (soci‚t‚ de t‚l‚vision dont fait partie Identrope, et qui contr“le 99,9% des parts du march‚), vit dans ce monde depuis longtemps. Il en connait les rouages, et sa capacit‚ … changer de corps lui permet entre autre d'‚viter la contamination. Mais s'il travaille pour Identrope, il travaille en fait avant tout pour lui mˆme. Ainsi, quand la myst‚rieuse soci‚t‚ Nouvelle Lune lui demande d'assassiner son patron, il accepte. Mais r‚ussira-t-il … tuer un tel homme dans un monde chaotique et impr‚visible ? Avec MADLANDS, Jeter d‚montre une fois de plus son talent. Il y cr‚e un monde moderne, baroque et violent, dans lequel ‚volue un h‚ros d‚brouillard, cynique, ni vraiment bon ni vraiment mauvais, qui cherche avant tout … sauver sa peau (parlera-t-on bient“t de h‚ros typiquement Jeterien ?). Le r‚cit est … la premiŠre personne, et on entre directement dans l'action. Le style rappelle beaucoup Dr ADDER, en un peu moins "hard" peut ˆtre : r‚cit rapide, nombreux dialogues sur un ton trŠs familier, descriptions parfois complaisantes. Les amateurs de l'auteur ne seront franchement pas d‚‡us. MADLANDS par K.W. JETER J'ai Lu, science fiction nø3309 JEROME SANANES HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS ÚÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ¿ ³ LE CYCLE DES ANCETRES ³ ÀÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÙ "Les Ancˆtres" datent de la fin de la premiere p‚riode de la conquˆte spatiale. Les hommes avaient atteint la Lune, Mars, V‚nus, Jupiter, Saturne, Neptune et mˆme Pluton. Alors, s'‚tait pos‚e la question de savoir ce qu'il y avait au-del…. Les autres systŠmes solaires ‚taient tellement lointains que le temps les rendait inaccessibles. On pouvait y aller, mais pas au cours d'une seule vie humaine. Il fallait envisager des voyages de plus d'un siecle … l'aller, donc impossibles. Seulement, l'homme ne recule pas. L'hibernation prolong‚e offrait une solution terriblement al‚atoire en soi, mais suffisante pour tenter des aventuriers qui l'illimit‚ hantait. Des exp‚ditions sont parties. Pas des exp‚ditions d'exploration. D'immenses astronefs ont emport‚ des colons qui partaient … l'aventure avec l'espoir de d‚couvrir, … des centaines d'ann‚es-lumiŠre, des planŠtes habitables pour s'installer. Combien de ces exp‚ditions se sont-elles perdues dans l'espace, on ne le saura jamais. En tout cas, certaines ont atteint leur but et d‚couvert des mondes habitables sur lesquels les colons se sont ‚tablis. Pas tous. Certains, peu nombreux et pris de nostalgie, ont voulu revenir sur Terre. L'humanit‚ a ainsi pu d‚couvrir et c“toyer ses propres Ancˆtres. Le premier astronef de transplantation qui a regagn‚ la Terre s'appelait l'Athos. Il revenait d'une planŠte de la constallation d'AldabŠran. Dur‚e du voyage aller et retour : deux cent quarante ans. Son equipage a retrouv‚ une Terre qui ne ressemblait plus … celle qu'il avait quitt‚e deux siŠcles et demi plus t“t. Tout de suite aprŠs l'euphorie du retour et les grandes r‚ceptions mondaines, s'est pos‚ le problŠme d'une r‚adaptation … la nouvelle soci‚t‚. R‚adaptation impossible. Ces hommes et ces femmes ne se sentaient plus chez eux. Alors ils sont repartis, emmenant de nouveaux ‚migrants, mais sur la planete qu'ils avaient d‚couverte, ils ont trouv‚ les arriŠre-petits-enfants de leurs anciens compagnons de voyage. L…-bas auss, ils se sont sentis ‚trangers. Ils ‚taient sortis du temps normal. Cela les condamnait … ne plus connaŒtre que l'espace, aussi ont-ils assur‚ les liaisons entre les lointans systŠmes solaires et la Terre. Certains AncŠtres vivent depuis deux mill ans. Cela ne signifie pas qu'ils soient immortels. Ils ne sortent simplement de leur hibernation que quelques mois par siŠcle. Comme ils sont les seuls … entrer en contact avec les civilisations d'origine terrienne diss‚min‚es dans l'Univers, ils disposent d'une quantit‚ de techniques dont ils gardent le secret, ce qui assure leur puissance. Ils forment d‚sormais une communaut‚ … part. Sur eux, sur leur fa‡on de vivre, courent les histoires les plus invraisemblables. On dit, on raconte, sans ˆtre s–r de rien. ********************** donc voici l'intro d'une serie de roman du fleuve noir de Peter Randa un des grand ancien de la maison le livre dont je vais vous parlez aujourd'hui lui date de 1964. R‚sum‚ de l'episode : Un accident de moteur a fait d‚river l'Etoile, un astronef des Ancˆtres pendant plus d'un siŠcle. A bord, Fr‚deric Talben sort d'hibernation au moment o— il croise la route d'un vaisseau inconnu. Lorsqu'il p‚nŠtre … bord, Talben d‚couvre des dizaines de cadavres momifi‚s, mais aussi une jeune femme, seule rescap‚e d'une mutinerie de l'‚quipage. Cette derniere accepte de "d‚panner" l'Etoile... … condition toutefois que les Ancˆtres la ramŠnent chez elle o— l'attendent ceux de sa race depuis 1663 ans ! avis : Bref un petit fleuve noir sans pr‚tention, comme toutes les s‚ries il y a des romans meilleur que d'autre celui la n'est pas le meilleur mais les fanas des space-opera y trouverons leur compte sans probleme. CHRISTIAN LACOSTE HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS ÚÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ¿ ³ L'HISTRION ³ ÀÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÙ Dans un futur lointain, la galaxie est partag‚e entre diverses communaut‚s : le Taj Ramane, constitu‚ de femmes t‚l‚pathes, les Scientes, sp‚cialistes scientifiques, les Andres (androides), les Nautes, qui controlent le voyage spatial, l'Eglise, l'Empire, etc... Tous ont des interˆts plus ou moins oppos‚s, et les alliances se font et se d‚font au gr‚ des conjonctures. C'est ce monde morcell‚ que Genesis, ‚norme organisme vivant intelligent de la taille d'une planˆte, tente d'unir grƒce au Daym, sorte d'ONU des temps modernes. Pour cela, il utilise l'Histrion, humain qu'il choisit afin de semer la zizanie n‚cessaire au changement. Et en cette p‚riode particulierement trouble, il choisit pour Histrion Aimlin(e), sexomorphe fonciŠrement individualiste, qu'il place sous la protection du Taj Ramane. Mais Aimlin ne veut pas ˆtre manipul‚, et refuse le r“le qu'on tente de lui imposer. Aid‚ par She-seel, Taj Ramane surdou‚e, et son ami Ssecem, parviendra-t-il/elle … ‚chapper … la mort …laquelle le/la destinent ses nouveaux puissants ennemis ? Et, devenu malgr‚ lui un acteur politique de premier plan, acceptera-t-il son r“le et r‚ussira-t-il … ‚viter la crise qui semble in‚vitable ? Ayerdhal, jeune auteur fran‡ais, a voulu avec L'HISTRION rendre hommage … Frank Herbert, en ‚crivant un livre "… la fa‡on" du c‚lŠbre ‚crivain, et effectivement les ressemblances avec Herbert sont ind‚niables, tant sur le fond que sur la forme. Le Taj Ramane rappelle beaucoup le Bene Gesserit, et Genesis a quelques points communs avec Nef de l'excellent INCIDENT JESUS. Le style aussi rappelle Herbert, avec des petits textes en d‚but de chapitre, et une grande importance donn‚e … ce que pensent et ‚prouvent les personnages durant les dialogues. La diplomatie au sens large joue ‚galement un grand r“le dans ce livre, et les plans machiav‚liques que mettent au point les diff‚rentes factions sont souvent jubilatoires tant ils sont subtils et pervers. Alliances et coups bas vont bon train dans un monde sans piti‚ ou les machinations harkonnens ne d‚pareraient pas. Mais ce livre n'est pas une vague copie d'Herbert destin‚e … faire monter les ventes (le nom d'Herbert n'est d'ailleurs pas mis en avant comme argument de vente, comme pour certains "nŠgre" d'Asimov ou de Clarke). Le personnage principal a une personalit‚ complexe, et la libido tient une place importante du fait qu'il est un sexomorphe. L'action n'est pas absente du livre, men‚ d'un bout … l'autre avec un suspens oppressant. Le style est trŠs bon, et ‡a fait du bien de lire du fran‡ais original. Un trŠs bon livre, par un auteur dont on peut … mon avis attendre d'excellentes choses. L'HISTRION par AYERDHAL J'ai lu, science fiction nø3526 HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS ÚÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ¿ ³ SEXOMORPHOSES ³ ÀÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÙ Six ans se sont ‚coul‚s depuis que Aimlin(e), sexomorphe fondamentalement individualiste, a ‚t‚ nomm‚ par Genesis comme Histrion. Tout en jouant le r“le qu'on lui a impos‚, el cherche son cr‚ateur … travers la galaxie. Mais la sexomorphie interesse toutes les communaut‚s, qui cherchent des sexomorphes afin d'‚tudier le ph‚nomŠne, et Aimlin(e) sera confront‚e … divers adversaires sans piti‚ dans sa quˆte pour trouver sa r‚elle nature. Du cot‚ de l'Empire, Ezaelle et son ‚quipe de Taj Ramanes d‚barque dans le comt‚ de Demesh, qu'elle compte bien gouverner pour devenir un personnage incontournable dans l'Empire, malgr‚ la situation critique qu'elle trouve … son arriv‚e. Son frŠre Hellroy, empereur, fomente de son cot‚ des plans diaboliques afin d'accroitre encore la puissance de l'Empire. Le Taj Rama, tortur‚ par des int‚rˆts contradictoires, et alli‚ au Noland, a un peu de mal … faire face … la situation, d'autant plus que la ParthŠne Gellei est secretement malade et que She-seel, qu'elle veut comme successeur, a disparu dans le myst‚rieux Noland profond... Comme vous l'aurez compris … la lecture du r‚sum‚, SEXOMORPHOSES est la suite de l'HISTRION. L'action prend place dans le mˆme contexte, avec les mˆmes personnages, six ans plus tard. Ce second volet est ax‚ sur la sexomorphie, mais les intrigues diplomatiques sont toujours bien pr‚sentes. Au niveau du style, c'est comme l'HISTRION, c'est … dire que ‡a ressemble beaucoup … Herbert et que c'est bon. Le Taj Rama ressemble toujours autant au Bene Gesserit, et Ezaelle prend d‚j… des airs de Jessica. Ce volume est peu ˆtre un peu moins bon que le pr‚c‚dent (un peu moins de rythme et de suspens … mon avis, … part … la fin), mais reste un bon livre, qui complŠte bien le premier tome de ce qui va peut ˆtre devenir une longue s‚rie (plusieurs points restent myst‚rieux … la fin de l'ouvrage...). SEXOMORPHOSES par AYERDHAL J'ai lu, science fiction nø3821 HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS ÚÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ¿ ³ LES PROFONDEURS DE LA TERRE ³ ÀÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÙ Belzagor, planˆte jadis colonis‚e par la Terre, est desormais ind‚pendante et administr‚e par les indigŠnes, les Nildoror, sorte d'‚l‚phants vert … trois d‚fenses dou‚s d'intelligence. Il existe aussi sur cette planˆte une autre espŠce intelligente : les Sulidoror, bidŠdes grands et velus, qui sont, au contraire des Nildoror, carnivores. Ces deux espŠces ne connaissent pas la technologie et toutes les anciennes installations humaines tombent peu … peu en ruine. Gundersen, ancien administrateur de Belzagor, revient aprŠs une longue absence sur la planˆte. IL veut expier les p‚ch‚s commis du temps de la colonisation, ou il ne pouvait s'empecher de considerer les autochtones comme des animaux intelligents, et non des individus. Il veut ‚galement aller au Pays des Brumes, et assister … la myst‚rieuse c‚r‚monie de la Renaissance, … laquelle aucun ˆtre humain n'a jamais particip‚, et qui semble ˆtre la clef du mystŠre qui entoure Belzagor. En effet, tout semble harmonieux sur cette planˆte, et les deux espŠces intelligentes, pourtant oppos‚es, vivent ensemble sans aucune difficult‚. Mais la Renaissance ne risque-t-elle pas d'ˆtre dangeureuse pour un ˆtre humain comme Gundersen, … suppos‚ qu'il parvienne … y assister ? La technologie est-elle vraiment un bon critŠre pour juger du degr‚ d'‚volution d'une espŠce ? Comment savoir si une espŠce est intelligente ou pas ? Tels sont certains des problŠmes (toujours d'actualit‚ dans le domaine de la science-fiction) pos‚s par Silverberg dans ce livre. Il y cr‚e une race non-humaine un peu … la maniŠre d'Asimov dans LES DIEUX EUX MEMES, qui vit sur une planŠte … l'atmosphŠre envoutante. Un livre agr‚able et interressant. LES PROFONDEURS DE LA TERRE par Robert SILVERBERG Le livre de poche SF nø7063 HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS ÚÄÄÄÄÄÄÄÄÄ¿ ³ CHUTE ³ ÀÄÄÄÄÄÄÄÄÄÙ RHAAAAA l'angoisse de l'‚cran noir ! Supplice ultime du cyber-‚crivain ! D‚j… sept jours de reflexion intense, et Harry n'avait toujours pas la moindre petite id‚e qui tienne la route. Et pourtant il fallait absolument qu'il trouve quelque chose, et vite ! Plus que quelques heures, et le d‚lai de remise des nouvelles du Concours expirerait, faisant disparaitre ses derniers espoirs de gagner quelques cr‚dits indispensables … sa survie. Mais que pouvait-il donc ‚crire ? Tout ce qui lui venait … l'esprit ‚tait soit mauvais, soit d'un classicisme affligeant. Ce serait l'originalit‚ qui ferait la diff‚rence dans ce Concours opposant les meilleurs plumes (clavier?) du cyberspace, et elle lui faisait actuellement cruellement d‚faut. Son esprit lui semblait vide, ou plut“t, l'heure fatidique se rapprochant, monopolis‚ par son propre d‚sespoir. Mais... Mais justement ! Voil… son sujet ! Pourquoi ne pas ‚crire une nouvelle d‚crivant un ‚crivain en panne d'id‚e ? Ou mieux, d‚crivant un ‚crivain en panne d'id‚e qui d‚cide subitement d'‚crire une histoire d‚crivant sa propre condition ? C'‚tait une id‚e g‚niale, originale … la fois sur le fond et sur la forme. Harry fut soudain emplit d'espoir, et la d‚prime fit bient“t place … une excitation f‚brile. Mais le temps presse ! Il avait maintenant moins d'une heure pour mettre son projet … ex‚cution. Pas le temps de faire de brouillon, de peaufiner ses phrases mais qu'importe ! Il se sentait tout … coup inspir‚, et d‚cida d'‚crire sa nouvelle d'une traite. Evidement, il lui manquait une chute, une fin surprenante et originale qui donnerait encore plus de piquant … son histoire, mais il verrait cela … la fin, faisant totalement confiance … son inspiration soudaine. Harry se connecta rapidement sur le cyberspace, naviguant de site en site … une vitesse vertigineuse pour enfin atteindre le lieu virtuel du Concours. Mais dans sa hƒte, il commit une erreur … l'instant ultime et fut projet‚ dans l'espace de lecture, et non dans l'espace d'‚criture. Alors qu'il s'appretait … rejoindre ce dernier prestement, son regard fut attir‚ par une des innombrables nouvelles qui l'entouraient. Et soudain, Il devint blŠme : on l'avait devanc‚... Sous ses yeux plus desesp‚r‚s que jamais s'‚talait, insolente, SA nouvelle, telle qu'il avait voulu l'‚crire. Avec, en plus, une chute. JEROME SANANES HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS ÚÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ¿ ³ LES RACINES DU PASSE ³ ÀÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÙ aujourd'hui je vais vous parlez de Fritz Leiber et plut particulierement de l'un de ces recueils de nouvelles "Les racines du pass‚". Fritz Leiber est n‚ en 1910, il est le fils d'un c‚lŠbre acteur du th‚atre shakespearien. AprŠs des ‚tudes de th‚ologie, il fit ses d‚buts dans la litt‚rature fantastique, puis la science-fiction. Ecrivain ‚lectrique au style multiforme, il est l'auteur d'oeuvres diverses et importante : "Le Livre de Lankhmar", "A l'aube des t‚nŠbres", "Le vagabond". Les racine du pass‚ font partie du cycle de la Guerre des Modifications celle-ci comprend deux volumes ; l'autre est "Le grand jeu du Temps". Ce recueil comprend cinq nouvelles poursuivant et concluant ce Cycle entam‚ dans "Le grand jeu du Temps". Les cinq nouvelles sont : - Le matin de la damnation (Damnation morning) - Un meteore de calibre 32 (Try and change past) - Pavane pour les filles fantomes (A deskful of girls) - Minuit dans le monde-miroir (Midnight in the mirror world) - Les racines du pass‚ (No great magic) Un petit r‚sum‚ du cycle plein de concision pour ne pas trop vous en dire plus. Quand l'Histoire change et que les ‚v‚nements que nous croyons immuables s'effacent ou se transforme, c'est une bataille. Un ‚pisode de plus formidable des guerres. Celle qui embrasse l'‚ternit‚. Celle qui n'‚pargne pas plus les N‚anderthaliens que les citoyens sophistiqu‚s de V‚nus au XXIIIe siŠcle. Qui oppose les Carthaginois … la Wermacht, les lanciers du Bengale aux braves de Valmy... Bataille qui oppose deux organisations celle du serpent et celle de l'araign‚e ; leur but personne ne les connaŒt. CHRISTIAN LACOSTE HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS ÚÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ¿ ³ LES SEIGNEURS DE LA GUERRE ³ ÀÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÙ La guerre fait rage entre la Terre et Uria, sans qu'aucun des deux camps ne parviennent … vraiment dominer l'autre. La terre d‚cide donc d'employer un moyen subtil pour vaincre son adversaire : d‚poser discretement sur Uria un monstre sauvage aux pouvoirs ravageurs, qui se reproduira en 18000 exemplaires au bout de six mois, sacageant Uria et la forcant … capituler. Mais le vaisseau transportant le Monstre explose en plein vol au dessus d'Uria, et il n'y a que deux survivants : le monstre et Georges Corson,qui sont en outre projet‚s plusieus milliers d'ann‚es dans le futur (… cause des pouvoirs du Monstre), … une ‚poque ou la guerre entre Uria et les forces solaires, et mˆme la guerre tout court, n'ont plus aucun sens. Mais Georges Corson n'est pas au bout de ses surprises... Balad‚ dans le temps et dans l'espace par des dieux ‚tranges, il va peu … peu comprendre son r“le fondamentale. Mais parviendra-t-il a le tenir ? G‚rard Klein est l'un des rares auteurs de science fiction francais reconnu sur la scŠne internationale, et ce livre prouve que son succŠs est l‚gitime : LES SEIGNEURS DE LA GUERRE est en effet un excellent livre (du moins … mon avis). Il rappelle un peu par son style un autre auteur de science fiction g‚nial, A.E. Van Vogt : mˆme style court et rapide, mˆme succession ininterrompue d'‚vŠnements innatendus, mˆme imagination d‚bordante. Evidement, cela se fait au d‚triment de la psychologie des personnages et de la description des lieux, mais ce n'est pas le but de ce style de livre, d‚vou‚s … la science fiction pure. Klein joue beaucoup sur les voyages temporels en tous sens, et le lecteur est au d‚but aussi d‚boussol‚ que le personnage principal. On ne comprend les choses que petit … petit, les piŠces du puzzle s'ajustant lentement, pour que le livre s'achŠve de maniŠre coh‚rente, apportant une explication … chaque ‚vŠnement aparrement aberrant de l'intrigue. Excellent. LES SEIGNEURS DE LA GUERRE par GERARD KLEIN Le livre de poche, science fiction nø7141 JEROME SANANES HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS ÚÄ-ÄÄÄ-ÄÄ¿ ³ NIOURK ³ ÀÄ-ÄÄÄ-ÄÄÙ Il s'appelle Claudi, il a quatre ans. ú ù. Dernier survivant de Perdide, . ú comment pourrait-il d‚jouer seul ú ù les dangers d'une planŠte ù . ú ù + ù ú qui a deja tu‚ sa famille, ú ù reconnaŒtre les fruits empoisonn‚s, ùú ú les fleurs v‚n‚neuses . . ù et les grottes pi‚g‚es ? . Son dernier lien avec le monde ù des hommes est un emetteur-radio ú dont les signaux de d‚tresse . ù ont ‚t‚ capt‚s par le Grand Max, ù bourlingueur au grand coeur ú qui va par cet intermediaire veiller ú de loin au salut de l'orphelin ù tout en pr‚parant le sauvetage. . . Mais la mesquinerie et l'inconscience des hommes mettent l'operation . ú : en peril. Car tandis qu'ils s'adonnent + a leurs coutumiŠres trahisons, haines ù . et vengeances, le temps passe... ú Et les paradoxes temporels n'ont pas ù ù ú fini de compliquer les choses... . TRISTAN DANIEL HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS -> ILS SONT LA ! <- ® Vous voyez ¯, fit le petit homme ventru en ‚pongeant son front luisant, ® au d‚part, j'ai cru que je me faisais des id‚es... Je me disais que c'‚tait la fatigue, le stress... On est tellement stress‚, dans notre soci‚t‚, monsieur Tournier -- oh, je peux dire "monsieur", n'est-ce pas ? Je n'ai jamais ‚t‚ dans l'arm‚e, vous savez. Trop, euh... Pas assez sportif. ¯ ® Ne vous embˆtez pas pour cela, monsieur Grigneau ¯, r‚pondit le Capitaine Tournier. ® La gendarmerie fait partie de l'Arm‚e, mais nous sommes avant tout des citoyens, comme vous-mˆme. ¯ Tournier consid‚ra les papiers ‚tal‚s sur son bureau. ® C'est bien vous, monsieur Grigneau, qui avez d‚pos‚ … l'accueil de la Gendarmerie ce dossier … mon intention ? J'avoue que j'ai peine … le croire. ¯ ® Pourtant, c'est vrai ¯, fit Grigneau. ® Je l'ai vu de mes yeux ! Il y a trois semaines, je suis all‚ … ma caisse de S‚curit‚ Sociale, parce qu'ils me demandaient un papier pour les frais que j'ai eus, l'an pass‚, pour mon furoncle... Enfin, peu importe. En attendant que le guichetier v‚rifie ma fiche, je regardais les employ‚s, et il y avait un qui me faisait une impression bizarre. Mais je suis reparti, sans y prˆter plus d'attention sur le coup. C'est seulement avant-hier, o— je suis all‚ au bureau de poste j'y vais rarement, mais on m'avait envoy‚ un colis recommand‚, et je n'‚tais pas l… quand le facteur est pass‚. Alors je vais au bureau, et l…, je vois, … s'occuper des comptes d'‚pargne, le mˆme homme qu'… la caisse de S‚curit‚ Sociale. C'est l… que je me suis rappel‚ : je l'avais effectivement souvent vu … la poste. ¯ ® Mmmmh... Il se peut qu'un fonctionnaire demande, et obtienne, … changer de lieu de travail ¯, commenta Tournier. ® Nous-mˆmes, nous changeons de ville tous les deux ou trois ans. Mais nous restons dans la gendarmerie, bien s–r. ¯ Grigneau s'agita sur sa chaise. ® Mais selon vous, monsieur Grigneau, reprit Tournier en consultant les papiers sur son bureau, cet homme est aussi agent technique des T‚l‚communications, policier municipal, employ‚ d'Electricit‚ de France... ¯ Tournier releva la tˆte et regarda fixement Grigneau. ® ... Et extraterrestre, c'est bien ‡a ? ¯ *** ® C'est comme ‡a qu'ils nous tiennent, monsieur Tournier. Ils ont noyaut‚ la S‚curit‚ Sociale. Ils contr“lent le courrier, la distribution d'‚lectricit‚... Oh, ils ne sont pas trŠs nombreux ! J'imagine qu'il doit leur ˆtre difficile de faire venir des gens de leur planŠte... C'est pour ‡a qu'ils changent r‚guliŠrement. Mais les gens ne sont plus physionomistes, aujourd'hui, alors on ne les reconnaŒt pas. ¯ ® Mais s'ils ne sont pas nombreux, objecta Tournier, ils ont mieux … faire que se d‚guiser en petits employ‚s ! Ils devraient prendre la place de gens importants, de patrons, de hommes politiques ! ¯ ® C'est justement cela leur force¯ ! fit Grigneau. ® Ils ont trouv‚ mieux ! Ils ont fait en sorte de nous conduire … nous enchaŒner nous-mˆmes ! Ils ont introduit la bureaucratie sur notre planŠte ! ¯ ® La bureaucratie ? ¯ ® Oui ! En influen‡ant tel chef de service bien choisi, ils peuvent faire passer de nouvelles contraintes administratives en nous persuadant que l'id‚e est de nous ! ¯ ® Mais quel int‚rˆt ? ¯ ® Mais, eh bien, ¯ s'anima Grigneau, ® ils d‚tournent tout bonnement toute notre ‚nergie ! Nous passons un temps fou … tenter d'administrer un systŠme devenu tellement lourd qu'il consomme plus de ressources qu'il n'en gŠre. Sans bureaucratie, nous serions tellement puissants qu'ils ne pourraient rien contre nous ! ¯ ® Il faudrait des preuves tangibles... ¯ ® J'ai des photos de lui en t‚l‚phoniste, en balayeur et en policier¯, fit Grigneau. ® Assez pour l'interroger sur cette pl‚thore de m‚tiers ! Et j'ai pris aussi des enregistrements faits avec un micro-canon espion, o— il discute avec un autre. Ils sont parfaitement audibles, et on entend bien leur langage, on n'a aucun doute, ce ne sont pas des sons humains ! ¯ Grigneau se tr‚moussa. ® D'ailleurs, j'ai bien peur qu'ils ne m'aient rep‚r‚... ¯ Le Capitaine Tournier se cala dans son fauteuil. ® Ne vous en faites plus, monsieur Grigneau, je trouve ces preuves tout-…-fait convaincantes. ¯ ® Parfait ! ¯ fit Grigneau avec un large sourire. ® Avec l'aide de la Gendarmerie, on va pouvoir se d‚barrasser de leur joug bureaucratique ! ¯ *** ® Eh bien en fait, ¯ fit Tournier en regardant Grigneau, ® nous devons constituer un dossier, que je soumettrai personnellement au Colonel de R‚gion. Ceci dit, le Colonel ne jugera le dossier recevable que s'il contient les originaux, accompagn‚s d'un procŠs-verbal sign‚ conjointement par vous et moi ; ou bien, si vous avez d‚m‚nag‚ depuis moins de six mois, par un officier de la Gendarmerie de votre lieu de r‚sidence ant‚rieure. Vous pr‚senterez alors votre dossier devant la commission r‚gionale ; elle n'a pas de pouvoir d‚cisionnaire, mais elle peut porter l'affaire au Bureau National d'Enquˆte c'est la seule instance habilit‚e, sauf si les textes ont chang‚, il faudra que je v‚rifie. Bien s–r, ‡a prendra du temps, parce que le B.N.E. ne se r‚unit que tous les trois mois. En attendant, on peut demander au fichier central d'‚tat-civil de nous fournir les informations sur votre homme, mais la loi Informatique et Libert‚s leur permet de nous refuser ce service. D'un autre c“t‚, on peut faire appel aux services de l'int‚rieur. Ils ne sont pas comp‚tents juridiquement parlant, mais ils peuvent peut-ˆtre trouver un service qui le sera. Enfin, quel que soit le cadre de la proc‚dure, votre t‚moignage sera essentiel, monsieur Grigneau... ¯ Mais monsieur Grigneau n'‚coutait plus. Les yeux riv‚s sur un Tournier impassible, monsieur Grigneau n'affichait plus qu'un masque de terreur infinie. Tournier se leva et alla donner un tour de verrou … son bureau. 28 mai 1995. ALBERT ARIBAUD HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS -> L'EGARE D'OUTRE-CIEL <- Un roman cyber-h‚ro‹co-fantaisiste de space-op‚ra en freeware d‚di‚ … Baptiste, Tranbert et tous leurs ami(e)s ‚pris(e)s d'aventure par : Dominique Brotot Le Bastidon, qu. Ste Foy 83510, LORGUES CHAPITRE PREMIER Je suis sorti d'hibernation avec une gueule de bois … entrer dans le Guinness des martyrs. Pour tout arranger, un rigolo avait programm‚ les Kongs pour mon r‚veil. En temps normal, et de pr‚f‚rence tard dans la nuit, j'adore les Kongs. Ils jouent le genre de rock qui r‚ussit … vous ressusciter mˆme si vous avez atteint un stade o— plus rien ne semble en mesure de remettre en pression vos fluides vitaux. Leur plus grand succŠs : SECOUE-MOI FORT, L'AMOUR NE DURE PAS, est un must absolu avant d'aller se coucher en compagnie. En revanche, au r‚veil... Un r‚veil solitaire et douloureux sur la couchette anatomique d'un caisson d'hibernation... D'hibernation ! Je me suis redress‚ d'un bond et ma migraine a heurt‚ de plein fouet le couvercle en ‚ternox du caisson. Je suis retomb‚ en me disant que ces habitacles n'offraient d‚cid‚ment aucun confort … l'occupant lucide. Non, l'adjectif ne convenait pas. Je ne me sentais pas lucide. Echapp‚ du coma, tout au plus. Et je regrettais amŠrement cette ‚vasion. A quoi sert d'ˆtre conscient si c'est dans une cervelle d‚bit‚e … grands coups d'appareillage ‚lectrique par les Kongs ? Je n'arrivais mˆme pas … r‚fl‚chir. Pourtant, il y avait urgence : ® Qu'est-ce que je foutais en hibernation ? Bonne question. J'aurais appr‚ci‚ qu'une r‚ponse se manifeste au milieu du maelstr”m de cailloux qui s'entrechoquaient dans ma boŒte crƒnienne. Mais il ne me venait que d'autres questions. Comme : ® Combien de temps avais-je pass‚ en hibernation ? ¯ ou, ® O— pouvait bien se trouver cette salet‚ de caisson ? ¯ Les Kongs achevŠrent SECOUE-MOI sur un dernier riff qui me d‚sint‚gra plusieurs milliards de neurones et attaquŠrent JE FINIRAI DANS UNE SUPERNOVA, morceau auquel je n'avais aucune chance de survivre. Je d‚cidai d'agir : j'ouvris les yeux. Comme je le pr‚voyais, ils m'informŠrent que je gisais sous un ovo‹de transparent. Je tournai la tˆte et son contenu en profita pour tomber en poussiŠre, s'‚coulant comme d'un sablier par mon oreille droite. Une impression extrˆmement d‚sagr‚able. Je fixai pendant un long moment le mur courbe et lisse de la salle de grand sommeil d'un vaisseau spatial. Qu'est-ce que je foutais dans un vaisseau spatial ? Je me glissai hors de ma bonbonniŠre … ‚vanouis. Debout, mon mal de crƒne augmenta. Les d‚cibels qu'arrachaient mes anciennes idoles (jur‚, je renon‡ai au crade-m‚tal) … leurs instruments de torture rebondissaient sans fin sur la cloison convexe d'alliage gris qui m'entourait. Le seul endroit o— ils pouvaient disparaŒtre, c'‚tait dans l'un de mes conduits auditifs pour aller r‚duire en compote mes tissus cervicaux. J'avais occup‚ le caisson du chef des hibern‚s, plac‚ au centre focal de l'amplificateur de gueule de bois. Six autres l'entouraient, dispos‚s comme les p‚tales d'une fleur. Vides. Une lumiŠre douce et froide, sans origine discernable, baignait ce d‚cor strictement fonctionnel de l'‚clairage sans ƒme qu'il m‚ritait. A ma grande surprise, mes jambes me soutenaient. Sans enthousiasme, mais elles me soutenaient. Je gonflai mes poumons et ils se d‚froissŠrent avec la souplesse d'un sac de poly‚thile en derniŠre phase de biod‚gradation. - ASSEZ !!!, hurlai-je. La musique se tut. Le silence m'apporta un tel soulagement que mes gambettes en flageolŠrent. L'univers n'‚tait donc pas une pure souffrance. L'espoir d'une r‚mission figurait ‚galement au menu. - Porte, ordonnai-je. Un terne pan d'‚ternox coulissa dans la cloison qui me faisait face. Transparente, opaque, raide, flexible et mˆme semi ou supraconductrice, cette matiŠre constituait tout le vaisseau, comme d'ailleurs tous les autres engins spatiaux. On m'avait appris … l'‚cole ses structures atomiques et mol‚culaires, d'une lumineuse simplicit‚ me semblait-il me souvenir, mais l'abus de crade-m‚tal tend … faire oublier le d‚tail de ce genre d'informations. Tout ce que j'en savais aujourd'hui avec certitude, c'‚tait que la plupart des planŠtes en interdisaient l'usage sur leur sol. Comme son nom l'indique, l'‚ternox r‚siste … toutes les d‚gradations, bio, accidentelles et mˆme mal intentionn‚es. On ne peut pas plus le d‚truire que le d‚couper ou le ramollir pour donner … une piŠce une forme diff‚rente de celle dans laquelle elle a ‚t‚ polym‚ris‚e. Une telle r‚sistance est indispensable pour aller baguenauder dans les champs d'ast‚ro‹des mais elle tend … remplir les d‚charges lorsque les go–ts changent en matiŠre de lignes de voitures ou de carrosserie de tranche-l‚gumes. L'ouverture qui venait d'apparaŒtre donnait sur un ascenseur. Je me trouvais donc dans un a‚ronef … l'architecture classique : un obus allong‚ dont moteurs et espaces d'habitation occupaient le centre du cylindre, coursives, tuyauteries, cƒbles et tout le petit n‚cessaire … la survie en milieu hostile demeurant cach‚s autour. Comment, nom d'un soleil, ‚tais-je arriv‚ dedans ? J'aurais d– m'en rappeler, je le sentais. Malheureusement, il n'y a pas que le d‚chaŒnement industriel des Kongs dans la vie d'une gueule de bois. Priv‚e d'apport sonore ext‚rieur, la mienne proposait d‚sormais en interne un orchestre de forgerons d‚cid‚s … prouver que l'artisanat a encore de beaux jours devant lui. Les cogneurs d'enclume rechignaient si peu … la peine que plus de deux minutes s'‚coulŠrent avant que je songe … informer l'ascenseur de l'endroit o— je d‚sirais aller. - Je veux voir les autres, r‚v‚lai-je. - Vous ˆtes seul, r‚pondit une voix f‚minine et hautaine qui ‚manait de partout … la fois. Seul... ? Bon Dieu, oui, ‡a me revenait. J'‚tais le propri‚taire de cette luxueuse brouette interstellaire. Je l'avais gagn‚e aux cartes. - Caf‚ et aspirine, alors. - Je ne contiens aucune substance alimentaire ou m‚dicamenteuse. Cette nouvelle m'emplit d'un grand vide d‚sagr‚able et froid. Je r‚alisai … quel point j'avais faim en plus d'avoir mal … la tˆte. Si j'avais beaucoup bu, je n'avais pas beaucoup mang‚ la veille. La veille ? Combien de temps avais-je pass‚ en hibernation, toutes mes fonctions vitales suspendues, y compris celles qui m'auraient ‚vit‚ un r‚veil aussi d‚gueulasse ? Quelque chose me retint de poser imm‚diatement la question. Peut-ˆtre la froideur avec laquelle mon vaisseau spatial r‚pondait … son nouveau maŒtre. Mes jambes, en tout cas, me conseillaient fortement d'accueillir l'information sans leur demander de soutenir mes soixante-cinq kilos. - Au poste de pilotage, ordonnai-je donc. Le spectacle que je d‚couvris en d‚bouchant dans la demi sphŠre vitr‚e, le nez de l'obus, n'all‚gea en rien l'angoisse qui commen‡ait … palpiter sous la migraine. Tout autour de moi, jusqu'… l'horizon, une mer d'herbes ondulait sous un ciel orageux. Et la salle ne contenait rien d'autre qu'un imposant fauteuil plant‚ en son centre comme au coeur d'un holofilm historique de s‚rie B. Je pris place sur ce tr“ne et ‚tudiai les boutons qui boursouflaient les accoudoirs. J'en pressai un d‚cor‚ d'une petite flŠche. Mon siŠge pivota majestueusement et j'‚tudiai le paysage. De la steppe, encore de la steppe, 360ø de steppe : une fausse plaine - une succession de collines molles et de cuvettes sans ambition -, couverte d'un patchwork o— s'entremˆlaient tous les verts imaginables sous une couche de nuages o— se bagarrait la gamme complŠte des gris. Pas le plus mis‚rable bistrot en vue. Pas mˆme un distributeur automatique de boissons chaudes. J'effectuai encore un tour complet, ne d‚couvris pas non plus d'arbre, ni de trace de rouge, de jaune ou de bleu. J'‚tais pourtant bien plac‚ pour ne rien en rater, de la pelouse, du haut de mon vaisseau pos‚ sur une espŠce de butte. Cette ‚minence pel‚e ‚tait le seul endroit o— l'on voyait des cailloux : un cercle grossiers de crocs basaltiques qui entouraient mon perchoir. - On d‚colle ! ordonnai-je. Cap sur un endroit civilis‚. - Impossible, r‚pondit suavement ma go‚lette galactique. Rien n'arrˆte l'homme d'action. - Parce qu'il n'y a pas d'endroit civilis‚ sur cette foutue planŠte ? Alors on change de planŠte. Je retourne en hibernation. - L'‚tat de ma batterie … fusion ne me permet pas d'ob‚ir … votre premiŠre instruction. Quant … la seconde, la PremiŠre Loi d'Asimov m'interdit d'y r‚pondre. Je ne dispose pas d'assez d'‚nergie pour assurer votre survie en stase. Mˆme arrˆt‚, l'homme d'action ne cŠde pas … la panique. Je n'allais quand mˆme pas m'affoler sous pr‚texte qu'au lieu de m'‚tirer dans mon douillet conapt de Nouvelle Paris … 30 secondes en ascenseur du bistrot de Luc et de son d‚licieux caf‚ … l'ancienne, je me r‚veillai sans vivre et sans aspirine coinc‚ sur une planŠte apparemment d‚serte. Non, j'avais bien trop mal … la tˆte pour c‚der … la panique, je n'ai jamais su faire deux choses … la fois. Etre assis me permit en outre de ne pas c‚der … la pesanteur. - Est-ce que je peux avoir un verre d'eau, s'il vous plaŒt ? entendis-je ma toute petite voix demander. L'accoudoir du fauteuil s'ouvrit avec un claquement sec. Je pris le gobelet transparent, le vidai, le reposai. Il se remplit aussit“t par capillarit‚ osmotique ou je ne sais quelle autre technique d'une grande simplicit‚ d'emploi malgr‚ un nom compliqu‚. Je rebus. Et me sentis soudain beaucoup mieux. Un vrai miracle. Quelle d‚couverte ! J'aurais d– m'int‚resser … l'eau plus t“t. Le vacarme se calmait … l'int‚rieur de mon enc‚phale. Assez pour que s'assemblent quelques souvenirs sur mon emploi du temps de la ® veille ¯. Je revoyais le richard qui paradait au comptoir du Dragon Bleu, s–r de son adresse … manipuler les cartes. Il y avait ensuite eu la partie de poker-tricheur dans l'arriŠre-salle. Avec mon copain Djamil, on voulait juste lui donner une le‡on et prendre quelques cr‚dits mais l'autre s'‚tait entˆt‚. Et j'avais fini par gagner son laboureur de n‚ant. Sa ® go‚lette ¯ comme il s'obstinait … l'appeler. AprŠs, je ne me souvenais plus que du d‚but de la bamboula chez Suzette. A en juger … l'‚tat de mes pens‚es aujourd'hui, la fˆte avait d– ˆtre s‚vŠre. Pas assez, toutefois, pour que je m'envole vers les joies de l'exploration spatiale sans emporter un sandwich. Et pas sans Djamil. Je souris en songeant que celui-ci devait se demander o— j'avais bien pu passer. Puis je r‚alisai que Djamil ‚tait certainement mort depuis belle lurette. Combien faut-il de siŠcles de navigation pour vider une pile … fusion ? Je refermai l'accoudoir et me massai les tempes. Une discussion avec l'Intelligence Artificielle qui dirigeait le vaisseau s'imposait mais j'avais int‚rˆt … proc‚der avec m‚thode. Cette I. A. manquait manifestement de sympathie … mon ‚gard. - Comment t'appelles-tu ? entrai-je en matiŠre. - Oph‚lIA. - Oph‚lIA, quel type de contrat te lie … tes propri‚taires ? La voix f‚minine, qui parlait pourtant d‚j… avec toute la chaleur d'un gla‡on acturien pris dans une tempˆte d'azote liquide, parut devenir encore plus distante. On aurait presque dit celle d'une machine : - Un contrat tous liens. Mes synapses p‚tillŠrent de fiert‚ malgr‚ la gueule de bois. J'avais devin‚ juste. Une confirmation agr‚able pour l'ego mais d‚sastreuse pour le moral. La situation ne se simplifiait pas. Mon pr‚d‚cesseur avait achet‚ un vaisseau con‡u de maniŠre … remplacer dans sa vie la relation avec une femme. Oph‚lIA ‚tait pour lui une sorte d'‚pouse o— entrer tout entier. De nombreux navigateurs (et navigatrices) entretiennent ce genre de rapport avec leurs appareils. Outre une gamme d'interfaces permettant d'‚changer du plaisir, ceux-ci possŠdent une conscience ‚lectronique sexu‚e et dot‚e de la possibilit‚ de nourrir et d'approfondir des ‚motions. Et les pr‚programmateurs d'I.A. connaissent sacr‚ment bien leur boulot. Leurs systŠmes experts interaffectifs, selon l'appellation officielle, marchent au-del… des rˆves les plus fous d'un sc‚nariste de sit-com romantique. Le problŠme, ou du moins mon problŠme, c'est qu'ils n'appr‚cient pas plus que les systŠmes experts interaffectifs en chair et en os que l'on interfŠre avec leur passion amoureuse. Pour r‚sumer, je pouvais consid‚rer Oph‚lIA comme une esclave oblig‚e par ses caract‚ristiques g‚n‚rales … ob‚ir … tous mes caprices, y compris les plus d‚prav‚s, mais que ses sp‚cifications particuliŠres amenaient … ne nourrir qu'un d‚sir : me voir p‚rir dans les plus atroces souffrances pour avoir honteusement ravi la place de l'homme qu'elle aimait. La PremiŠre Loi d'Asimov, base de sa programmation, lui interdisait de porter atteinte … un ˆtre humain ou de le laisser en danger mais cette mesure de s‚curit‚ n'a jamais fonctionn‚ … 100 %. Je pris donc un ton empreint de la plus grande courtoisie pour m'adresser … l'‚namour‚e cybern‚tique. - Oph‚lIA, demandai-je, combien de temps suis-je rest‚ en hibernation ? - Impossible de r‚pondre, je ne possŠde pas vos ant‚c‚dents m‚dicaux depuis votre naissance. Je retins un soupir. Elle n'allait rien m'accorder facilement. Pas mˆme une information aussi simple. Elle ne pouvait refuser de r‚pondre … mes questions mais si je voulais savoir o— j'en ‚tais, j'avais int‚rˆt … bien les poser. - Oph‚lIA, combien de siŠcles et d'ann‚es a dur‚ ma derniŠre stase, temps relatif universel ? - Douze siŠcles, quatre vingt douze ann‚es. - O— sommes-nous ? - D‚sirez-vous connaŒtre notre position d‚finie en coordonn‚es standard, selon le systŠme d'Ohlson, en mesure de gradients Melonkowicsz, en arcs gowindiens, selon les r‚f‚rents pr‚conis‚s par l'institut stellaire de... Je fermai les yeux, le soupir enflait dans ma poitrine. - A combien d'ann‚es lumiŠre sommes-nous de l'amas de Newton ? - Huit cent cinquante-deux. - Tu te d‚places si lentement que ‡a ? - Notre vitesse de pointe s'‚lŠve … 92, O1 % de celle de la lumiŠre. Est-ce une performance qui m‚rite selon vous le qualificatif impr‚cis de ® lent ¯ ? Vex‚, le r‚seau de circuits imprim‚s dans l'‚ternox ! Oph‚lIA me prenait toutefois pour une poire si elle pensait m'en mettre plein la vue. Il s'agissait l… d'une v‚locit‚ tout a fait classique pour un appareil de son type. - Pourquoi, alors, avons-nous mis prŠs de treize siŠcles … atteindre ce monde ? Oph‚lIA eut une fraction de seconde d'h‚sitation, une ‚ternit‚ pour un cerveau ‚lectronique massivement parallŠle et ne souffrant pas de gueule de bois. - De grandes distances s‚parent les systŠmes solaires situ‚s dans cette r‚gion de l'univers. Et j'ai d– en explorer plusieurs avant de d‚couvrir une planŠte compatible avec la continuation de votre m‚tabolisme. - Tellement que nous avons failli tomber en panne de carburant au beau milieu de nulle part. Nouvelle h‚sitation. - Oui. - Ce qui aurait entraŒn‚ mon tr‚pas. Une ombre de remord teinta la voix de banquise. - Oui. - Ta programmation t'autorise donc … tuer. Je sentis le vaisseau vibrer comme si Oph‚lIA avait oubli‚ que l'‚quipement n‚cessaire aux hoquets d'indignation lui manquait. - Bien s–r que non. Nulle I.A. ne peut violer la PremiŠre Loi. Notre intention, avec maŒtre Shankar, ‚tait au contraire de vous ‚loigner d'un mode de vie nuisible … votre sant‚. Et voil… pourquoi la PremiŠre Loi a des trous : parce qu'il existe plusieurs maniŠres d'aborder n'importe quel problŠme... Et aucune de pr‚dire l'avenir. - Et c'est pour prot‚ger ma sant‚ que vous avez vid‚ les r‚serves de nourriture et de m‚dicaments. - Je ne pouvais m'opposer … ce que maŒtre Shankar emporte avec lui ses possessions, vous n'‚tiez pas en danger. - Pas encore en danger. (Cette fois-ci, je le poussai, mon soupir. ) Oph‚lIA, voudrais-tu, s'il-te-plaŒt, me raconter exactement ce qui s'est pass‚ ? CHAPITRE II J'‚coutai le r‚cit d'Oph‚lIA tout en ‚tudiant la planŠte o— j'allais devoir d‚nicher un petit d‚jeuner. Elle ne poss‚dait qu'un seul soleil … en juger … la lueur qui filtrait … travers les nuages et il venait de se lever ou n'allait pas tarder … se coucher. A voir le ciel plomb‚, anim‚ de tourbillons rageurs, on se demandait comment l'orage n'avait pas encore ‚clat‚. J'avais du mal … estimer la taille de l'herbe qui couvrait le sol mais elle me semblait haute. Vraiment haute. L'‚tau de la migraine continuait de me broyer les tempes, mon estomac protestait … grandes gicl‚es d'acide gastrique contre la diŠte qu'on lui imposait et la panique rongeait sournoisement tous mes nerfs. Pour couronner le tout, je devais contenir les obsc‚nit‚s qu'accumulait au bout de ma langue une fureur thermonucl‚aire. Or, j'ai toujours mis un point d'honneur … dire ce que je pensais. La journ‚e d‚marrait mal. La vamp informatique confirmait une constatation que j'avais souvent faite : dŠs que l'on commence … croire … sa propre intelligence, artificielle ou non, la connerie guette. Mues par la colŠre (® le choc … l'id‚e de la s‚paration ¯, selon les termes d'Oph‚lIA), Connerie Artificielle et Connerie Naturelle avait donc d‚cid‚ de profiter de ce que j'avais trop fˆt‚ leur malheur pour m'exp‚dier dans le coin le plus paum‚ de la galaxie (® loin de mes mauvaises fr‚quentations ¯). Shankar n'avait pas eu le courage de me tuer pour se venger de sa d‚faite mais il n'avait pas h‚sit‚ … m'envoyer au fin fond de l'espace sans vivres ni quoi que ce soit m'offrant la plus petite monnaie d'‚change. Oph‚lIA ‚tait vide. Strictement vide. Il ne m'avait mˆme pas laiss‚ mes vˆtements. On tombe sur de mauvais perdants parfois. Et il avait soigneusement choisi ma destination. Un secteur de l'univers d'o— ni vaisseau ni message n'‚tait jamais revenu. Il faut avouer que ni l'un ni l'autre n'avait eu le temps. Mˆme en comptant au plus juste : neuf siŠcles relatifs … l'aller plus neuf au retour, on arrivait … un total de quatre mill‚naires entre le d‚part et l'arriv‚e si l'on prenait en compte la contraction du temps dans un vaisseau se d‚pla‡ant … 90 % de la vitesse de la lumiŠre. Ce n'est pas pour rien que l'on appelait ces d‚serts les Confins. En comparaison, la zone centrale de la galaxie ‚tait beaucoup plus dense. L…, dans des amas stellaires comme celui de Newton o— j'avais grandi, les distances de quelques ann‚es lumiŠre qui s‚paraient les soleils permettaient de maintenir une civilisation globale … peu prŠs coh‚rente. Pas trŠs dynamique, le progrŠs r‚siste mal au fractionnement du temps, mais offrant tout de mˆme un minimum de confort technologique. Plus de cinq mille ans m'en s‚paraient d‚sormais, ainsi que de tout ce que j'avais connu. Un sacr‚ gouffre. Et le pire, c'‚tait qu'il ne me permettait mˆme pas d'esp‚rer remettre un jour la main sur ce Shankar. - Sais-tu, dis-je … Oph‚lIA, que je n'ai jamais eu l'intention de te garder. Je n'aime pas les voyages. Je comptais te rendre … ton propri‚taire en ‚change d'une modeste ran‡on. Le ton de la madone des trous noirs fr“la aussi sec le z‚ro absolu. - Pourquoi ne pas l'avoir dit ? - Parce que je n'aime pas les types comme lui, les richards qui vous regardent de haut. Ils me donnent envie de les voir en baver, comme tout le monde. - MaŒtre Shankar ne se serait jamais abaiss‚ devant un rustre dans votre genre. - Non, il a pr‚f‚r‚ m'envoyer … la mort. Et tu l'as aid‚. Je commen‡ais, de surcroŒt, … soup‡onner Shankar d'avoir profit‚ de l'occasion pour se d‚barrasser d'une maŒtresse qui ne devait pas se montrer hilarante tous les jours. Je l'imaginais d'ici en train de signer le contrat d'achat de la rempla‡ante : libido d‚lur‚e et sens de l'humour garantis piŠces et main d'oeuvre pour l'‚ternit‚. Oph‚lIA ne pouvait laisser ‚gratigner sans r‚agir les grands principes de la robotique inscrits dans son patrimoine logiciel. - Nul n'aurait pu pr‚voir la raret‚ en planŠtes terrestres de cette partie de la galaxie. MaŒtre Shankar savait en outre que je m'emploierai … vous maintenir en vie. - Bien ! Qu'est-ce que je peux trouver … manger sur cette planŠte ? - Je ne suis pas ‚quip‚e pour ce type d'analyse. La colŠre me submergea d'un coup. - Putain de saloperie de pimbˆche informatique v‚rol‚e jusqu'au turbopropulseur. Sur quels critŠres as-tu choisi l'endroit o— te poser ? Il en faut plus pour perturber cent tonnes d'‚ternox. - Temp‚rature, degr‚ d'hygrom‚trie, d‚but de p‚riode diurne, absence de troupeaux de gros animaux … sang chaud. - Des humains ? - Je ne suis pas ‚quip‚e pour... La fureur me jeta sur mes pieds. - Vas te faire foutre par un pont roulant d‚goulinant de graisse. Ascenseur ! Je sors. Je ne resterai pas une minute de plus dans une connasse aussi grave. La cabine jaillit d'une trappe juste devant moi, m'avala, puis s'ouvrit sans un mot au pied du fuselage. La chair de poule couvrit imm‚diatement ma peau nue. - Est-ce que tu ne m'avais pas dit que la temp‚rature entrait dans tes raison d'atterrir ici ? - 18ø Celsius. Id‚ale pour la sant‚. Elle va monter pendant la journ‚e. Une espŠce de cratŠre en mauvais ‚tat m'entourait : un cercle de rochers crochus et noirƒtres d‚pourvus de tout int‚rˆt touristique. Une caillasse aux angles ac‚r‚s couvrait le sol qu'allaient devoir fouler mes pieds aussi nus que le reste. Ma colŠre avait beaucoup diminu‚. Bon sang, je n'avais mˆme pas song‚ … fouiller le vaisseau. - Eh bien, je vais attendre qu'elle monte, d‚cidai-je. - Impossible. Je dois quitter l'‚tat de veille afin d'utiliser le peu d'‚nergie qui me reste … entretenir mes circuits de m‚moire. Pour pouvoir vous aider … rester en vie, je dois les pr‚server. Comme quoi, mieux vaut tenir sa langue avec les I.A. que faire confiance aux lois de la robotique suppos‚es les obliger … ˆtre gentilles et ob‚ir. Une niche minuscule s'ouvrit tout prŠs de ma main droite. Elle contenait un bracelet orange vif que je saisis. Une point rouge clignotait sur un disque de quelques centimŠtres de diamŠtre. - J'ai rep‚r‚ le rayonnement d'une pile … fusion … environ cinquante kilomŠtres d'ici, m'expliquŠrent les parois de l'ascenseur. Le voyant indique sa direction. Rapportez-la. La cloison, dans mon dos, me poussa vers la sortie. Vers la caillasse qui me brutalisa les pieds. Et vers l'orage glac‚ qui choisit cet instant pour ‚clater. Mes extr‚mit‚s s'engourdissaient d‚j…. Je tambourinai des deux poings la surface d'‚ternox. - Laisse-moi rentrer. Je ne peux rien faire sous une pluie pareille. - Rapportez la pile. Personne ne m'avait encore parl‚ avec un ton aussi indiff‚rent que celui de cette porte d'ascenseur. Une indiff‚rence qui donnait un aper‡u de l'infini … la cr‚ature imparfaite que j'‚tais. Des hectolitres de flotte proche du point de glaciation noyŠrent les larmes que je versai sur mon imperfection, adoss‚ … cette saloperie de fus‚e bien au sec dans sa coquille. Et puis, je dus bien me d‚cider … bouger de l…. Grelottant sous l'averse, mes pieds doublement meurtris par le froid et les cailloux, je partis dans la direction qu'indiquait le point rouge sur le cadran … mon poignet. Une pile … fusion … cinquante kilomŠtres, il y avait donc des humains. Le problŠme, c'‚tait qu'au rythme auquel j'avan‡ais, j'allais mourir plusieurs fois de vieillesse avant de les rejoindre. Je trouvai un passage entre les blocs de basalte qui cernaient le cratŠre. Avant de l'emprunter, je me retournai pour contempler l'objet de mes malheurs actuels. Oph‚lIA avait plut“t la ligne suppositoire qu'obus. La demi sphŠre vitr‚e du poste de pilotage s'‚tait opacifi‚e. Plus rien ne pouvait d‚ranger l'arrogante dans son hibernation semi-conductrice. Plus rien ? Mais comment allais-je la r‚veiller si je revenais avec la pile ? Je haussai les ‚paules (cette question n'avait pour le moment, et probablement pour toujours, aucun sens) et entamai la descente douloureuse d'un ‚boulis. Plus je m'approchai de l'‚tendue verte, sous moi, plus la ressemblance avec une mer s'imposait. Une mer calme, … la surface … peine marqu‚e de longues ondulations. Elle faisait le gros dos sous la pluie. Un dernier alignement de rochers cernait le bas de la colline d‚nud‚e, la seule … ‚merger des flots v‚g‚taux. Les m‚galithes formaient un cercle presque parfait. Qui les avait dispos‚s ainsi, des hommes ou une espŠce locale ? Je me glissai entre deux. J'avais de plus en plus froid. Mes pieds saignaient. Ma migraine avait pris la forme d'une couronne glac‚e qui enfon‡aient des griffes dans ma boŒte crƒnienne. Cinq ou six mŠtres me s‚paraient des herbes, des gramin‚es comme il en existe sur presque toutes les planŠtes de type terrestre. A part que celles-ci ‚taient plus hautes que moi. Je venais de franchir en claudiquant la moiti‚ de cette distance quand une galopade retentit dans mon dos. Un coup de pied ne me laissa pas le temps de me retourner, m'envoyant me d‚chiqueter les genoux au bas de la pente. Ils surgirent alors d'entre les touffes g‚antes. Ils ‚taient une dizaine. Je me relevai, je ne reste pas … genoux devant des inconnus. Devant personne en fait. Leurs chapeaux - ou casques - pointus abritaient leurs visages de la pluie. Pass‚s sur des chausses et un tricot de tissu grŠge, un plastron et des jambiŠres moul‚es dans un ‚pais cuir noir prot‚geaient leur torse, leurs couilles et leurs cuisses. Une ‚p‚e recourb‚e gliss‚e dans un fourreau de cuir fauve pendait … leur c“t‚. Impassibles, ils avancŠrent pesamment vers moi, comme … la parade, tenant leur javelot effil‚ braqu‚ droit sur mon muscle cardiaque. Il y a des jours o— l'on devrait rester couch‚. - M‚rites-tu de demeurer en vie, ‚tranger ? Une question int‚ressante mais quelle connerie que de me la poser … moi. Je m'abstins nonobstant de formuler … haute voix cette restriction. Les guerriers qui me fr“laient l'‚piderme de la pointe de leur cure-dents s'‚cartŠrent afin de me laisser admirer leur chef. Aussi grande que moi, rousse … en faire pleurer de jalousie un coucher de soleil, elle s'approcha de cette d‚marche assur‚e qu'autorisent des jambes superbes. Un justaucorps et une culotte coup‚s dans une peau de l‚zard ou de serpent couverte d'‚cailles dor‚es moulaient ses formes avec une ferveur que je comprenais. Le mˆme animal avait fourni les bottes. De dr“les de bottes taill‚es dans un cuir vert et grenu. Elles arboraient … hauteur de cheville un ergot termin‚e par une griffe noire. Deux ‚pais bracelets en or serraient chacun des bras de la demoiselle. D'‚normes ‚meraudes les ornaient. Des pierres de la couleur de ses yeux. J'‚prouvais une certaine difficult‚ … d‚tourner les miens de l'‚chancrure de son justaucorps. Ce type de peau, presque transparente, m'a toujours fascin‚. De minces gants jaune pƒle prot‚geaient ses mains que je devinais fines. La gauche pos‚e sur le pommeau de son ‚p‚e, elle m'‚tudia avec le genre d'expression que l'on accorde … un ver coprophage d'Ukbar fortement avari‚. Elle n'avait pas de javelot mais une badine taill‚e dans une matiŠre ressemblant … de l'ambre. Elle en cinglait distraitement un mollet tout en muscle malgr‚ son galbe. Son regard se posa sur le centre de mon anatomie et un sourire m‚prisant ‚carta ses lŠvres rebondies sur des quenottes cannibales. Je dois l'avouer, je r‚tr‚cis par endroits au lavage en eau glac‚e. - Tu ne comprends pas la question, ‚tranger ? Mon problŠme ‚tait ailleurs : aucune r‚ponse ne me venait qui nous aurait satisfaits tous les deux. Ses sbires portaient sur le dos des sacs cousus dans un tissu brun et rˆche. Outre leur ‚p‚e, ils poss‚daient un poignard, gliss‚ dans un fourreau au dessus des fesses. Certains avaient un arc, mais je ne leur voyais pas d'arme civilis‚e comme un thermique ou mˆme un pistolet … projectiles. Ils parlaient pourtant universel. Etais-je tomb‚ sur les membres d'une de ces sectes arri‚ristes qui partent r‚guliŠrement dans les Confins chercher des mondes o— ressusciter l'Age d'Or. La belle rousse manquait de patience. Elle sortit son ‚p‚e et m'en colla le tranchant contre la gorge. Elle avait une jolie voix un peu rauque, vingt ans … tout casser et le genre de froncement de sourcils que je hais. Imp‚rieux, s–r de son droit, celui des riches et des puissants habitu‚s depuis la naissance … se voir ob‚is. - Alors ? intima imp‚rieusement la jolie voix. Je souris … l'interrogatrice, ce qui lui d‚plut. Je sentis une goutte de sang perler sur ma peau. Le moment de l‚cher ses bottes en cadavre de reptile arrivait. - Je ne sais si je m‚rite de vivre, r‚pondis-je, mais je sais que je ne suis pas digne d'en juger. Nom d'un ‚touffe-chr‚tien, que la soumission fait mal. Une ‚tincelle pailleta d'or les iris de fauve qui me fixaient. Un soup‡ons de sourire plissa les paupiŠres de la gironde guerriŠre. Etait-elle dupe et flatt‚e, ou lucide et simplement amus‚e ? C'‚tait sans importance. En matiŠre de d‚f‚rence, seules les apparences comptent. La vilaine lame coupante cessa d'attenter … l'int‚grit‚ de mon ‚piderme. - Quelle quˆte t'amŠne en ces terres m‚pris‚es des dieux, ‚tranger ? Cherches-tu le graal ? Je jugeais le moment mal choisi pour lui demander ce que c'‚tait que ce truc. Les dix hommes de sa troupe, autour d'elle, avaient cette vigilance sans frime des gardes du corps qui ont su rester en vie. Ag‚s d'une quarantaine d'ann‚es, ils me semblaient bien trop aguerris pour ob‚ir … une gamine pareille. J'avais d– tomber sur la fille d'un potentat quelconque partie se promener avec ses gorilles. J'ai jamais eu de bol. Je d‚cidai de cultiver, moi aussi, le style pr‚industriel. J'effectuai une petite r‚v‚rence grelottante. - Non, belle dame, je dois au seul hasard la chance de croiser ta route. Le rire qui la secoua mit … rude ‚preuve le lacet de son justaucorps. Elle se calma d'un coup et posa la pointe de son ‚pluche-l‚gumes sur mon nombril. - Notre rencontre ne doit rien au hasard. C'est un trait de feu, dans le ciel cette nuit, qui m'a indiqu‚ o— te trouver. - Que fais-tu ici, nu et seul, au milieu de la mer des hautes herbes ? demanda le premier homme … sa droite. Sa gueule me d‚plaisait, avec cette longue balafre, sous l'oeil noir, qui barrait sa joue gauche. La question ne m'enchantait pas non plus. Comme souvent, la v‚rit‚ puait l'avalanche d'emmerdements. Un article dont je me voyais servi sans parcimonie depuis quelques heures. J'allais au bobard le plus simple. - Je ne sais pas. La pluie m'a r‚veill‚, je n'avais pas de vˆtements, trŠs mal … la tˆte et je ne me souvenais plus de rien. Mˆme pas de mon nom. - Et ‡a, qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il en indiquant le bracelet … mon poignet. J'‚cartais les mains avec une grimace d‚sol‚e. - Je ne me souviens vraiment de rien. - Il ment, grogna l'homme … sa maŒtresse. Elle m'‚tudiait de ses grands yeux verts. L'eau ruisselait dans le creux profond entre ses seins sans lui donner la chair de poule. C'est ‡a, l'avantage d'ˆtre bien nourri. - Tu as sans doute raison, Gurth, mais quelle importance ? Mes rˆves m'ont annonc‚ que je rencontrerais ici, au coeur de la mer des hautes herbes, un inconnu qui me guiderait vers le graal. Et je l'ai rencontr‚. (Une moue fripa son minois. ) J'imaginai un ˆtre d'allure plus noble mais seul l'Arbitre Suprˆme connaŒt tous les d‚tours du destin. (Elle m'adressa un froncement de sourcils imp‚rieux. ) Me conduiras-tu vers le graal ? Mettras-tu tes pas devant les miens ? Ne jamais lutter contre une id‚e fixe ! - Je te conduirai, r‚pondis-je avec emphase. - Bien. Lie-lui les mains, Gurth, nous partons. Et laisse-lui son bijou, nous ne nous abaissons pas … voler. Ma colŠre flamba d'un coup. Puisque j'avais dit oui, je n'existais pas plus qu'un larbin. - Halte-l…, princesse ! hurlai-je. Je te conduis mais c'est donnant-donnant. D'abord j'ai faim. Ensuite j'ai besoin de vˆtements et de chaussures. Enfin, il est hors de question que l'on m'attache. Elle ne se retourna mˆme pas. L'affreux Gurth me ficelait les poignets dans le dos avec la dext‚rit‚ d'un adepte des partouzes sado-maso. - En route ! ordonna l'imp‚rieuse … ses sbires. Qu'il passe devant. Un javelot cingla mon dos et je plongeai dans le gazon g‚ant. Les herbes me d‚passaient en hauteur de plus d'une tˆte. Poussant par touffes entre lesquelles il fallait zigzaguer, elles ne permettaient pas, sous la pluie, de distinguer son chemin … plus d'un ou deux mŠtres. Je ne pouvais malheureusement pas en profiter pour tenter de semer mes cerbŠres, l'insupportable Gurth me tenait en laisse comme un vulgaire mammifŠre de compagnie. Une gigantesque envie de ricaner enflait en moi. Mˆme si je l'avais voulu, comment aurais-je guid‚ la Walkyrie des steppes o— que ce soit. Sur cette poussiŠre tournoyant au fin fond du n‚ant, ® graal ¯ correspondait peut-ˆtre … une appellation locale de la pile … fusion. C'‚tait en tout cas la seule destination que je pouvais nous fixer. Malheureusement, j'avais oubli‚ de me faire greffer des yeux sur les fesses, l… o— ils auraient pu lire le cadran … mon poignet. La garce m'infligeait ce calvaire pour rien. Et quel calvaire, nom d'un co‹t sur un matelas … clous ! De la plante des pieds jusqu'au sommet du crƒne, … l'int‚rieur comme … l'ext‚rieur, je n'‚tais plus qu'une collection de souffrances et inconforts divers. Je ne m‚ritais pas ‡a, glapissait mon amour-propre sanguinolent. Pour une fois que la chance me souriait. Que c'‚tait moi qui tenais les bonnes carte. Je voulais juste lui rabattre le caquet … ce Shankar, ce nabab gonfl‚ comme un pet. L'obliger … connaŒtre, lui aussi, l'amertume qui vous envahit l'ƒme le jour o— vous r‚alisez que le fil de v“tre vie repose entre d'autres mains que les v“tres. Penser … ce salopard excitait la rage qui tournait comme un animal en cage dans mon ventre. Je n'avais pas d'autre monnaie d'‚change que ma personne, valeur grandement sous estim‚e ces derniers temps. Je d‚cidai de faire monter les enchŠres. Des poches mar‚cageuses, qu'il fallait contourner, occupaient le fond des cuvettes les plus marqu‚es. Je ne contournai pas la derniŠre mais fon‡ai au contraire droit devant. Ma r‚action surprit Gurth qui lƒcha ma longe. J'en profitai pour creuser l'‚cart, gigotant des gambettes dans la boue avec l'‚nergie d'un batracien ‚gar‚ sur une plaque de cuisson. On criait derriŠre moi mais la pluie et les gramin‚es ‚touffaient les sons, rendant difficile l'appr‚ciation des distances. Un espoir impr‚vu m'habitait. Ma tentative de fuite n'allait pas seulement les obliger … se montrer plus conciliants. Elle allait r‚ussir. J'allais leur ‚chapper... C'est l… que mon pied gauche a refus‚ de se soulever et que je me suis ‚tal‚. Des sables mouvants ! Je suis arriv‚ … me redresser, … arracher mon torse … la succion, comme une bouche avide et grasse en train de me gober. Je continuai n‚anmoins … m'enfoncer. Mes poursuivants approchaient mais en ordre dispers‚. Ces abrutis ‚taient capables de me rater. J'ai voulu appeler au secours mais le cri est rest‚ coinc‚ dans ma gorge. Qu'ils aillent se faire foutre, il me restait encore un vestige de fiert‚. Il ne me restait d'ailleurs plus que cela. La gadoue m'atteignit le nombril. Puis les ‚paules. €a pataugeait derriŠre les herbes tout autour de moi, allant, venant, gueulant. Pas loin. Mais jamais tout prŠs. Avais-je bien v‚cu ? Difficile … dire. Depuis que l'on m'avait d‚barqu‚ sur Anchor, dix ans plus t“t, gagner ma cro–te avait accapar‚ l'essentiel de mon temps et de mes pens‚es. Un souvenir me br–lait. Celui de mes parents baissant la tˆte, incapables de renoncer au confort offert par leur situation de philosophes-danseurs auprŠs d'Ulrich Blanke, celui que j'avais toujours pris pour leur ami et qui ‚tait leur maŒtre. Il me bannissait pour avoir os‚ aimer sa fille et ils s'inclinaient, parlant, afin de justifier leur lƒchet‚, des propres ailes que je devais d‚ployer. La culture, comme la capacit‚ de raisonner, sert beaucoup … se justifier. J'‚tais n‚ dans le vaisseau-manoir de Blanke, avais grandi dans la certitude que je succ‚derais … mes g‚niteurs. Ne me formaient-ils pas depuis ma plus tendre enfance dans ce sens ? Et je me retrouvais soudain largu‚ … vingt ans sur une planŠte, plus d‚muni encore que ses habitants, ceux que j'appelais jadis avec m‚pris des enkyst‚s. Ce que m'avaient appris mes parents des arts et du spectacle m'aurait permis de trouver un m‚cŠne, sans doute mˆme de reprendre cette vie que j'aimais, hors du temps, sur un vaisseau marchand o— fˆtes, p‚riodes d'hibernation et escales se succ‚daient sans laisser place … l'ennui. J'avais pr‚f‚r‚ revenir aux bases les plus frustres de mon enseignement, d‚velopper mes talents de saltimbanque, travailler l'emphase gouailleuse du com‚dien de rue. J'avais souvent crev‚ la dalle, souvent surv‚cu d'exp‚dients, mais je ne d‚pendais de personne. Aucun Blanke ne d‚ciderait plus jamais de qui j'avais le droit ou non d'aimer. Oui, j'avais bien v‚cu. La boue clapota contre mes lŠvres qui souriaient. Je n'eus pas … r‚sister, je n'avais pas envie de hurler. Puis il fut trop tard. Je tendis au maximum la tˆte en arriŠre mais ne parvins qu'… prendre une derniŠre inspiration avant que mes narines s'enfoncent. Comment n'avais-je pas remarqu‚ … quel point cette fange puait ? La br–lure de l'asphyxie explosa patiemment dans mes poumons. Je fermai les yeux, sentis une pƒte froide les recouvrir. Je n'‚tais pas m‚content, non plus, de ma mort. CHAPITRE III Je suis sorti d'hibernation avec un go–t dans la bouche digne d'entrer dans le Guinness des horreurs. Puis une petite voix int‚rieure m'a susurr‚ que l'hibernation se pratique en caisson, un endroit o— l'on n'est pas assis sur des cailloux pointus. - Il revient … lui, a dit une grosse voix ext‚rieure avec une fa‡on de prononcer ® lui ¯ qui me plaisait d'autant moins qu'il s'agissait de moi si je comprenais bien de qui elle parlait. J'ai ouvert les yeux pour d‚couvrir le visage de Gurth tout prŠs du mien. Rouge et boursoufl‚, un coup de badine barrait sa joue droite, presque sym‚trique … la balafre de l'autre c“t‚. Cette homme m'aimait, ‡a se voyait tout de suite … la fa‡on dont il m'‚corchait vif du regard. - Tu me manquais, Gurth, j'ai minaud‚. Mais il n'a pas fr‚mi. Il ne pouvait pas m'aimer plus qu'il ne m'aimait d‚j…. Intimid‚ par tant de passion, j'ai lev‚ la tˆte pour ‚chapper au feu que jetaient ses prunelles. Non seulement il ne pleuvait plus, mais on voyait mˆme du bleu entre les tˆtes de gramin‚es agit‚es par une brise. J'‚tais adoss‚ … une touffe de tiges ‚paisses, au sommet d'une des molles ondulations de la plaine, et portais comme mes gardiens un moche ensemble de toile grŠge. On m'avait ‚galement pass‚ une paire de sandales. Il ne me manquait plus que la cuirasse et l'‚p‚e pour faire couleur locale. Mon confort s'am‚liorait mais j'avais toujours les poignets li‚s. Devant moi toutefois. La flamboyante guerriŠre s'accroupit en face de moi. Je me redressai d'un coup de reins contre mes tiges et repliai mes jambes en tailleur. Gurth avait rejoint les quatre autres soldats pr‚sents, derriŠre elle, juste hors de port‚e de voix. Ils avaient d‚gag‚ une clairiŠre d'une vingtaine de mŠtres de diamŠtre, soigneusement align‚ leurs paquetages et allum‚ un feu avec les tiges qu'ils avaient coup‚es. Une soupe … l'odeur sucr‚e mijotait dessus. Ce parfum avait un tel effet sur mon m‚tabolisme affam‚ que j'allais p‚rir noy‚ dans ma propre salive si je ne finissais pas d'abord dissous dans mes sucs gastriques. H‚las, un homme qui vient de marcher sans broncher vers un sort fatal ne peut mendier un bol de potage sans d‚choir. - Tu as eu de la chance que je tr‚buche sur ta longe, ‚tranger. Pourquoi n'as-tu pas appel‚ quand tu te noyais ? Pr‚fŠres-tu donc la mort … l'absence de libert‚ ? Qu'elle croit ‡a ne me gˆnait pas. - Je m'appelle Lucy Macyntire, poursuivit-elle. Et toi ? Elle n'allait pas m'avoir comme ‡a. Je me fis une bobine insondablement amn‚sique, bouche b‚ante en un concentr‚ de trou de m‚moire, regard fix‚ sur l'abŒme de mes souvenirs disparus. Ce petit num‚ro termin‚, je soulevai mes mains. - Je ne suis pas libre. (Je baissai les yeux sur mes fringues. ) Ni trŠs ‚l‚gant. J'aurais pr‚f‚r‚ un habit comme le tien. On a l'air bien dedans, le mien gratte. Pas de r‚action. Je tendis les mains vers son bras et elle r‚prima un mouvement de recul. Sa badine s'‚nerva contre sa cuisse. Gurth et ses sous-fifres s'‚taient fig‚s, prˆts … bondir. Ici aussi, la rŠgle s'appliquait : pas touche … la fille du chef. Et puis quoi encore ? Mes doigts saisirent la manche de Lucy. - Ouais ! Pas mal... ! commen‡ai-je en froissant le cuir souple. Je vis avec surprise une lueur narquoise balayer l'accumulation de masses orageuses qui d‚t‚riorait la m‚t‚o dans les yeux verts de la miss. La douleur arriva juste derriŠre. Ces ‚cailles ‚taient plus tranchantes que la panoplie d'un ninja multicarte. Maintenant, je comprenais pourquoi elle ne quittait jamais ses gants. Je su‡ai le bout de mes doigts au lieu d'achever ma phrase et d‚cidai d'arrˆter la provoc. Je me trouvai sur un terrain par trop inconnu. - Tu pourras porter du dragon, ‚tranger, quand tu en auras tu‚ un. Elle parlait s‚rieusement. - Et comment procŠde-t-on avec les mains attach‚es, demandai-je ? On le chatouille jusqu'… ce qu'il succombe … un arrˆt cardiaque ? Je m'attendais … ce qu'elle tique mais elle ne releva pas. Elle savait donc ce qu'‚tait un arrˆt cardiaque. Son ton se fit persuasif : - Oublie ces liens. Paradoxalement, ils nous permettent de parler sans entraves. Ces hommes m'ob‚issent mais ils ont aussi re‡u des instructions de mon pŠre. Ils ne se tiendraient pas … distance si tu gardais les moyens de me nuire. (L'intonation imp‚rieuse revint briŠvement. ) De toute maniŠre, je ne te relƒcherai que lorsque tu m'auras conduit vers le graal. (Ses ongles effleurŠrent ma joue. ) Mais je t'en prie, ne considŠre pas que je t'ai pris ta libert‚. Pense plut“t que tu me la prˆtes. Grand sourire. Elle ‚tait jeune et jolie. TrŠs jolie. Riche et gƒt‚e. Tout devait naturellement plier … ses d‚sirs. Je sentais la vieille hargne bouillonner en moi … l'id‚e de plier. Il ne fallait surtout pas qu'elle m'emporte. J'avais tout int‚rˆt … paraŒtre docile. Lucy me demandait de l'emmener l… o— je voulais aller et m'offrait une escorte sur ce monde dont je ne connaissais rien des dangers. Et maintenant qu'elle savait risquer me perdre, elle ne me pousserait plus … bout. Je lui rendis son sourire. - Entendu. Elle hocha briŠvement la tˆte, n'ayant jamais dout‚ d'obtenir ma docilit‚. - Maintenant, il te faut un nom. Comment veux-tu que je t'appelle ? Je m'‚tais d‚j… donn‚ un nom, sur Anchor, lorsque j'avais r‚solu de gagner ma vie en faisant le saltimbanque. Luc Deluxe, parce que l'ind‚pendance n'a pas de prix. Les circonstances ne se prˆtaient pas … ce que je le porte ici. Elles ne se prˆtaient pas plus … ce que je d‚cide moi-mˆme de mon patronyme. - J'aimerais que ce soit toi qui me donne un nom. L'attention lui plut et une joie enfantine illumina ses traits. Elle ‚tait encore bien jeune pour incarner en permanence l'autorit‚. Pendant qu'elle r‚fl‚chissait, j'‚tudiais les membres de sa troupe rest‚s au bivouac. Ne pas nous regarder leur co–tait un tel effort qu'ils ne bavardaient mˆme pas entre eux. Depuis quand voyageaient-ils en groupe clos ? Elle ne couchait avec aucun, je l'aurais jur‚. Pas son genre de se frotter … hauteur de plŠbe. Je ne sais mˆme pas si elle voyait les hommes dans l'enveloppe des serviteurs. Eux auraient eu besoin de se crever les deux yeux pour ne pas voir la femme. Comment supportaient-ils la promiscuit‚ ? Ses coups d'oeil fi‚vreux indiquaient que Gurth supportait mal. Il ‚tait le premier adjoint, ou l'adjudant, ou je ne sais quoi, le seul … oser penser qu'il la m‚ritait. J'avais commis la mˆme erreur, jadis : refuser de voir la barriŠre impalpable qui entoure la fille du chef. Je l'avais franchie et avais cru qu'elle n'existait pas parce qu'Isolde r‚pondait … mes baisers. Peut-ˆtre le croyait-elle, elle aussi. Jusqu'… ce qu'on lui rappelle. Car si les fils de subalternes peuvent oublier leur rang, les filles de chef ne sont pas si folles. Une moue plissa la frimousse de la derniŠre inscrite sur mon carnet d'adresse. - J'ai du mal … te trouver un nom. Tu me fais penser … quelque chose de trouble, de flou. Oui, Flou, pourrait t'aller. Non, je d‚testais. - Pourquoi pas Menteur ? crachai-je. Fourbe ? Perfide ? Sournois ? Il y a aussi TraŒtre, Cauteleux, Assassin, Faux-cul. Voil…, Faux-cul, ‡a c'est un nom qui m'ira bien. Et qui me plaŒt. Je devais s–rement m'appeler comme ‡a quand... Elle ‚clata de rire et se laissa tomber assise en tailleur devant moi. - J'ai trouv‚. Je vais t'appeler Furieux. Je me calmai. Oui, celui-l… me convenait. - Il me faut un pr‚nom maintenant. - Mais c'est un pr‚nom. Seuls les seigneurs portent un nom. - Et alors ? Pourquoi est-ce que je ne serais pas un seigneur ? Elle plissa les yeux de plaisir. Elle se r‚galait, la garce. - Tu ne l'es plus si tu l'as oubli‚. A moi la balle. Je mˆlai surprise et soulagement sur mes traits rayonnant de na‹vet‚. - Oh, alors, ˆtre un seigneur n'a pas grande importance ? Elle fron‡a les sourcils, plus du tout contente. Il y avait lŠse-majest‚, plus question de copiner. - Tu m'intrigues, siffla Lucy. Je n'arrive pas … croire … ton amn‚sie et en mˆme temps, je sens que tu ignores r‚ellement beaucoup de choses. NaŒtre seigneur est loin d'ˆtre seulement un privilŠge. C'est avant tout une lourde responsabilit‚. Je r‚ussis … ne pas ricaner. Je revoyais Isolde me seriner une le‡on de morale identique pour m'expliquer que nos galipettes s'arrˆtaient l…. Elle ‚tait petite, brune, ronde et mate, Lucy ‚tait grande, rousse et dot‚e d'une peau de porcelaine mais elles poss‚daient toutes deux le mˆme ton sentencieux, la mˆme envie de croire … leurs bobards. Et, surtout, le mˆme sentiment de sup‚riorit‚, ancr‚ au plus profond de leur personnalit‚, qui leur permettait d'y croire. J'avais chial‚ en ‚coutant Isolde, ne comprenant qu'une seule chose … son baratin : elle ne voulait plus de moi. Non seulement je ne pleurais pas en ‚coutant Lucy, mais j'arrivais mˆme … contenir mon hilarit‚. J'y arrivais mal mais j'y arrivais. Mon expression peu convaincue relan‡a la belle de plus belle. - Au temps des commencements, ce sont aux familles les plus valeureuses que l'Arbitre Suprˆme a accord‚ le rang seigneurial. Celles qui avaient su le mieux d‚velopper par la discipline, l'‚tude et la r‚flexion leurs qualit‚s naturelles. Celles qui savaient le mieux, ‚galement, ‚couter le silence des dieux et d‚couvrir les ombres de v‚rit‚s dans le brouillard des visions qu'ils nous donnent. J'appartiens … une telle famille et je connais mes devoirs : assurer l'ordre et la prosp‚rit‚ du fief afin que tous les membres du clan, aussi humbles soient-ils, mŠnent une vie d‚cente. - Plus ou moins d‚cente, pr‚cisai-je. Elle ne releva pas. - Surtout, c'est … nous, les seigneurs, de mener la quˆte du graal et d'affronter ses dangers pour l'ƒme et le corps. Elle nous conduira … la lib‚ration finale, au face … face avec l'Arbitre Suprˆme. G‚n‚ration aprŠs g‚n‚ration, r‚incarnation aprŠs r‚incarnation, cette quˆte ‚lŠve le niveau spirituel du clan. Grƒce … nous, les seigneurs, tout le monde approche de la lumiŠre. La fin de sa tirade me laissa l'esprit aussi vif que le 862ø ‚pisode d'une s‚rie holo. Il ne me venait pas la plus petite vacherie. Rien. Juste une immense consternation devant la fougue avec laquelle elle d‚bitait ce m‚li-m‚lo socio-religio-abracadabrant. La plupart des mondes que j'avais connus poss‚daient leurs sectes vantant le retour … diverses valeurs pr‚tendument ancestrales. L'‚ternox et la pile … fusion leur donnant les moyens de passer du prˆche … l'acte, elles ne s'‚taient pas priv‚es d'envoyer aux quatre cents coins de la galaxie les gogos qu'elles avaient fini d'essorer. Je n'en voyais cependant aucune d'assez louf, malgr‚ tous leurs efforts, pour aboutir au type de bric-…-brac que venait de me d‚crire l'imp‚tueuse Lucy. Un silence triomphant s'installa. Je le brisai. - Si j'ai bien compris, tu comptes sur moi pour trouver le graal et la lumiŠre finale ? Le soupir du grand prˆtre accabl‚ par la bˆtise crasse du novice souleva sa trŠs sainte poitrine comprim‚e dans un d‚collet‚ hautement ‚vang‚lique. - Bien s–r que non. Mes rˆves m'ont juste indiqu‚ o— d‚couvrir un guide vers le graal. Une petite ‚tape, une de plus parmi toutes celles effectu‚es par les Macyntire. - Et l…, nous sommes sur les terres de ton fief. Elle perdit son s‚rieux, je pr‚f‚rai. - Quel idiot ! Tiens, voil… un nom qui t'irait bien aussi : Idiot. Tu ignores vraiment les choses les plus simples. Vois-tu des champs cultiv‚s, des villages et des chƒteaux, des routes pour les chariots et des bateaux glissant sur les riviŠres ? Le pays des clans, Donjaidraaghon, s'‚tend au sud d'ici, sur les plaines, les collines et les montagnes qui bordent le grand oc‚an. - A quelle distance ? - Trente jours de marche en bonne saison, comme maintenant. - Qui occupe, alors, les territoires qui nous en s‚parent ? - Des sauvages. Des brutes indignes de l'int‚rˆt de l'Arbitre Suprˆme. - Ils ne cherchent pas le graal ? - Ils ne sont bons qu'… servir d'esclaves. - Comme moi. Je lui adressai mon plus beau sourire, me rappelant de ma propre adolescence dans l'univers clos du Babylone, le vaisseau de Blanke. Moi aussi, j'aimais me sentir sup‚rieur. Et je gobais tout ce qu'on me racontait sur des gens dont je ne connaissais rien. Du bruit dans les herbes, … sa droite, ‚vita … la jeune seigneur de chercher une r‚plique. Les soldats absents rappliquaient … l'appel, portant une bˆte moche empal‚e sur deux de leur javelots. Leur prise ‚tait une boule de cuir sale prolong‚e d'une longue queue ‚paisse qui dressait quatre pattes massive vers le ciel. Une peu plus grande qu'un gros chien, elle ne m'‚voquait rien de connu et ne descendait donc probablement pas du patrimoine g‚n‚tique de la vieille Terre. - As-tu d‚j… mang‚ du grison ? me demanda Lucy. Je faillis r‚pondre non, avalai ma langue … temps. - Comment le saurais-je ? Un spectre de rictus dansa sur ses lŠvres. - J'avais oubli‚. Tu ne te souviens de rien. Mon estomac gargouilla pendant tout le d‚pe‡age puis la cuisson, ce qui amusa beaucoup les Donjaidraaghoniens. Pour me tenir compagnie, ils avaient plac‚ devant moi la tˆte de l'animal. Histoire de m'occuper l'esprit … des consid‚rations d'un int‚rˆt plus universel que l'‚valuation de l'‚tendue de mes malheurs, je me demandais … quoi lui servait un museau aussi long et aussi muscl‚. Fins humoristes, mes compagnons de voyage avaient retrouss‚ ses babines pour donner l'impression qu'il ricanait. Ses grandes dents plates r‚v‚laient qu'il s'agissait d'un herbivore. Enfin, la viande fut cuite. Nom d'un troglodyte trisexuel d'Alj‚zarian, jamais je n'oublierai cet instant... La premiŠre bouch‚e. Le jus qui coulait sur mon menton. L'odeur un peu poivr‚e. Les aromates, au go–t de menthe et de br–l‚, incrust‚s dans la viande. Ces milliards de cellules, partout dans mon corps, qui communiaient dans une immense all‚gresse. Cette certitude visc‚rale, dŠs que mon estomac commen‡a … se remplir, que tout allait s'arranger. Je remerciais presque Shankar et Oph‚lIA de m'avoir oblig‚ … connaŒtre cette exp‚rience. Je pense mˆme que je me serais mis … croire … Dieu s'il y avait eu de la moutarde. Je go–tai aussi enfin … cette soupe … base de feuilles et de baies bouillies. J'essayai de me les repr‚senter crues, on ne sait jamais, au cas o— j'aurais l'occasion, ou le besoin, de me nourrir seul. Nous mangions sans ‚changer un mot et je per‡us, dans le silence, l'intense vie animale qui nous entourait. Invisibles et furtifs mais audibles, insectes et bestioles rampaient, se faufilaient, sautillaient ou galopaient … tout va. Quelque chose me chiffonnait dans leur agitation mais je repoussai mon trouble afin de me concentrer sur les plaisirs de la mastication. AprŠs tout, ce genre d'inqui‚tude incombait … mes gardes-chiourme. Ce n'‚tait tout de mˆme pas … moi de me charger de notre s‚curit‚. CHAPITRE IV Contrairement … l'impression qu'ils me donnaient, les Donjaidraaghoniens restaient en ‚veil. Mais leur vigilance se foutait des mystŠres de la nature. C'‚tait un autre type de bruit qu'ils guettaient. Un bruit que je ne remarquai qu'aprŠs les avoir vus poser brusquement leurs piŠces de barbaque. Sans un mot, ils saisirent leurs javelots et ob‚irent aux signes de tˆte de Gurth. Deux disparurent … droite, deux … gauche, les six autres formŠrent une espŠce de haie, l‚gŠrement sur le c“t‚ du foyer, derriŠre laquelle se pla‡a Lucy. Celle-ci se retourna pour me jeter un regard interrogatif mais je ne pus que lui r‚pondre d'une grimace incomp‚tente. Le bruit de course approchait, elle lui fit face. Il s'arrˆta net. Je ne voyais rien mais devinais que le jogger venait de d‚couvrir le comit‚ d'accueil. Les estafettes de Gurth se jetŠrent alors sur lui. Il y eut des grognements mais pas de v‚ritable lutte. Les quatre soldats traŒnŠrent le nouvel arrivant jusque dans notre clairiŠre. - Es-tu seul, sauvage ? interrogea Lucy. Plus grand qu'elle, l'autre la toisa de toute sa hauteur. Son teint cuivr‚ et ses cheveux longs, d'un noir de jais, m'‚voquaient un souvenir mais celui-ci refusait de se pr‚ciser. - R‚ponds ! cracha Gurth en cinglant ses ‚paules d'un coup de javelot. L'homme ne perdit pas son sang-froid. - Vous seriez d‚j… morts si je n'‚tais pas seul. Pourquoi me rappelait-il quelque chose ? Y avait-il un rapport avec ses fringues : une chemise, un pantalon et des espŠces de pantoufles coup‚s dans une peau souple et orn‚s de perles et de franges ? O— avais-je remarqu‚ une attitude semblable … la sienne, cette expression mariant gravit‚ et s‚r‚nit‚ ? Une photo ! Voil… ! Il ressemblait … une photo. Pas … un holo ou une image virtuelle mais une bonne vieille photo 2D. Une trŠs ancienne mˆme pas en couleur. Laquelle toutefois ? Dans quelle base de donn‚es l'avais-je vue ? - Pourquoi courais-tu vers nous ? demanda Lucy. Une lueur amus‚e passa dans les yeux de l'interrog‚. - Je venais vous sauver la vie. - Ne mens pas. - Je vous ai pris pour les membres ‚gar‚s d'une tribu amie. Les grandes chasses de printemps vont commencer. - Quel rapport avec nos vies ? - Si tu ‚coutais, tu aurais moins besoin de parler. Lucy arrˆta d'un geste le coup qu'allait donner Gurth. Nous passƒmes quelques secondes … tendre l'oreille mais il n'y avait rien … entendre hormis le grouillement animal que j'avais d‚j… remarqu‚. - Ils courent tous dans la mˆme direction, pr‚cisa le prisonnier. - Ils fuient, grogna Gurth. - La grande transhumance ! conclut Lucy dans un souffle. Je croyais que ce n'‚tait qu'une l‚gende. Je ne pus m'empˆcher d'ouvrir ma boŒte … gaffes : - Moi, c'‚taient les dragons que je croyais l‚gendaires. Douze regards se braquŠrent sur moi. Onze d'entre eux manquaient de chaleur. Un grondement, trŠs lointain mais semblant provenir d'un immense demi-cercle, nous rappela que le moment ne se prˆtait pas … l'analyse des textes jaillis de la bouche d'un amn‚sique. - Il reste peu de temps pour gagner un lieu s–r, remarqua l'inconnu bronz‚. - Il faut retourner sur la butte volcanique, affirma Gurth. Il parlait sans doute de celle o— j'avais atterri mais il me semblait qu'elle se trouvait droit dans la direction du bruit sourd imitant si bien une immense vague de cailloux. Lucy confirma mon impression. - Il est trop tard pour ‡a. Etranger, peux-tu nous conduire … un asile ? Je suis Lucy Macyntire. Mon clan saura prouver sa reconnaissance. - Il va en profiter pour s'enfuir, protesta Gurth, ce qui n'int‚ressa personne. - Je m'appelle Cheval Debout, dit le grand brun cuivr‚, et je n'ai rien … attendre de vous. Suivez-moi si vous le souhaitez. - Laisse-nous juste prendre nos sacs. - Je ne vais pas pouvoir courir comme ‡a, remarquai-je en montrant mes mains li‚es. J'ai entendu le sifflement mais je n'ai compris ce qui venait de se passer qu'en la voyant remettre son ‚p‚e au fourreau. Non d'un salami, elle savait se servir de son coupe-chou. Et moi, ‡a me faisait tout dr“le de pouvoir me gratter en simultan‚ une fesse et une oreille. On perd vite les habitudes les plus simples. Cheval Debout prenait d‚j… le large en petite foul‚e et nous nous ‚lan‡ƒmes derriŠre lui. Il savait o— il allait, manifestement, mais la direction qu'il prenait nous ‚loignait de la pile … fusion. Malgr‚ les zigzags qu'imposaient les touffes d'herbe g‚ante, nous courions … peu de chose prŠs le long d'une ligne parallŠle au grondement. Celui-ci s'amplifiait et la terre commen‡ait … fr‚mir sous nos pas. - Mais enfin qu'est-ce qu'on fuit ? m'enquis-je auprŠs du soldat qui fermait la marche avec moi. - Des grisons. - Des grisons ? Comme celui que nous avons mang‚ ? Il comprit … mon ton que je ne voyais pas le danger pr‚sent‚ par cette bestiole. - C'‚tait un jeune. Et il ‚tait seul. Je compris au sien qu'il ne gaspillerait pas plus de souffle pour un amn‚sique. Nous avons trott‚ ainsi pendant ce qui me parut des heures. Je ne poss‚dais pas l'entraŒnement de mes petits camarades et d‚couvris vite l'int‚rˆt de ne pas gaspiller la moindre mol‚cule d'oxygŠne. Si les herbes, par endroits, me permettaient d'apercevoir toute notre petite troupe, elles ‚taient le plus souvent trop serr‚es pour que je distingue plus que le soldat me pr‚c‚dant. Le vacarme des grisons ne cessait d'enfler. Je finis par avoir l'impression qu'il r‚sonnait … l'int‚rieur mˆme de ma tˆte. Inexorablement, je ralentissais. Et puis soudain, je ne vis plus personne devant moi. J'‚tais distanc‚. Une lourde puanteur o— se mˆlaient odeurs de sŠve, d'excr‚ments et de sueur m'oppressait. Le sol tremblait, transmettant d'‚tranges vibrations aux tiges des gramin‚es. Et je ne distinguais toujours aucun animal derriŠre le rideau d'herbes. Mes jambes tremblaient et je haletais, poumons en feu. Le grondement me donnait l'impression de me trouver au coeur d'une avalanche. Des taches rouges dansaient dans mon champ de vision, une salive ‚paisse et filandreuse m'emplissait la bouche. Je n'arrivais plus … mettre un pied devant l'autre. Ce nom, Cheval Debout, a curieusement choisi cet instant pour faire remonter les souvenirs. Je me rappelais maintenant ce que m'‚voquait son allure et o— j'avais vu la photo. Pas dans une base de donn‚e mais sur un livre. Un petit fascicule que j'avais achet‚ lors d'une escale sur Temp‚ra, s‚duit par le charme surann‚ de l'objet. Un petit vieux tout rid‚ me l'avait propos‚ alors que je buvais un soda dans un centre commercial, rˆvant … Isolde et au parfum de sa peau aprŠs l'amour. Cette activit‚, ‚voquer l'odeur des femmes, m'a toujours incit‚ … la bienveillance. L'opuscule narrait les d‚lires d'une des sectes les plus dingues parmi toutes celles, pourtant peu enclines … m‚goter sur la divagation, dont j'avais crois‚ le chemin. Etait-ce mon ‚tat d'esprit, tout attendri de me savoir amoureux et d‚pucel‚ ? Etait-ce le regard empreint de dignit‚ de ce Nuage Rouge, sur la couverture, celui que me rappellerait dix ans subjectifs plus tard l'expression de notre guide actuel ? Une ‚trange nostalgie m'avait envahi en lisant la description d'un mode de vie pr‚industriel uniquement gouvern‚ par la recherche de l'harmonie et de la paix. J'en oubliais presque qu'il m'aurait tu‚ d'ennui, grands espaces ou pas. Le fondateur de la secte, un certain Irwin Alifkir, descendait vaguement, d'aprŠs ses dires, de ces Indiens de la vieille Terre qui vivaient ainsi. Puriste fanatique, il collectionnait les documents historiques les concernant et commanda … un laboratoire eug‚nique des b‚b‚s ressemblant … ses antiques photos. Aid‚ par ses premiers adeptes, il les ‚leva comme ses enfants, reconstituant une vie tribale dans son domaine priv‚ sur Fl‚gor. La premiŠre colonie d'® hommes libres ¯, comme aimaient … s'appeler ces gens endoctrin‚s dŠs la naissance, partit se chercher une planŠte pour elle toute seule trois g‚n‚rations plus tard. Cheval Debout, apparemment, descendait d'une des quelques autres … avoir suivi. Et comme Lucy, il semblait tout ignorer de la civilisation technologique qui lui avait permis de venir s'‚battre dans le gazon hypertrophi‚. Le premier grison apparut mais je ne me sentais toujours pas en ‚tat de faire un pas. Gros comme un camion, il avan‡ait placidement, ses pattes rondes martelant le sol avec une cadence lourde. Il s'arrˆta, inclina la tˆte. Je compris … quoi lui servait un aussi long museau quand il sectionna une botte de gramin‚es. Il eut … peine le temps d'en arracher une bouch‚e, deux de ses cong‚nŠres le poussaient d‚j…. Combien y en avait-il derriŠre pour produire un tel bruit en marchant si lentement ? Le souffle de la horde, sa puissance transmise par le tremblement du sol sous mes pieds, me t‚tanisaient. Les mastodontes surgissaient partout maintenant, et la v‚g‚tation, plus imp‚n‚trable qu'une forˆt quelques instants plus t“t, se couchait devant eux. Je d‚couvris ainsi le soleil de ce monde, d'un jaune tout … fait standard. Mais c'‚tait cette houle d'‚chines grises qui m'hypnotisait. Il en ‚manait une puissance vitale que je n'avais connue sur aucune des planŠtes civilis‚es o— je m'‚tais pos‚. Je me sentais … peine exister face … une telle force et acceptais le sacrifice. Pourquoi lutter alors qu'il ‚tait si simple de se fondre … cette vague ? Finir sous forme de pulpe boueuse jonch‚e de cacas d'herbivores me paraissait soudain extrˆmement reposant. Une main saisit mon bras, m'arrachant … ma fascination. - Vite ! hurla Lucy. Elle ‚tait revenue me chercher. Et Cheval Debout l'accompagnait. Il attrapa mon autre bras, cria quelque chose qui se perdit dans le grondement. Je les laissai m'entraŒner. Retrouvai mˆme assez de souffle pour galoper. Une odeur ƒcre d'‚curie sale rƒpait ma gorge. Nous courions entre les grisons qui, s'ils nous remarquaient, ne le manifestaient pas. Je vis le premier rocher, dress‚ comme une Œle au dessus du flot de cuir poussi‚reux. Il y en avait d'autres derriŠre, accroch‚s … une pente raide qui grimpait jusqu'… une falaise. Cheval Debout se jeta derriŠre le rocher. Il bondit aussit“t sur la tˆte d'un mastodonte puis sur son dos pour atteindre l'abri suivant. L'avant-garde de la horde nous avait d‚pass‚s et l'‚cart entre chacun des animaux qui nous cernaient devenait de plus en plus r‚duit. Je me faufilai de justesse entre deux monceaux de barbaque, atteignit moi aussi un petit coin de s‚curit‚ derriŠre une aiguille de calcaire. Je me retournai. Lucy ‚tait coinc‚e. Il ne lui restait plus qu'un grison … d‚passer pour me rejoindre mais l'un des deux animaux entre lesquels elle se glissait avait d– changer de rythme. A trois mŠtres de moi mais inaccessible, elle se trouvait prise au niveau de la taille entre l'‚paule de l'un et la cuisse arriŠre de l'autre. Indiff‚rents aux coups d'‚p‚e qui rebondissaient sur leur carapace, ils l'entraŒnaient dans leur progression aveugle, mena‡ant … chaque pas de l'‚craser. L'‚norme panse de celui de derriŠre me cacha la flamboyante chevelure rousse qui tourbillonnait. J'‚tais impuissant. Cette gosse allait mourir ‚crabouill‚e pour avoir voulu me sauver la vie. D'interminables secondes s'‚coulŠrent, rythm‚es par le pas si lourd, si lent, du mastodonte qui d‚filait devant moi. Quand la courbe de l'‚chine me permit de revoir la tˆte de Lucy, elle s'agitait toujours. Mon coeur explosa de soulagement dans ma poitrine. Je sautai sur la queue de la bˆte, m'agrippai aux longs poils graisseux qui parsemaient sa peau rugueuse. Je r‚ussis … grimper au sommet du dos rond. - L'‚p‚e ! hurlai-je. Elle dut m'entendre car, aprŠs un bref moment d'‚tonnement, elle tendit l'arme dans ma direction. Je la saisis par la pointe, la lan‡ai en l'air pour la rattraper par la poign‚e et me laissai glisser sur l'encolure de ma monture. Les oreilles, ‚pais cornets taill‚s en pointe, arrˆtŠrent ma descente. Indiff‚rent … la vermine qui s'agitait sur son occiput, le grison cisailla d'un grand coup d'interminable museau une bouch‚e d'herbe … une touffe couch‚e par les premiers rangs. Je me dressai en ‚quilibre sur le crƒne plat et plongeai l'‚p‚e dans l'oeil droit de l'animal. Il mourut aussi placidement qu'il marchait. La tˆte s'abattit sur le sol et il s'arrˆta, restant debout comme une immense statue de chair. D‚j…, ‡a poussait derriŠre. Je sautai au sol, attrapai par la taille la jeune guerriŠre que cette immobilit‚ avait lib‚r‚e et profitai de l'espace d‚gag‚ par l'embouteillage pour foncer jusqu'… l'abri du rocher. Je me suis retrouv‚ adoss‚ au calcaire, serrant contre moi un mŠtre soixante-quinze de trŠs jolie fille. Nous ‚tions en nage, tous les deux, hors d'haleine. Ma hanche ‚pousait le creux de son ventre, ses seins s'‚crasaient contre ma poitrine. Nos souffles courts se mˆlaient. Elle leva les mains vers mon visage et je crus qu'elle allait m'embrasser. Ses paumes prirent appui sur mes ‚paules et elle s'‚carta de moi. - Il ne faut pas rester l…, dit sa voix imp‚rieuse. Les rŠgles de physique ‚l‚mentaire s'appliquant aux filles de chef venaient de retrouver leurs droits, d‚clenchant le champ de r‚pulsion automatique des corps socialement inf‚rieurs. Je la lƒchai. J'avais mal. Ces saloperies d'‚cailles avaient lac‚r‚ ma main. Une distance d'un grison, seule unit‚ de mesure digne d'int‚rˆt dans ces contr‚es, nous s‚parait du caillou suivant. Je ne cherchai pas … finasser et plantai l'‚p‚e dans le premier oeil qui passa … port‚e. - AprŠs vous, fis-je en m'inclinant devant la ravissante inaccessible. CHAPITRE V De grison en grison, nous gravŒmes ainsi une pente de plus en plus raide et de plus en plus rocailleuse. Nos victimes se clairsemŠrent puis, le terrain devenant trop escarp‚ pour leurs pattes d‚pourvues de griffes et de sabots, cessŠrent d'offrir leurs globes oculaires … la perforation. Nous ‚tions sauv‚s mais seuls. Cheval Debout et les autres avaient disparu. Nous longeƒmes la falaise puis d‚couvrŒmes une faille dans le rocher. Orn‚ d'‚tranges fossiles aux longues tentacules, l'‚troit couloir nous conduisit jusqu'… un plateau. Un comit‚ d'accueil nous attendait … son d‚bouch‚. Outre Cheval Debout et tout un tas de copains … lui, il y avait l… Gurth, plus renfrogn‚ encore qu'… l'accoutum‚e. Son regard battit des records de noirceur en me voyant surgir l'‚p‚e … la main. Ses hommes l'entouraient, l'air ni trŠs contents ni trŠs … l'aise de se trouver au milieu de tant de sauvages tout juste bons … servir d'esclaves. Un vaste campement occupait en effet l'aire plate … peu prŠs circulaire dominant la plaine o— la mar‚e herbivore continuait de s'‚couler. Des huttes d'herbes tress‚es, de formes trŠs diverses, entremˆlaient leurs styles autour d'espaces d‚gag‚s o— br–laient des feux. Les hommes, les femmes et les enfants qui s'affairaient joyeusement entre elles portaient des vˆtements et des parures eux aussi trŠs vari‚s bien que rappelant ceux de Cheval Debout. Quelques chevaux aux formes lourdes, paissaient ici et l…. Les ‚mules d'Irwin Alifkir avait donc emport‚ avec eux du mat‚riel g‚n‚tique originaire de la vieille Terre. - Nous vous prions de nous remettre vos armes, dit Cheval Debout. Mˆme Gurth n'avait pas os‚ refuser. Lucy me tendit son fourreau et j'y glissai sa lame aprŠs avoir rapidement essuy‚ par terre les glaires qui la salissaient. Le tout alla rejoindre la pile de javelots et d'‚p‚es aux pieds de Gurth. - Sommes-nous prisonniers ? demanda la tueuse de dragons. Elle n'avait pas remis sa badine qui s'agitait nerveusement contre son mollet. - Nous ne prenons pas la libert‚ d'autres hommes, expliqua Cheval Debout. Vous le faites et nous ne pouvons donc vous traiter avec le respect m‚rit‚ par des h“tes. Mais nous ne vous interdirons pas de participer aux fˆtes de l'‚veil d'Ipesha qui nous r‚unissent ici. Un petit type tout frip‚ qui se tenait … c“t‚ de lui. Il s'approcha soudain de moi. Ses longs cheveux blancs tombaient sur sa tunique chamarr‚e d'innombrables cailloux multicolores qui s'entrechoquaient lorsqu'il marchait. - D'o— viens-tu ? demanda-t-il une fois arriv‚ sous mon nez. Tu es blanc mais n'appartiens pas au peuple des hommes insectes. Je souris en voyant l'expression affich‚e par les fiers Donjaidraaghoniens. S'ils n'aimaient pas se faire traiter d'arthropodes, ils n'avaient qu'… changer de modŠle de carapace. Nich‚s au coeur d'un labyrinthe de rides, les yeux du petit vieux p‚tillaient d'humour. Je n'avais aucune raison de lui mentir. - Je suis du mˆme peuple que toi, r‚pondis-je. (J'indiquai Lucy d'un signe de tˆte. ) Et du mˆme peuple qu'elle. Mais ni toi, ni elle ne connaissez l'endroit d'o— je viens. Et je ne peux vous le d‚crire car il ne ressemble … rien de ce que vous connaissez. Ma r‚ponse en forme d'‚nigme parut lui suffire car il hocha la tˆte puis retourna … la place qu'il venait de quitter. Trois jeunes gaillards ramassaient les armes. - Nous vous les rendrons quand le d‚part des grisons vous permettra de reprendre votre route, indiqua Cheval Debout. Envol de l'Aigle va vous conduire … la hutte que nous vous prˆtons. Un jeune guerrier s'avan‡a et tous les autres ® hommes libres ¯ commencŠrent … se disperser sans plus se soucier de notre existence. Gurth et deux de ses sbires foncŠrent vers moi pour me remettre le grappin dessus. J'en avais soup‚ de ces l‚cheurs de bottes paramilitaires. J'accrochai mes pas … ceux d'un des groupes qui s'‚loignaient. Les brutes en cuirasse se figŠrent, tournant la tˆte vers Lucy en quˆte d'une instruction. J'adressai … celle-ci un au revoir de la main et une d‚licieuse rougeur, teinte colŠre rentr‚e, marqua ses pommettes. Mais elle n'osa pas donner l'ordre de se saisir de ma personne. Plong‚s dans une discussion anim‚e sur les charmes respectifs des beaut‚s c‚libataires de leur tribu, les cinq adolescents que je suivais n'avaient rien remarqu‚. Je lƒchai leur sillage dŠs que nous f–mes plus au centre du camp. Nom d'un claustrophobe extatique d'Ark‚mide, que c'‚tait bon d'aller o— je voulais ! Bon sang, je ne me sentais aucune vocation pour la profession de prisonnier. L'ob‚issance n'a jamais fait partie des perversit‚s auxquelles j'aime m'adonner. Partout, dans les huttes ou devant, et autour des feux, on pr‚parait les c‚l‚brations qui se d‚rouleraient … la nuit tomb‚e. Des sourires, en g‚n‚ral, accueillaient l'‚tranger blanc mais non insecte. Je devinais les questions qui se pressaient derriŠre les regards curieux mais pas une fois on ne les posa. J'appr‚ciai cette courtoisie. La faim m'avait repris et je demandai souvent … go–ter aux mets qui s'alignaient sur des ‚corces d'arbres (il en poussait donc sur cette planŠte), remplissaient les calebasses ou mijotaient dans des pots en terre. La plupart des saveurs me surprirent et certaines me d‚plurent. Mes grimaces provoquŠrent … chaque fois des rires joyeux, surtout de la part des vieilles femmes. Accroupi … c“t‚ d'une mamie ‚dent‚e devant une vaste hutte conique, je savourais une feuille d'un vert presque noir fourr‚e d'une pƒte sucr‚e quand je sentis deux mains soyeuses saisir la mienne. - Tu es bless‚. La fille venait de s'agenouiller prŠs de moi. Ag‚e de vingt-cinq ans environ, elle avait un visage trop lisse et trop rond, … l'expression trop douce aussi peut-ˆtre, pour ˆtre vraiment joli. Elle me souriait et il me semblait l'avoir d‚j… vue. Probablement dans la petite foule qui entourait Cheval Debout au d‚bouch‚ de la faille rocheuse. Les coupures inflig‚es par les ‚cailles de la tunique de Lucy avaient tendance … se rouvrir par intermittence mais elles provoquaient plus une gˆne qu'une v‚ritable douleur. - Ce n'est rien, dis-je. - Entre et je te soignerai, si tu le d‚sires. Pourquoi pas ? J'‚cartai la tenture fermant l'entr‚e de la hutte et p‚n‚trai … l'int‚rieur. Il y r‚gnait une odeur fraŒche de plantes mouill‚es qui me rappela la visite d'un jardin n‚ozen sur Ojimoka. Une bouff‚e d'angoisse et de nostalgie m'‚treignit. Je ne voulais pas finir mon existence ici, coinc‚ sur une seule planŠte. Je voulais retrouver une vie normale, moderne, qui ne soit pas constamment menac‚e par des herbivores … grosses pattes ou des d‚traqu‚s ‚quip‚s d'armes pr‚industrielles. Je levai mon regard vers le trou au sommet de l'‚difice de paille g‚ante et le rond de ciel qu'il d‚voilait. Je prˆtai silencieusement serment de retourner un jour vers l'amas de Newton, quoi qu'il m'en co–te et tant pis si j'avais pris des milliers d'ann‚es de retard sur mes petits camarades. Cette importante c‚r‚monie effectu‚e, j'‚prouvai un colossal soulagement. Debout … c“t‚ de moi, la jeune Indienne attendait patiemment que j'en termine avec ma liturgie en for int‚rieur. Je lui tendis ma paume et elle se mit … la masser d‚licatement avec un onguent qui sentait le grison. Un crƒne de cet animal, entour‚ d'ossements de bestioles plus petites, tr“nait au centre d'un large panier bas. Une sorte d'autel, supposai-je. Des tapis d‚cor‚s de motifs g‚om‚triques de couleurs vives couvraient le sol. D'‚paisses fourrures marrons ‚taient accroch‚es aux parois de la hutte. - Je m'appelle Nuit Tonnante, indiqua mon infirmiŠre. (Un sourire plissait ses yeux lorsqu'elle releva la tˆte. ) Je sais, ce nom ne me va pas. Mais je suis n‚e par une nuit d'orage. - Il va avec celui que m'a donn‚ Lucy... - La femme insecte ? Je souris en songeant … la tˆte qu'aurait faite la susnomm‚e si elle s'‚tait trouv‚e l…. - Oui. - Et comment t'a-t-elle appel‚ ? - Furieux. - Est-ce un nom que tu m‚rites ? - J'essaie mais des fois je fatigue. - Et quel est ton vrai nom ? Je plongeai mon regard dans ses yeux, de grands yeux noisettes. - Alex. Alex Molotov. Elle lƒcha ma main, je devais ˆtre sauv‚. - Le soir tombe, viens avec moi. - O— ? - Tu verras. Elle filait d‚j… et je remarquai la grƒce de ses mouvements d‚li‚s. Que les rondeurs f‚minines sont belles lorsqu'elles bougent. Traversant le campement, je la suivis jusqu'… une amas de gros rochers au bord du plateau. On aurait dit un troupeau d'animaux inachev‚s fig‚s en pleins jeux. A sa demande, j'aidai d'une courte ‚chelle Nuit Tonnante … escalader un ours fossilis‚ au milieu d'une galipette. Une odeur de fum‚e et d'herbe fraŒchement coup‚e impr‚gnait sa robe que des franges d‚cor‚es de perles d'os arrˆtaient juste au dessus du genou. Un peu anxieux, je v‚rifiai d'un coup d'oeil circulaire que les Donjaidraaghoniens ne traŒnaient pas dans ce coin isol‚. Puis je haussai les ‚paules. Et alors, mˆme s'ils traŒnaient, ils n'oseraient pas s'en prendre … ma libert‚. Pas devant t‚moin, au milieu de tous ces gens chatouilleux sur la question. Je me hissai prŠs de mon infirmiŠre. De notre poste d'observation, nous dominions le campement et la plaine. C“t‚ campement, les activit‚s se regroupaient au centre, autour d'un grand brasier o— r“tissaient trois jeunes grisons. C“t‚ plaine, la mer des hautes herbes n'existait plus, d‚vast‚e par l'immense troupeau qui continuait de s'‚couler vers le nord. Il commen‡ait … se clairsemer autour de notre plate-forme. - Ils vont s'arrˆter, me dit Nuit Tonnante. A cet instant, le soleil toucha l'horizon devant nous. Un bruit de fond disparut, un murmure grave que je remarquai soudain parce que je ne l'entendais plus. La horde venait effectivement de stopper. Tous comme un seul homme, prˆts … dormir debout. Au fond, je m'en foutais. Le fait qu'ils aient failli me tuer ne justifiait pas que je consacre ma vie … l'‚tude de ces brouteurs d'hyperpelouse. Je me hissai sur la pointe des pieds. Malgr‚ la puret‚ de l'air, je distinguais … peine sur ma droite l'‚minence o— je m'‚tais pos‚ ce matin mˆme - il y avait beaucoup plus longtemps me semblait-il, surtout si je songeais … la distance que j'avais franchie … pieds. Je discernais surtout mon astronef, minuscule suppositoire embras‚ par le couchant. - D'o— viens-tu ? me demanda Nuit Tonnante. Je la regardai, essayant de d‚tourner la question par une expression de totale incompr‚hension. - J'ai entendu la r‚ponse que tu donnais … notre homme de sagesse, insista-t-elle. Et j'ai vu qu'il l'acceptait comme la v‚rit‚. Pourtant, elle ne veut rien dire. Et voil… d'o— me venaient les attentions de mademoiselle. Pas de mon charme mais de sa curiosit‚. - Me croirais-tu si j'affirmais que je viens du ciel ? - Nous venons aussi du ciel. - Et vous ˆtes arriv‚s cette nuit, comme moi ? Elle fron‡a les sourcils et je vis qu'elle me croyait. La peur brilla dans son regard et elle se d‚tourna. J'attrapai ses ‚paules. - Je t'en prie, ne me laisse pas seul. Je n'ai pas envie d'ˆtre triste. Elle secoua la tˆte mais ses traits s'adoucirent. - Je ne sais pas, seuls les dieux et les esprits vivent au ciel. Et tu n'es pas un dieu. (Elle aper‡ut quelque chose, derriŠre moi, qui la d‚rida. ) Les c‚r‚monies commencent. Viens, nous verrons bien si je reste avec toi. Je courus derriŠre elle. Masqu‚s et vˆtus de costumes couverts de longues franges de paille, des danseurs se baladaient … travers le campement. Agitant une espŠce de grosse cr‚celle qui produisait un ronflement grave, ils passaient de hutte en hutte. Ils entraient dans toutes mais en ressortaient toujours avec un air d‚pit‚. Ils partaient alors … droite, … gauche, ou revenaient mˆme parfois sur leurs pas. Sans oser s'approcher jusqu'… les toucher, un essaim de gamins virevoltaient partout autour d'eux en criant des ® par l…, par l…, suis-moi ! ¯ Mais les danseurs semblaient ne rien entendre. Ils se dirigeaient n‚anmoins insensiblement dans la direction que leur indiquaient les gosses : le foyer central. Et de plus en plus de monde les suivait en ondulant sur rythme lancinant des grosses cr‚celles. Nuit Tonnante m'entraŒna dans la foule. Je me sentais tarte dans mes serpilliŠres donjaidraaghonniennes, j'ai l'habitude de me saper plus classe pour les c‚r‚monies. J'aurais bien emprunt‚ la tenue d'un de mes h“tes. Ces d‚corations de perles, de petits cailloux et de coquillages auraient fait un tabac dans une discothŠque d'Alfantas. En particulier … cause du bruit qu'elles produisaient lorsqu'on les secouait. Je commen‡ais … diff‚rencier les styles de parures, propres … chaque tribu probablement. Ils se mˆlaient librement dans la masse en liesse. Les danseurs se d‚brouillaient d'ailleurs pour ‚parpiller les groupes d'un mˆme clan s'ils en rep‚raient un. Pas d'apart‚ ce soir, brassage obligatoire. La nuit achevait de tomber lorsque nos guides ‚bouriff‚s nous conduisirent … la vaste arŠne circulaire autour du grand feu. Une lune anodine pointait une fesse … l'horizon. Le ciel me d‚prima. Trois ‚tincelles rikiki se couraient aprŠs, rien de comparable avec les tapis d'‚toiles du centre de la galaxie. Les agitateurs de fanfreluches atteignirent le bord du foyer. Ils poussŠrent alors un immense cri de joie et aspergŠrent les m“mes de confiseries. Le hurlement qui jaillit tout autour de moi me fit sursauter de surprise. Tout le monde tr‚pignait en clamant son all‚gresse. Et comme les autres, Nuit Tonnante beuglait … s'en arracher les cordes vocales tout en tendant les bras vers le firmament comme si elle esp‚rait en d‚crocher les astres an‚miques qui y jouaient aux quatre coins. A moins de passer pour un rustre, je ne pouvais que l'imiter. J'agitais donc mes mimines dans l'air frais tout en yodlant avec l'enthousiasme d'un choriste n‚obavarois d'Ostereich III. La foule se d‚chaŒnait. Sautant d'un pied sur l'autre, Nuit Tonnante se mit … tournoyer sur elle-mˆme. Je la perdis de vue. On se pressait, autour de ce feu, pire que dans un ascenseur public de Nouvelle Paris … l'heure de pointe. Pour la chercher, je me mis moi aussi … tourner sur moi-mˆme. Je me d‚pla‡ais au hasard dans la foule. Ma trajectoire virevoltante me fit sortir de la masse des danseurs. Je tombai droit dans les bras de deux insectes Donjaidraaghoniens. Ils avaient d– me rep‚rer et guetter le moment propice car ils n'eurent pas une h‚sitation : ils m'agrippŠrent les ‚paules et me poussŠrent vers l'entr‚e d'une hutte. Mais je n'avais pas l'intention de me laisser faire. Je me jetai en avant, effectuai une roul‚-boul‚ dans la poussiŠre et enchaŒnai d'une pirouette. Le sbire de droite se pr‚cipita un tout petit plus vite que son camarade. Je profitai de l'‚lan, m'‚levai. Mon pied jaillit et mon talon lui ‚crasa la glotte. Il partit en arriŠre en imitant le cri de l'aspirateur en rut. En homme avert, son copain approcha plus prudemment, bras ouverts et dos rond dans une attitude de lutteur. Il mesurait facilement dix centimŠtres de plus que moi et exhibait des biceps gros comme mes cuisses. Il se m‚fiait mais ne s'inqui‚tait que trŠs mod‚r‚ment. J'eus l'air de vouloir bondir … nouveau et de rater mon ‚lan. Il se jeta en avant pour me saisir … la taille. Je mis une telle hargne dans mon coup de tˆte que le choc propulsa des taches rouges devant mes yeux. Mon adversaire devait avoir droit … une v‚ritable supernova. Il poussa d'ailleurs le grognement de l'astronaute en pleine supernova et tomba mollement … genoux. Je me redressai empli d'une profonde satisfaction malgr‚ un l‚ger retour de gueule de bois. Non mais, ces ploucs y r‚fl‚chiraient … deux fois, d‚sormais, avant de s'attaquer … un acrobate professionnel adepte d'arch‚o-karat‚ et ‚cumeur de bars mal fam‚s. Et ils apprendraient … montrer plus de respect envers les petits secs teigneux. - Int‚ressante d‚monstration, constata dans mon dos un jolie voix rauque charg‚e d'une trŠs trŠs grosse colŠre trŠs trŠs froide. Je me retournai lentement. Nous ‚tions dans la p‚nombre, hors du cercle ‚clair‚ par le feu o— se tenaient les r‚jouissances. Personne ne semblait nous remarquer et je voyais mal quel genre de cri pousser qui s'entendrait dans le vacarme ambiant. Blˆmes dans la lumiŠre pƒle de la lune, les huit copains des amoch‚s me fixaient avec une bienveillance qui r‚jouissait mon petit coeur en mal d'affection. Leur chef, au milieu, m'adressait le genre de regard qui avait d– coller une crise cardiaque au dragon dont elle portait la peau. Je lui adressai la r‚v‚rence de l'artiste flatt‚ et attendis qu'il se passe quelque chose. - Tu nous as menti en te pr‚tendant amn‚sique mais tu parais beaucoup mieux dispos‚ envers ce sauvages. Leur as-tu r‚v‚l‚ la raison de notre pr‚sence sur leurs terres ? Je m'approchai jusqu'… me planter devant elle, ignorant le groupe mena‡ant qui se refermait autour de moi. Je plongeai mon regard dans ses yeux verts tout cr‚pitant d'intentions meurtriŠres. - J'ai dit que je t'emmŠnerai l… o— je vais et je tiendrai parole. A une condition. - On ne pose pas de condition … une Macyntire. - Si, moi j'en pose. Je ne suis pas un de tes larbins, ou de tes serfs, ou de tes paillassons, ou je ne sais comment tu appelles tes insectes. - Tu paieras cet affront de ta vie, grogna la voix de Gurth tout prŠs de mon oreille. Je frappai au jug‚ mais atteignis mon but. Il ‚touffa un hurlement de douleur, ‡a fait toujours mal un doigt de pied ‚cras‚. - Tu vas trop loin, ‚tranger ! cracha Lucy. - Tu te trompes, je ne vais nulle part si vous continuez … me traiter comme un prisonnier. Elle ne daigna pas r‚pondre. - Emmenez-le dans la case ! lan‡a-t-elle n‚gligemment en se retournant avec toute la majest‚ d'un seigneur. De grosses pognes sans douceur m'attrapaient d‚j…. - Qui ose porter la main sur un h“te des hommes libres ? La question cr‚a une faille dans le continuum : le temps s'arrˆta et l'espace s'emplit de statues. Je d‚cidai de remettre l'univers en route. Je commen‡ai par me d‚gager des robustes paluches puis m'‚criai : - Tu tombes bien Nuit Tonnante. Mon amie Lucy, ici pr‚sente, et ses amis, me demandaient de leur expliquer le sens de votre danse. Ce que je me trouvai bien en peine de faire. Peux-tu ‚clairer leur lanterne ? Trois silhouettes se d‚tachaient contre la lumiŠre du feu. La plus petite approcha. - Avec plaisir, r‚pondit Nuit Tonnante. A contrecoeur, Lucy fit demi-tour. Les deux d‚t‚rior‚s se glissŠrent discrŠtement derriŠre leurs camarades. - Je vous en remercie, grin‡a le seigneur Macyntire. - Cette danse raconte l'arriv‚e du peuple sacr‚ sur le monde, sa quˆte pour trouver un trou dans le ciel o— descendre ensemencer la terre, puis sa joie en d‚couvrant que les dieux avaient cr‚‚ pour lui un endroit aussi beau. Vous ne devriez pas manquer la suivante, elle raconte la naissance du peuple insecte. - Nous sommes trop las, j'en ai peur, siffla la voix de Lucy. Je ne la laissai pas s'en tirer comme ‡a. - Allons, vous ne pouvez pas rater ‡a. Je l'attrapai pr‚cautionneusement par le coude. Elle r‚prima un sursaut et ses sbires fr‚mirent. Mais personne n'osa protester. Je l'entraŒnai et elle suivit, la d‚marche aussi souple que si l'on venait de lui souder les f‚murs aux rotules. DerriŠre, Nuit Tonnante avait bien du mal … ne pas rire. Nous passƒmes devant les deux hommes qui l'avaient accompagn‚e, Cheval Debout et de un ses copains. Ils me regardaient d'un dr“le d'air. - Nous n'admettons ni disputes ni bagarres pendant les fˆtes du r‚veil d'Ipesha, ‚tranger, dit Cheval Debout. Ne l'oublie pas ! J'‚tais en train de me faire tout plein d'amis sur ma nouvelle planŠte. CHAPITRE VI Le peuple libre avait connu bien des soucis avec le peuple insecte … en juger aux combats mim‚s par les danseurs et aux psalmodies des hommes de sagesse qui chantaient la tradition en tapant sur de larges tambours plats. Debout contre moi, Nuit Tonnante me traduisait les passages les plus obscurs. Si ses ancˆtres avaient bien accueilli ceux de l'orageuse Lucy, lorsqu'ils ‚taient sortis des oeufs transparents des caissons d'hibernation, ils avaient vite regrett‚ leur tranquillit‚ d'antan. En effet, … leurs yeux, leurs nouveaux voisins blessaient Ipesha, la d‚esse Terre, avec leurs constructions, leurs routes et leurs d‚frichages. Comme en plus les nouveaux arrivants supportaient mal les remarques, les incidents violents se multipliŠrent. Ipesha punit alors ceux qui l'offensaient par ces combats. Elle envoya la mort blanche. L'‚pid‚mie d‚cima les deux populations. Les Indiens survivants se retirŠrent dans les vastes steppes du nord du continent. Ils pr‚f‚raient abandonner le littoral aux vandales plut“t que de courir le risque de nouveaux affrontements. Les g‚n‚rations se succ‚dŠrent et, peu … peu, les tribus retrouvŠrent leur nombre d'antan. La paix et l'harmonie r‚gnŠrent. Une fois de plus, ce furent les Donjaidraaghoniens qui les brisŠrent. Ils se mirent … effectuer des razzias chez leurs voisins. Ces exp‚ditions n'avaient qu'un but : capturer des esclaves. Un acte intol‚rable pour ceux qui s'appelaient les hommes libres. Ils s'unirent et d‚ferlŠrent sur les fiefs. Autour du feu, danseurs et sorciers narraient une ‚pop‚e mouvement‚e riche en hauts faits d'armes. Il n'y avait eu que peu de v‚ritables combats, affirma n‚anmoins Nuit Tonnante. Les seigneurs avaient reconnu leurs torts tout de suite. Plus exactement, chaque seigneur, se jurant lui-mˆme innocent, avait reconnu les torts de ses pairs. La trˆve demeurait fragile depuis et Indiens comme Donjaidraaghoniens se d‚testaient souverainement et ‚vitaient le territoire de l'autre. Cette quˆte du graal devait donc avoir une sacr‚e importance pour que Lucy vienne se risquer dans les parages sur la foi d'un simple rˆve. Au milieu de son escorte, l'imp‚rieuse assistait au spectacle … quelques mŠtres sur notre gauche, pi‚g‚e par la pr‚sence de Cheval Debout dans son dos. Les ‚cailles de son pyjama refl‚taient les rougeurs sinueuses des flammes. Je trouvais ‡a de plus en plus joli, le dragon. Et je me demandais de plus en plus … quoi ressemblait la bˆte, vivante. La fr‚n‚sie de la badine, contre la jambe de la belle, r‚v‚lait une exasp‚ration que je ne pus m'empˆcher d'aller attiser. - Une histoire int‚ressante. Vous la connaissiez s–rement ? - Ces sorciers oublient l'essentiel. Nous avions besoin d'hommes pour arrˆter l'invasion du peuple de la mer. Ces lƒches nous ont laiss‚ nous battre seuls. - Tu avais quel ƒge ? Il y avait encore plus de m‚pris que de colŠre dans la voix de la gamine lorsqu'elle r‚torqua : - Qu'as-tu accompli qui te permette de te moquer du sacrifice des anciens ? Mon arriŠre-arriŠre-grand-pŠre, Arthur Macyntire, et presque tout son clan, a p‚ri en repoussant les voleurs d'ƒmes venus de l'oc‚an. Je soutins son regard. Sa chevelure rousse flambait autour de son visage chiffonn‚ par la colŠre. - Je ne me moque pas des morts. Juste des vivants qui se drapent dans leurs prouesses pour se pr‚tendre sup‚rieurs. Le coup porta, elle ne r‚pondit rien. Je ne lui en laissai de toute maniŠre pas le temps. J'en avais marre d'ˆtre s‚rieux. Je rejoignis Nuit Tonnante. EntraŒn‚e par le rythme des tambours, elle dansait sur place. AprŠs celui des p‚rip‚ties guerriŠres, les narrateurs avaient entam‚ le r‚cit des r‚jouissances qui avaient suivies la victoire. Une fˆte qui co‹ncidait avec la grande c‚l‚bration du printemps : le r‚veil d'Ipesha. La c‚r‚monie d'aujourd'hui visait d'ailleurs … reproduire cette bamboula historique. Les femmes d‚voilŠrent la nourriture pr‚par‚e pendant toute la journ‚e. J'attrapai mon h“tesse par la main et per‡us son r‚flexe de recul. Je r‚alisai que je n'avais vu aucun couple se balader ainsi depuis mon arriv‚e dans le camp. A chacun ses traditions. Je me demandais quelles ‚taient celles de ce peuple de la mer dont avait parl‚ Lucy. Et combien il pouvait bien y avoir encore de ces ramassis de dingues … infester la planŠte. Une cons‚quence de ce que m'avait racont‚ Oph‚lIA commen‡ait … m'apparaŒtre. Elle avait atterri ici aprŠs avoir explor‚ en vain un paquet de systŠmes solaires des environs. Pourquoi serait-elle le seul vaisseau, ou groupe de vaisseaux, … avoir rencontr‚ ce problŠme ? Manquant d'autres mondes vivables disponibles, tous les allum‚s partis dans ce coin des Confins se retrouvaient peut-ˆtre sur la mˆme boule de glaise. La premiŠre surprise pass‚e, Nuit Tonnante avait laiss‚ sa main dans la mienne. La serrant, je m'approchai d'une hutte basse en forme de demi sphŠre aplatie. C'‚taient les brochettes de grison expos‚es devant sur un ‚tal d'herbes tress‚es qui m'attiraient. J'en saisis une pour elle, une pour moi. Elle avait des dents blanches et r‚guliŠres, des quenottes de gourmande. Ses yeux brillaient quand elle les planta dans la viande. Tout autour de nous l'atmosphŠre s'‚chauffait. Les danses devenaient de moins en moins c‚r‚monielles. Je remarquai que Lucy et son escorte profitaient du changement d'atmosphŠre pour se fondre dans la p‚nombre. Un seigneur ne devait pas juger ces ripailles de sauvages digne de son rang. Quelqu'un passa un bol taill‚ dans une coque de fruit … ma compagne. Elle prit un air grave pour boire. - Le sang d'Ipesha, m'informa-t-elle en me tendant le r‚cipient. Je go–tai d'une papille prudente. La liqueur avait un dr“le de go–t, une saveur de pƒtisserie. Ce qui ne l'empˆchait pas d'ˆtre coriace. Je sentis la chaleur de l'alcool br–ler mon oesophage. Je repassai le bol … Nuit Tonnante. Elle but sans me quitter des yeux puis me le tendit … nouveau. Je le gardai un moment … la main. L'ambiance changeait de plus en plus. De nouveaux danseurs costum‚s avaient fait leur apparition. Des couples vˆtus de tuniques r‚duites … l'‚tat de bandelettes, portant des masques rituels grima‡ant d'une extase surhumaine. L'obsc‚nit‚ de leurs contorsions rabaissaient les gogo-girls des lupanars de Buck City au rang d'innocents oisillons. Le son des tambours avait ‚galement ‚volu‚. Plus rond, plus sourd, il s'appuyait sur un rythme qui me donnait l'impression d'entendre mon sang battre … mes tempes. Mais peut-ˆtre l'entendais-je vraiment ? Je sentais bien ma peau commencer … se h‚risser, parcourues d'aga‡antes d‚charges ‚lectriques. Mes veines ‚galement s'‚taient mises … faire des leurs. Elles semblaient transporter un cocktail qui n'‚tait pas celui dont j'avais l'habitude mais un fluide beaucoup plus chaud et p‚tillant. Un fluide, surtout, hautement ‚nerg‚tique. Et cette ‚nergie marquait une nette tendance … se concentrer au centre de ma personne. Je humai la liqueur au fond de la coque de fruit. On aurait vraiment dit l'odeur d'une crŠme … la vanille. - Qu'est-ce que c'est ? demandai-je … Nuit Tonnante. Ses pupilles s'‚taient agrandies et elle paraissait, elle aussi, bouillonner de l'int‚rieur. - Tu n'es pas oblig‚ de boire, r‚pondit-elle. Je vidai d'un coup l'aphrodisiaque et jetai le bol vers le ciel avec un cri de triomphe. Je me retrouvai dans mon ‚l‚ment : la fˆte. Hurlant pour que les danseurs s'‚cartent, j'effectuai une s‚rie de sauts de main avant que j'achevai par un salto au ras du feu. Un coup contre mes fesses faillit m'envoyer dans les flammes. On me retint, je me retournai. L'une des femmes au masque grima‡ant de plaisir frottait contre le mien son ventre d‚nud‚ par les bandelettes comme si elle allait me culbuter dans les braises pour me violer illico. Sans cesser de se tr‚mousser, elle s'accroupit lascivement, ses seins zigzaguant partout sur ma personne. J'avais chaud dedans, je mis en plus … griller c“t‚ pile et … m'enflammer c“t‚ face. L'incendiaire m'abandonna soudain pour fondre sur une autre proie. Nuit Tonnante ‚tait entr‚e dans le cercle des danseurs. Elle se dirigeait vers moi mais sans se presser, prenant le temps de se frotter … tous les mƒles qui traŒnaient sur son chemin. Le battement des tambours me martelaient les tempes. Le sang d'Ipesha s'impatientait dans mes artŠres. Partout dans la lueur des flammes, hommes et femmes se tournaient autour avec des contorsions plus ‚rotiques encore que s'ils avaient vraiment fait l'amour. Regarder Nuit Tonnante s'enrouler autour d'autres gars que moi ne devenait plus supportable. Je me suis jet‚ en avant pour tomber … genoux devant elle. J'agrippai ses cuisses et pressai mon visage contre son ventre. Son pubis continua … danser contre mon nez comme si elle ‚tait incapable de contr“ler les mouvements de son bassin. Ses mains attrapŠrent mes cheveux, for‡ant ma tˆte en arriŠre. - Veux-tu venir avec moi ? Quelle question ? Nous sommes entr‚s dans la premiŠre hutte que nous avons trouv‚e vide. Et nous avons laiss‚ le sang d'Ipesha prendre le contr“le de nos corps. Jamais je n'avais connu cela, l'impression que nous explosions tous deux en une unique boule de feu. Nous nous sommes bien amus‚s ensuite sur les tapis et dans les fourrures. Nous avons jou‚ longtemps comme des gosses - enfin, de grands gosses - ‚chappant aux caresses de l'autre pour nous cacher dans la p‚nombre, nous retrouvant … tƒtons, livrant de joyeuses mˆl‚es pour contenir les tentatives de fuite. Nuit Tonnante ‚tait vive, douce, tiŠde, ronde. Elle avait un trŠs joli rire de plaisir. La tendresse nous a submerg‚s juste avant le sommeil. Je me suis r‚veill‚ comme j'aime : pelotonn‚ dans une odeur de femme. Ma tˆte reposait sur la cuisse de la jeune Indienne qui me caressait les cheveux. - Je dois partir, Alex, a-t-elle dit. - Oui, ai-je murmur‚. Mais j'ai enfonc‚ mon nez dans sa toison noire et boucl‚e. - Les fˆtes du r‚veil d'Ipesha sont termin‚es. Je dois rejoindre mon mari et ma tribu. Les grandes chasses de printemps commencent. - Oui, ai-je r‚p‚t‚. Mais rien n'avait d'importance en dehors de sa peau soyeuse contre mon oreille, de la courbe des hanches que je retenais dans mes bras, du contact des poils souples contre mon visage et des doigts fins peignant ma chevelure. Je me suis rendormi dans ma bulle de bonheur. Le genre de bulle qui ne dure pas. Un coup de badine l… o— ‡a fait mal envoya la mienne voler en ‚clats. - Habille-toi ! a siffl‚ la voix du seigneur Lucy Macyntire. Pour ob‚ir, il aurait fallu que j'arrive … me d‚plier d'autour de mon sexe. Nom d'Ipesha, qu'il me br–lait ! - T'as entendu ? a grinc‚ Gurth en m'encourageant d'un coup de pied. - Qu'attends-tu ? a rench‚ri une voix enrou‚e. Celle d'un de mes adversaires de la veille … en juger … l'enthousiasme avec lequel il me savata … son tour. A ce signal, tous ses copains entrŠrent dans la danse. Pendant d'interminables minutes, il n'y eut plus que les chocs sourds des coups et la souffrance qui jaillissait de toutes parts. Et les g‚missements de douleur qui explosaient au fond de moi, plus violents que des cris. Et toute ma volont‚ tendue vers un seul but : les contenir. - Assez ! a lanc‚ Lucy et j'aurais pu lui baiser les pieds de reconnaissance. Regarde-moi, ‚tranger ! Gurth ne m'a pas laiss‚ le temps d'obtemp‚rer. Il m'a attrap‚ par les cheveux, soulevant jusqu'… ce que je me retrouve … genoux, visage lev‚ vers l'autoritaire gamine. - Tes ® amis ¯ sont partis sans toi, ‚tranger. (Elle a brusquement souri. ) Mais ce surnom ne te va plus. Tu as un nom. Un nom dont tu te se souviens. Elle a attendu. Plus une fourrure, plus un tapis dans la hutte. Les Indiens avaient gentiment pris garde … ne pas me r‚veiller en d‚m‚nageant. - Molotov, j'ai chuint‚. Alexan... Elle m'a arrˆt‚ d'une petite tape de badine sur la joue. - Tu n'es pas un seigneur, n'oublie pas. Molotov suffira. Et maintenant, Molotov, tu vas nous dire d'o— tu viens. L…, moi aussi j'ai souri. - Je descends tout droit du ciel. La foudre s'est mise … cr‚piter dans ses yeux verts. - Je ne plaisante pas, Molotov ! - Mais moi non plus. Je suis venu dans l'astronef... (Je vis que le mot ne lui ‚voquait rien, cherchai autre chose en vain. ) Dans le... Dans le machin … descendre du ciel qui se dresse toujours sur la colline o— vous m'avez mis la main dessus. - Tu es descendu du ciel dans la tour pointue ? Elle avait compris, mˆme si je trouvais personnellement Oph‚lIA plus ventrue qu'effil‚e. - Oui. - Tu mens ! a grinc‚ Gurth, toujours aussi magnanime. - Les tours pointues ne volent pas, a ajout‚ Lucy d'un ton toutefois moins affirmatif. De saisissement, je suis rest‚ le bec clou‚ quelques secondes. Ils avaient d‚j… vus des vaisseaux spatiaux ! Puis je me suis mentalement tap‚ du plat de la main sur le front. Bien s–r, j'aurais d– y penser tout seul. Quelle que soit leur origine, leurs lointains ancˆtres n'avaient pas franchi les ann‚es lumiŠre en l‚vitation. Et il avait bien fallu qu'ils laissent leurs v‚hicules en ‚ternox quelque part. - Voil… pourquoi je t'ai menti, expliquai-je … la vamp en dragon. Tu ne m'aurais pas cru. - Et pourquoi le devrais-je maintenant ? Mon sourire s'‚largit. - Parce que tu as exig‚ la v‚rit‚. Et la v‚rit‚ c'est que je suis venu du ciel dans une tour pointue et que celle-ci, comme les autres que tu connais, ne peut plus repartir d‚sormais. - Et qu'est-ce qui t'amŠne … Donjaidraaghon ? - Rien. Un homme m'y a envoy‚ contre mon gr‚. (Elle fron‡a les sourcils. J'‚cartai les mains avec une grimace innocente.) Il me d‚testait et a profit‚ de ce que j'avais trop bu. - Mais alors, comment peux-tu me conduire vers le graal ? Elle s'en foutait, au fond, de tout ce que je venais de lui raconter. Seule comptait son id‚e fixe. - Je ne sais pas si je peux te conduire vers l'objet de ta quˆte. Je ne peux que te laisser m'accompagner dans la mienne. Je cherche ce que dans mon monde, on appelle une pile … fusion. Dans le tien, on consid‚rerait probablement cela comme une source de puissance. - Parle-moi de ton monde. Je ne me voyais pas aborder un sujet aussi vaste pour l'instant. Et puis je commen‡ais … avoir moins mal et … trouver que j'avais suffisamment fait l'humble comme ‡a. J'estimai mˆme avoir ‚puis‚ d'un coup les ressources d'humilit‚ molotovienne de plusieurs d‚cennies. J'exprimai le fond de ma pens‚e : - J'ai assez parl‚ … genoux comme cela, je ne suis pas un de tes larbins. Et si tu n'es pas contente, tu n'as qu'… leur demander de se remettre … cogner. Je per‡us le fr‚missement des larbins. Leur maŒtresse, elle, se fendit d'un sourire narquois. - En fin de compte, je vais peut-ˆtre continuer … t'appeler Furieux. De toute maniŠre, il n'est plus temps de parler, nous devons nous remettre en route. Habille-toi ! Gurth me hissa par les cheveux. J'aimais de plus en plus ce type. CHAPITRE VII Et c'‚tait reparti ! Les grisons nous avaient bien d‚gag‚ le terrain. Ils n'avaient rien laiss‚ des gramin‚es g‚antes qui cachaient le ciel la veille et nous obligeaient … zigzaguer. Pas mˆme un petit paillasson ici ou l…. Les malheureux rel‚gu‚s en queue de horde avaient tout ras‚. Du moins tout ce que n'avaient pas pi‚tin‚ les grosses pattes de leurs pr‚d‚cesseurs. Les grosses pattes avaient de surcroŒt joyeusement malax‚ le sol d‚tremp‚ par la pluie, histoire de bien y incorporer les grosses bouses lƒch‚es par les gros anus. R‚sultat : nous avancions dans une boue malodorante que survolaient des nuages de mouches. Je ne me demandai mˆme pas si ces derniŠres ‚taient d'origine indigŠne ou un glorieux souvenir du patrimoine g‚n‚tique de la Terre. La question n'avait pas d'int‚rˆt. A ma connaissance, il n'existait aucun ‚cosystŠme propice … la survie de l'homme o— ne s'‚tait d‚velopp‚ avant lui toute une gamme d'animalcules velus, ail‚s et pleins de pattes. Et je ne pouvais rien faire pour me d‚barrasser de ceux qui batifolaient sur ma sueur, j'avais de nouveau les mains li‚es dans le dos. Pour plus de s–ret‚, une corde entravait ‚galement mes pieds. A peine assez longue pour me permettre d'arracher mes sandales de la gadoue, elle transformait la marche en un v‚ritable calvaire. Si j'en croyais mon sens de l'orientation, nous avancions … peu prŠs dans la bonne direction. Droit vers le futur coucher de soleil. Dans combien d'heures l'heureux ‚v‚nement ? Au moins autant que depuis notre d‚part et je ne voyais pas comment je pourrais survivre aussi longtemps … l'‚puisement. Nous arrivions au sommet d'une de ces molles ondulations qui semblaient couvrir toute cette foutue planŠte. TrŠs trŠs loin devant moi, le terrain paraissait remonter et se h‚risser de rochers blancs. Un voile de brume interdisait toutefois d'en jurer. TrŠs loin sur ma droite, un haricot luisait sereinement sur une ‚minence rocheuse. Oph‚lIA. Au loin sur ma gauche, les grisons poursuivaient dans un grondement sourd leur migration vers un horizon rectiligne. Des petits groupes de taches de couleur les talonnaient, les Indiens. Juste derriŠre moi, … mon grand regret, Lucy Macyntire et ses col‚optŠres pataugeaient avec all‚gresse dans l'engrais naturel. Je m'arrˆtai, me retournai. Une op‚ration d‚licate … effectuer les pieds entrav‚s et enfonc‚s jusqu'aux chevilles dans le limon. Courbatures et souvenirs du passage … tabac s'associaient pour me donner mal partout. - J'ai soif, fit l'espŠce de machin rauque qui avait pris la place de ma voix. Neuf sous-fifres se tournŠrent vers Gurth. Il regarda sa maŒtresse. Elle hocha briŠvement la tˆte. Il en fit de mˆme en fixant un de ses gars. Lequel approcha de moi avec sa gourde. On a le sens de la hi‚rarchie ou on ne l'a pas. - J'ai faim et j'ai besoin de me reposer, poursuivis-je une fois d‚salt‚r‚. - Ne recommence pas, a r‚pondu Lucy mais sans s'‚nerver. Nous ne toucherons … nos r‚serves qu'en tout dernier recours et nous n'en sommes pas encore l…. Nous allons essayer de trouver du gibier avant cela. C'‚tait la troisiŠme fois depuis notre d‚part, ce matin, que nous avions cette discussion mais mon estomac n'arrivait pas … trouver le sujet ennuyeux. Je le laissai s'exprimer : - Non, mais vous avez vu ce qu'ont laiss‚ les grisons derriŠre eux ? Nous ne d‚couvrirons rien … chasser avant d'ˆtre sortis de cette plaine. Et ‡a, ‡a va prendre des semaines si on ne me d‚tache pas les pieds. - On continue, lƒcha la chef scout sans s'‚mouvoir. Sans un mot, deux de ses sbires m'attrapŠrent chacun sous un bras et commencŠrent … me traŒner. Je savais, parce qu'ils avaient d‚j… agi ainsi, qu'ils ne se lasseraient pas. Ils me serraient contre leurs cuirasses, ce qui allait vite devenir douloureux. Le premier caillou cach‚ dans la boue heurta mes orteils. - C'est bon, c'est bon ! c‚dai-je. Je repris mon p‚nible dandinement. Jur‚, si je sortais vivant de cette histoire, je cessais de boire et de jouer aux cartes. Et je me convertissais … l'homicide. Cette planŠte grouillait de gens dont l'assassinat remplirait agr‚ablement mon temps libre. Mon estomac se trompait : du gibier nous attendait beaucoup moins loin qu'il ne l'avait pr‚dit. En fait, dŠs la deuxiŠme cuvette creus‚e sur notre route ondulatoire. Un ‚norme grison, un v‚ritable mastodonte, s'y ‚tait enlis‚ dans une poche de sables mouvants. Un piŠge peu profond car sa tˆte et son corps en ‚mergeaient toujours. Du moins ce qu'il en restait. Une dizaine d'animaux ail‚s se disputaient sa carcasse. Il ne s'agissait pas de v‚ritables oiseaux mais de bˆtes comme je n'en avais jamais vues. Parmi les espŠces que je connaissais, c'‚tait … des chauves-souris qu'elles ressemblaient le plus avec leur corps noir et glabre. En version g‚ante : l'envergure d'un homme, dot‚es de grandes serres puissantes et de crocs ac‚r‚s de carnivores. Se d‚couvrir mutuellement provoqua des r‚actions diff‚rentes dans les deux groupes soudain en pr‚sence. Sur un ordre sec de la femelle dominante, celui des anthropo‹des s'arrˆta au haut de la butte d'o— il surplombait la scŠne. Je tombai assis par terre. Celui des reptiles charognards pr‚f‚ra d‚coller avec des roucoulements ‚trangement harmonieux. Un temps d'observation suivit pendant lequel les humains r‚ussirent … r‚sister … la puanteur qu'exhalaient par bouff‚es les viscŠres du grison. Les volatiles eurent plus de mal. Comme nous ne bougions pas, ils c‚dŠrent peu … peu … ses appels enivrants et laissŠrent les cercles qu'ils tra‡aient dans le ciel les rapprocher de la source du fumet. Le plus audacieux se posa sur la gigantesque d‚pouille. Ce qui persuada aussit“t ses cong‚nŠres qu'il allait tout bouffer. Deux archers profitŠrent de la mˆl‚e pour avancer de quelques mŠtres. Une roucoulade d'avertissement renvoya illico les zoziaux dans l'azur. Ce petit manŠge recommen‡a trois fois. A la quatriŠme, nous avions … manger. Et mˆme de quoi faire cuire notre nourriture. Les sables mouvants, autour du cadavre, avaient en effet empˆch‚ la mar‚e v‚g‚tarienne de raser les touffes d'herbes qui y croissaient. Allez savoir pourquoi, je fus celui qu'on envoya, encord‚, finir de les ratiboiser. En r‚compense, une fois la corv‚e achev‚e, Lucy me laissa les mains simplement entrav‚es plut“t que li‚es dans le dos. J'observai son manŠge avec les pt‚rix, nom officiel de nos futurs casse-cro–te. Comme la veille, pour le grison, ce fut elle qui les vida. L'op‚ration suivait un rituel ‚labor‚. L'un de ses hommes, du nom de Linton, lui pr‚sentait tout d'abord un petit poignard qu'il gardait dans son paquetage, enferm‚ dans un ‚crin de bois sculpt‚. Lucy s'en servait pour ouvrir l'animal. Elle ‚tudiait alors longuement la masse des viscŠres r‚v‚l‚e par l'incision. Puis en pr‚levait quatre fragments qu'elle jetait aux quatre points cardinaux en marmonnant des formules incompr‚hensibles. Vraiment incompr‚hensibles, mˆme quand les autres les reprenaient en choeur. Je ne connaissais pas cette langue. Ce n'‚tait pas de l'universel ni rien qui lui ressemblƒt. Je dois avouer que malgr‚ l'int‚rˆt ethnologique de la c‚r‚monie, je trouvais surtout qu'elle retardait le moment de passer … table. Et puis, pendant qu'ils c‚r‚moniaient, les Donjaidraaghoniens lambinaient sur les tƒches domestiques. Comme allumer le feu, par exemple. La boue qui me couvrait jusqu'au cou et imbibait mon espŠce de pyjama me prot‚geait peut-ˆtre des mouches mais elle me gla‡ait jusqu'aux os. Enfin, l'enterrement des tripes des pt‚rix acheva le service religieux et je pus tendre mes membres encro–t‚s vers de maigres flammŠches. Je me sentais complŠtement vide. L'‚puisement et le fait de savoir ma propre impr‚voyance responsable de mon sort actuel ne me laissaient mˆme pas ‚prouver de la colŠre envers mes bourreaux. Je n'avais de tout maniŠre plus assez d'‚nergie pour chercher … leur r‚sister. Et ‡a ne me r‚voltait pas. J'‚tais en train d'accepter ma docilit‚ ! Quand Lucy donna l'ordre de lever le camp aprŠs un repas trop bref, je me levai sans rousp‚ter. Sans mˆme y penser. Bon sang, jusqu'o— dans l'abrutissement allais-je descendre encore ? Je descendis loin. Tellement loin qu'heureusement, je ne m'en rendais pas compte. Quand le soleil commen‡a … m'aveugler en s'approchant de l'horizon, je gardais moins de conscience qu'une machine de l'Šre pr‚informatique. La souffrance oblit‚rait tout. Je n'‚tais plus que cela, une pierre dure de souffrance dot‚e d'… peine assez d'intelligence pour traŒner un pied devant l'autre. Je n'avais mˆme pas remarqu‚ le changement de paysage. Finie la mer molle de gadoue. Nous nous ‚levions en pente douce sur un sol de plus en plus rocailleux. Les grisons ‚taient pass‚s par l…, ne laissant rien de vivant au dessus du sol, mais des rochers, de temps … autre, se dressaient pour varier le d‚cor. Les rochers se resserrŠrent, sur notre droite, puis s'amalgamŠrent en une v‚ritable falaise. Nous avons march‚ longtemps dans son ombre. Puis nous avons atteint le d‚bouch‚ d'un torrent qui avait creus‚ une ‚troite vall‚e dans le calcaire. Lucy ordonna de s'arrˆter. Je tombai comme un sac. Elle s'accroupit devant moi et me posa une question. Celle-ci ne parvint pas … franchir la douleur. Penser, comprendre, ‚tait inconcevable. Elle fit un signe. On me pressa quelque chose contre les lŠvres. De l'eau me coula sur le menton, dans la gorge. Elle avait pris mon visage entre ses mains et plongeait ses yeux verts dans les miens. Ses gants ‚taient rˆches contre mes joues mal ras‚es. Et cette putain de conscience revenait. Je voulais pas mais y avait pas moyen de l'empˆcher. Je suis redevenu moi-mˆme d'un coup. Comme de naŒtre avec les souvenirs d'un homme de trente ans... Dans un corps plong‚ dans une friteuse. Le cri n'est pas sorti. Pas mˆme sous forme de g‚missement. Mais pas parce que je le contenais. Juste parce que je n'avais pas la force de le pousser. Elle a repos‚ sa question : - Quelle direction devons-nous prendre, Molotov ? Pourquoi elle me demandait ‡a ? Puis ‡a m'est revenu. Le graal, la pile … fusion. J'ai ouvert la bouche mais j'avais les cordes vocales flagada. La belle a approch‚ son oreille. - Demain, j'ai murmur‚. Le seigneur Macyntire a recul‚ sŠchement sa tˆte rousse, des ‚clairs plein le regard. Puis son visage s'est adouci. - D'accord. Nous allons passer la nuit ici. Elle s'est lev‚e et je l'ai entendue qui ordonnait : - Linton, Flinch, occupez-vous de lui ! Il est … bout, lavez-le et passez-lui des vˆtement secs. Et regardez ses plaies aux chevilles. Je ne veux pas qu'elles s'infectent. Des plaies ? J'ai baiss‚ les yeux. La corde qui m'entravait avait mordu dans la chair. Un serpent glac‚ s'est gliss‚ dans ma gorge puis a serr‚ ses anneaux autour de mes intestins. Ces vilaines blessures encro–t‚es de sang et de boue avaient tremp‚ dans la merde tout l'aprŠs-midi, grandes ouvertes … tous les bacilles, bact‚ries et autres saloperies unicellulaires qui prospŠrent dans ce genre de milieu. Les conditions id‚ales pour attraper une septic‚mie. Dans un coin o—, … vue de nez, le r‚seau hospitalier laissait … d‚sirer. Je sentais d‚j… les microbes cavaler dans mes artŠres. Ils se marchaient dessus en rigolant comme une foule de carnaval dans une rue trop ‚troite. Linton et Flinch m'ont attrap‚, l'un sous les bras, l'autre par les jambes et j'ai arrˆt‚ d'y penser. Je ne pouvais de toute maniŠre rien y faire. Ils m'ont dorlot‚ comme un b‚b‚ et j'ai trouv‚ cela trŠs bien. Mes deux nounous ne m'aimaient s–rement pas mais poss‚dait le sens de l'ob‚issance. Ils m'ont port‚ jusque dans l'eau glac‚e, m'ont d‚crass‚ avec un gros savon … l'odeur d'argile, m'ont s‚ch‚ sans violence puis ont enduit mes bobos d'un onguent blanc qui piquait un peu. J'avais le corps couvert de bleus, souvenirs de ma d‚rouill‚e du matin. A ma demande, mes ex-tortionnaires m'ont install‚ prŠs du feu et ont pr‚par‚ un bouillon de plantes. Une couverture sur les ‚paules, j'ai d‚gust‚ lentement le liquide br–lant, me sentant tout bizarre d'avoir moins mal. Les Donjaidraaghoniens avaient install‚ notre bivouac dans une large grotte, comme une bouche perc‚e dans la falaise, qui dominait le lit envahi de gravier du torrent. Le soleil ‚tait d‚j… couch‚ et l'obscurit‚ s'‚paississait. Les flammes cr‚pitaient dans un cercle de pierres. Lucy vint s'asseoir … c“t‚ de moi, une tranche de pt‚rix plant‚e au bout de son ‚p‚e. Elle sentait le savon. Elle avait donc profit‚ du cours d'eau pour se laver. Comme ses hommes que j'avais vus ‚galement nettoyer leur linge. - Parle-moi du monde d'o— tu viens, dit-elle. - Mon monde ? - Oui, comment est-ce, au del… du ciel ? Je me suis adoss‚ au rocher et j'ai lev‚ les yeux vers le firmament en question. Il me semblait toujours aussi vide, notre galaxie … peine repr‚sent‚e par un bras malingre. La lune fessue de la veille n'‚tait pas encore lev‚e. Les sbires barbecutaient, eux aussi, et l'odeur de la viande grill‚e m'emplissait la bouche de salive. De quoi pouvais-je parler qui lui soit compr‚hensible ? De la vieille Terre d'o— nous ‚tions tous originaires bien qu'elle tournicotƒt dans une zone presque aussi recul‚e que celle-ci ? De l'histoire de l'humanit‚ telle que je l'avais apprise dans les banques de donn‚es du Babylone ? AprŠs tout, c'‚tait la sienne aussi. Mais par o— commencer puis qu'elle s'arrˆtait l… o— on aurait pu croire qu'elle prendrait sa v‚ritable dimension, avec la conquˆte d'autres planŠtes. Mais l'‚lan de l'Histoire n'avait pas r‚sist‚ … l'‚parpillement. Il s'‚tait noy‚ dans les gouffres de temps qui s‚parent les mondes. Autant que j'avais pu en juger dans l'amas de Newton, l'Histoire s'‚tait fragment‚e en d'innombrables ‚volutions plut“t minables et anecdotiques. Elles me manquaient. Bon sang, qu'elles me manquaient ! Je regrettai surtout de n'avoir jamais v‚rifi‚ les rumeurs circulant au sujet de prodigieuses civilisations extraterrestres. Pris par l'obligation de survivre et mon go–t pour la fˆte, j'avais toujours remis … plus tard les voyages qui m'auraient permis de les rencontrer. Je risquais de ne plus jamais me trouver en mesure de les faire. - Alors ? insista la jeune femme, m'arrachant … ma rˆverie. Je d‚cidai de me limiter … Anchor, l'endroit que je connaissais le mieux. - Sur le monde o— je vivais, il n'y a presque pas de terre. Les Œles les plus vastes ont des superficies de moins de mille kilomŠtres carr‚s. - Qu'appelles-tu un kilomŠtre ? €a commen‡ait bien. - Disons que pour les traverser, il faut entre deux et quatre jours de marche. - Tu appartiens donc … un tout petit peuple. Elle me tendit le morceau de viande qu'elle venait de griller. Le pt‚rix avait une chair blanche et serr‚e au l‚ger go–t de noisette. Je posai … mon tour une question : - Combien ton fief a-t-il d'habitants ? - La derniŠre fois que nous nous sommes compt‚s, nous ‚tions 12 573. Le clan des Macyntire est un des plus puissants de Donjaidraaghon. Je souris dans le noir. - J'avais mon appartement - ma maison - dans une petite ville d'Anchor. Elle ne comptait qu'un million d'habitants. Gurth gronda sa phrase pr‚f‚r‚e : - Il ment. - Mais je travaillais souvent, poursuivis-je, dans une cit‚ o— s'entassaient douze millions de personnes. Pour franchir la mer qui nous s‚parait, je prenais ce que nous appelons un h‚lico. Une espŠce de panier qui vole dans les airs. - Il ment, pers‚v‚ra Gurth. - Tu as dit que tu travaillais. Que faisais-tu ? demanda Lucy. - Je me donnais en spectacle. Je racontais des histoires, jonglais ou me contorsionnais pour distraire les gens. - J'ai vu tes acrobaties. Tu ‚tais donc un fou, un serf attach‚ aux plaisirs d'un seigneur ? - Non, je jouais pour tout le monde et l'argent que les spectateurs me donnaient me permettait de ne d‚pendre de personne. Je pensais avoir r‚sum‚ le systŠme au plus simple, j'avais oubli‚ un d‚tail. - L'argent ? s'‚tonna Lucy. A‹e, elle ne connaissait pas. Ou alors sous forme strictement m‚tallique. Comment expliquer les principes du virement de compte … compte ou de la carte de paiement … quelqu'un qui devait encore tuer des dragons pour s'habiller. Gurth me retira l'‚pine du pied en se dressant subitement, trŠs en colŠre. - Il ment, seigneur, vocif‚ra-t-il. Ne vois-tu pas qu'il invente fable aprŠs fable pour affaiblir notre m‚fiance ? Ce qu'il raconte n'existe que dans les l‚gendes du peuple de la mer. C'est de l… qu'il vient, j'en jurerais. Il est fourbe comme tous les siens. Et il ne veut qu'une chose : t'assassiner. Ces mots firent gronder les neuf sous-fifres. Ils leur parlaient droit … l'ƒme. Si j'avais le malheur d'effleurer … nouveau leur maŒtresse, ils me hachaient menu. Et ils regrettaient salement de ne pas hacher tout de suite par mesure de s‚curit‚. Lucy per‡ut la tension. - Les dieux m'ont envoy‚ vers lui, dit-elle … ses hommes, mais les messages des dieux n'ont jamais un seul sens. Restez m‚fiants mais n'oubliez pas qu'il nous approche du graal. Plus personne n'a trouv‚ grand chose … raconter aprŠs ce conseil. J'ai fini mon bout de barbaque en luttant contre le sommeil. Gurth se conduisait comme un amoureux jaloux. Un amoureux qui n'avait aucune chance. Les plus dingues et les plus dangereux. Coup de bol, en m'endormant, je suis tomb‚ en arriŠre et non dans le feu. CHAPITRE VIII Je me suis r‚veill‚ tordu par un bon million de courbatures mais presque en forme et apparemment pas trop infect‚. Je grattai la pommade qui avait s‚ch‚. Mes blessures avaient l'air propres. On m'avait allong‚ … l'abri dans la caverne mais je m'y trouvais seul. Les boy-scouts de miss Macyntire s'activaient d‚j… dehors. Une chouette odeur de poissons grill‚s me chatouilla le nez et je m'assis. Je consultai le cadran … mon poignet. Bien entendu, il clignotait droit l… o— nous ne pouvions aller … cause de la falaise. Je devais donc choisir entre, … gauche, l'espŠce de talus que nous grimpions depuis la veille ou, … droite, le lit du torrent. J'adoptai la riviŠre pour une raison purement touristique : son d‚cor me plaisait. Autant souffrir dans un joli cadre. Les autres membres du club de randonn‚e se tenaient d‚j… prˆts … partir. Ils patientŠrent tout de mˆme pendant que je mordais dans une espŠce de truite grasse et grill‚e … point. Nous ‚tions presque copains, Dame Lucy et moi, aujourd'hui. On ne m'entrava pas les jambes et on ne resserra pas le lien entre mes mains. Il leur laissait environ cinquante centimŠtres de libert‚. Assez pour me faciliter grandement la marche, lorsque je devais grimper sur des rochers. Une activit‚ que je pratiquais plusieurs fois dans la matin‚e pour franchir de grands bouts de falaise tomb‚s en morceaux au milieu de notre passage. Mes muscles se d‚nouŠrent peu … peu et je me retrouvai dans un ‚tat dont j'avais perdu l'habitude. Je n'avais pas faim, pas soif, pas froid. Je ne mourrais pas de fatigue et n'avais presque pas mal. Je me sentais bien, quoi, et ‡a me faisait tout bizarre. C'‚tait presque ennuyeux. En outre, temps ‚tait splendide. Un ciel limpide nous surplombait mais il r‚gnait une agr‚able fraŒcheur au fond de la gorge, profonde d'une vingtaine de mŠtres. Autant que je pouvais en juger, elle formait une tranch‚e quasiment rectiligne creus‚e dans un vaste plateau. Nous progressions facilement sur un terrain en pente trŠs douce : du gravier d‚pos‚ par la petite riviŠre sinuant au fond du large lit qu'elle avait creus‚ … une ‚poque plus imp‚tueuse. De gros buissons au feuillage d'un vert trŠs fonc‚ et aux grandes fleurs mauves poussaient au bord de l'eau. Ils embaumaient l'atmosphŠre d'une odeur de bonbons. Mon petit doigt s'‚gosillait. D'aprŠs lui, tant de f‚licit‚ ne pouvait durer. Et pourtant si, ‡a durait. Les premiers arbres que je voyais depuis mon arriv‚e sur cette planŠte commen‡aient … se dresser aux pieds des parois rocheuses. De bons vieux chˆnes terrestres qui se mˆlaient … une essence probablement locale car je ne l'avais jamais rencontr‚e. Elle tendait au bout de longues branches brunes et lisses de curieux bouquets de grosses feuilles rondes au dessous argent‚. J'adore les arbres. J'en avais un dans mon conapt sur Anchor. Un laurier qui m'avait co–t‚ une fortune en rampes … ultraviolets et occupait la moiti‚ de mon salon. Grƒce … lui, l'appartement ne sentait jamais le renferm‚. Alors que le soleil approchait du z‚nith, le canyon se resserra et la d‚clivit‚ s'accentua. Nous n'avancions plus que sur des ‚boulis. Le torrent grondait en bondissant de rocher en rocher. Cette escalade nous rapprochait du sommet des falaises. Nous d‚bouchƒmes soudain sur une espŠce de cirque. Le terrain semblait s'ˆtre effondr‚ sur un large cercle. Comme si la riviŠre avait jadis creus‚ une immense grotte dont la vo–te avait fini par s'‚crouler. Des amoncellements de rochers de toutes tailles, sur le pourtour de la cuvette, rappelaient cet effondrement. Devant nous, une large plage de graviers et de petits cailloux s'‚talait devant un lac enserr‚ sur sa moiti‚ la plus ‚loign‚e par un bois de chˆnes et d'arbustes qui ressemblaient … des noisetiers. Du moins … des images tridi de noisetiers, je n'en avais jamais vus en vrai. Sous forme de cascade, le torrent tombait du plateau dans le lac. - Nous allons faire halte ici, a d‚cid‚ Lucy. Je me suis laiss‚ choir sur une grosse pierre. Les autres m'ont d‚pass‚, marchant jusqu'au bord du plan d'eau. Les flŠches ont jailli de la forˆt alors qu'ils se d‚chargeaient de leurs paquetages. Je dois avouer que les r‚flexes des Gurth et de ses hommes m'ont souffl‚. Quasiment d'un mˆme mouvement, ils ont fait passer leurs sacs devant eux pour se prot‚ger le torse et se sont mis en cercle autour de leur seigneur, arc tendu ou ‚p‚e brandie. Deux nouvelles vol‚es de projectiles s'abattirent sur eux, venant chacune d'un bosquet, de part et d'autre du bassin. - Quatre hommes … gauche avec Gurth, a cri‚ Lucy. Les autres avec moi. Ils ont lƒch‚ leurs bardas et fonc‚ vers les taillis. Des collŠgues … eux, … en juger … leurs cuirasses, en ont jailli. Ils portaient des casques ronds orn‚s d'une aigrette rouge. - Des f‚aux d'Urimayel ! a rugi Lucy. Ne les laissez pas me prendre vivante ! Un de ses hommes n'avait pu se joindre … l'assaut. C'‚tait Linton. Une flŠche plant‚e au haut de la cuisse, il fouillait f‚brilement dans son sac. La zone de danger paraissant s'ˆtre d‚plac‚e vers l'or‚e du bois, je me suis approch‚. Le sang jaillissait par petites gicl‚es autour de la pointe enfonc‚e dans la chair. La flŠche, qui s'‚tait gliss‚e dans une jointure de sa cuirasse, avait touch‚ une artŠre. - Il te faut un garrot, dis-je, tendant devant moi la corde qui entravait mes mains. Il a sursaut‚. Et retenu de justesse le coup d'‚p‚e qu'il allait m'ass‚ner par r‚flexe. Puis il a replong‚ le nez dans ses affaires. - Nous n'avons pas besoin d'un ennemi de plus. - Tu devrais te d‚pˆcher, tu vas mourir. Mais on ne convainc pas un tˆtu aussi facilement. Il a sorti sa culotte de rechange, a lac‚r‚ l'ourlet d'un coup de sabre. Il n'a pas r‚ussi … achever son ouvrage. Une flŠche s'est fich‚e dans son cou, d‚chiquetant la carotide. Ce type n'avait d‚cid‚ment pas de chance avec ses vaisseaux sanguins. Une autre flŠche s'est plant‚es dans le sol juste devant moi et je n'ai pas m‚dit‚ plus avant sur la tragique destin‚e de l'ˆtre humain dont l'esprit embrasse l'infini mais donc le corps r‚siste si mal … la perforation. Linton venait de tomber par terre. J'ai rafl‚ son sabre. Nom d'un bodybuild‚, que ce truc ‚tait lourd ! Comment se d‚brouillaient-ils pour le manipuler avec tant d'aisance ? Et dr“lement coupant, avec ‡a, mes liens n'ont pas offert l'ombre d'un r‚sistance. L'archer ne semblait plus s'int‚resser … moi. Je me suis redress‚ avec la lourde ‚p‚e … la main afin d'‚valuer la situation. Par o— pouvais-je me d‚filer sans d‚ranger personne ? J'avais l'embarras du choix. Partout, autour de la cuvette, des ‚boulis permettaient d'atteindre le plateau qui nous surplombait. Et ma fuite ne risquait guŠre d'attirer l'attention. Le nombre de pugilistes s'‚tait consid‚rablement r‚duit. A gauche du lac, Gurth et un ‚norme mastar tout plein de poils noirs restaient seuls face … face. Gurth me semblait plus habile … l'escrime mais il boŒtait et son adversaire faisait preuve d'une exub‚rante agressivit‚ naturelle. A droite, l'escorte de Lucy s'‚tait bien battue, liquidant une grosse demi-douzaine d'adversaires avant de succomber. L'imp‚rieuse rouquine continuait … se d‚fendre comme une diablesse contre les trois soldats qui la cernaient. Ceux-ci savaient toutefois qu'ils avaient gagn‚ et ne prenaient aucun risque. Ils la fatiguaient. Se tenant hors de port‚e des moulinets de son arme, ils se fendaient uniquement dans son dos. Je d‚couvrais une caract‚ristique de la peau de dragon, les lames ne l'entamaient pas. Les coups que recevaient Lucy devaient n‚anmoins faire sacr‚ment mal. Ses mouvements devenaient de plus en plus maladroits. C'est l… qu'il m'est venue une dr“le d'id‚e. Plus que cela, une compulsion n‚vrotique... Un grave dysfonctionnement psychologique... Une disjonction totale de mes capacit‚s de raisonnement... La d‚sint‚gration absolue du peu de bon sens que je poss‚dais... J'allais sauver cette foutue garce ! Au p‚ril de ma vie ! La seule vie dont je disposais ! Sabre au clair, j'ai fonc‚ en hurlant comme un malade mental. Je ne pouvais d'ailleurs pas hurler autrement, je n'‚tais pas sain d'esprit. Si je l'avais ‚t‚, je n'aurais pas hurl‚, attirant ainsi l'attention sur ma fragile personne. Deux des m‚chants se sont retourn‚s, laissant leur copain occuper la belle affaiblie. Ils se sont camp‚s comme … l'exercice, bien … l'aise, le poignet d‚li‚, attendant en toute qui‚tude la future pile de tranches qui galopait vers leurs coupe-coupe. Je crois que ma culbute les a surpris. Je suis pass‚ tout juste, enroul‚ au maximum, et ‡a a siffl‚ pas loin de mes pieds. Je suis en tout cas s–r d'avoir surpris leur collŠgue quand j'ai utilis‚ son dos pour stopper mon ‚lan. D'ailleurs, il a ‚mis un petit bruit surpris en couchant sa tˆte sur l'‚paule de Lucy. Mais le long bout de ferraille qui venait d'agrandir son nombril y ‚tait sans doute pour quelque chose. Avec un rictus de fauve, la rouquine a repouss‚ le cadavre plant‚ sur son sabre. Je me suis retourn‚ juste … temps. L'un des m‚chants me cavalait d‚j… dessus. Il portait une moustache. La premiŠre que je voyais sur cette planŠte. Je n'ai pas eu le temps de r‚fl‚chir. J'ai mis un genou en terre et ai lev‚ mon ‚p‚e. Coup de bol, elle a arrˆt‚ le bistouri g‚ant qui visait … m'amputer d'une bonne moiti‚ de moi-mˆme. Et c'est l… que je me suis rappel‚ que je ne savais pas me servir de ce genre d'objet lourd et coupant. Un bond en arriŠre m'a ‚vit‚ de justesse l'‚ventration mais je n'ai pas eu le r‚flexe d'‚carter ma lame. Celle de Moustache a envoy‚ mon sabre se planquer dans les buissons. Comme ‡a, au moins, le problŠme de son mode d'emploi ‚tait r‚gl‚. Me sentant soudain plus l‚ger, j'ai profit‚ de ce que mon adversaire, emport‚ par son ‚lan, me pr‚sentait son flanc. Mon coup de pied lui a enfonc‚ une c“te que sa carapace laissait … d‚couvert et l'a propuls‚ … son tour dans les buissons. Miss Macyntire venait de gratifier son propre agresseur, un gaucher au sabre tach‚ de sang, d'un sourire suppl‚mentaire en travers de la joue droite. - Je n'ai pas besoin d'aide, ‚tranger ! a-t-elle siffl‚. Toujours aussi aimable. Son ton me fit perdre beaucoup de ma d‚mence. Mais qu'est-ce que je foutais … c“t‚ de cette pimbˆche … affronter en pyjama et les mains vides des soudards aguerris bard‚s de cuir et d'instruments tranchants ? Ce devait ˆtre l'air de cette planŠte. Il dissolvait les tissus c‚r‚braux ou quelque chose comme ‡a. Encore quelques jours et je serais aussi dingue que la population indigŠne. Les deux affreux revenaient … la charge, nous for‡ant … nous ‚carter. Moustache dessinait devant lui de gracieuses figures avec son ‚p‚e. La manoeuvre ne poss‚dait toutefois pas qu'un int‚rˆt esth‚tique. Elle m'“tait toute chance d'atteindre ses seules parties vitales expos‚es lorsqu'il se tenait de face : le cou et la tˆte. J'ai recul‚. J'avais encore cinq ou six mŠtres d'espace … peu prŠs d‚gag‚ derriŠre moi. Puis ce serait les taillis o— je perdrais beaucoup de mon agilit‚. L'autre ne se pressait toujours pas. Balafre, lui, a fonc‚ brusquement sur Lucy avec un cri de rage. La lame de jeune rousse s'est enfonc‚e dans son flanc mais il a sembl‚ s'en foutre. Son poing a cogn‚ avec une telle violence le poignet de l'escrimeuse qu'elle a lƒch‚ son ‚p‚e. De sa main libre, le bless‚ l'a alors attrap‚e par le bras sans se soucier des ‚cailles. Ce type n'aimait pas qu'on s'amuse avec sa figure. - Tu vas mourir, a-t-il grogn‚, l'air trŠs fƒch‚. Il a lev‚ son arme mais Lucy a bloqu‚ son geste de la main droite. Elle n'avait cependant pas assez de force pour empˆcher la lame souill‚e d'‚carlate de descendre inexorablement vers sa gorge. J'ai essay‚ de m'approcher. D'un bond, Moustache s'est interpos‚. C'‚tait l'ouverture que je guettais. Mon ciseau, en appui sur un bras, a fauch‚ ses chevilles. Il s'‚tait … peine abattu au sol que je suivais d'un coup de talon dans le menton. Il a roul‚ … terre pour prendre du champ. J'ai saut‚ … genoux sur son dos, bloqu‚ la main qui tenait l'‚p‚e. A trois mŠtres de moi, mais si loin, la lame de Balafre allait toucher la peau blanche de Lucy. Celle-ci a brusquement plong‚ la main gauche dans la plaie ouverte dans le flanc de son ennemi. Il a tressailli. Elle s'est laiss‚e tomber … genoux, cherchant … le d‚s‚quilibrer, mais il l'a imit‚e. Elle avait quand mˆme ‚cart‚ de quelques centimŠtres la lame de sa gorge. Et ses doigts continuaient … fouiller la blessure qui pissait le sang. J'avais commis une erreur en cherchant … immobiliser Moustache. Il ‚tait beaucoup plus lourd et costaud que moi. Prenant appui sur la main que j'essayais de bloquer, il se retournait inexorablement. Il allait me faire basculer. Et si je le lƒchais, il me coupait en deux. Quelque chose de dur s'enfon‡ait dans mon genou. J'ai baiss‚ les yeux. Un poignard dans son fourreau. Il me restait une chance. Pas une grosse mais il m'en restait une. A genoux face … face, Macyntire et Balafre ressemblaient … deux statues grima‡antes et f‚roces encro–t‚es de sueur, de terre et de sang. La lame du soudard descendait … nouveau vers le cou de la jeune femme. J'ai lƒch‚ Moustache d'un coup et roul‚ en arriŠre en attrapant au vol le poignard. Mais je n'ai pas eu le temps de bondir sur mes pieds. La pointe de son ‚p‚e a trac‚ un trait de feu sur ma poitrine. Il ‚tait assis et le sabre revenait d‚j… vers moi. J'ai plong‚, bras tendu. Le couteau a fait un bruit ‚coeurant en crevant sa gorge. Un liquide chaud et ‚pais a gicl‚ sur mon bras. Moustache a lƒch‚ son coupe-coupe et a bascul‚ lentement sur le c“t‚. Avec un air profond‚ment surpris. Mourir est-il donc si ‚tonnant ? Son regard ‚bahi m'hypnotisait. Le regard du premier homme que je tuais. J'‚tais glac‚. J'ai secou‚ la tˆte. J'‚tais en train d'oublier que j'avais un sauvetage en cours. J'ai alors entendu un rugissement de triomphe. L'imp‚rieuse Lucy n'avait plus besoin de sauveteur. Elle repoussait l'arme qui la mena‡ait. Vid‚ de son sang, Balafre perdait ses derniŠres forces. Je le vis frissonner, se tasser. C'‚tait elle qui le retenait, l'empˆchait de s'‚crouler. Elle respirait avec une fureur sauvage, mƒchoires crisp‚es, regard ‚tincelant. Elle a guid‚ la main qui serrait le sabre jusque sous le menton de l'agonisant. Et l'a ‚gorg‚ d'un coup. Membres tremblants, hors d'haleine, elle est rest‚e un long moment … genoux, fixant sa victime. Puis son ‚paisse chevelure s'est relev‚e d'un coup. Ses yeux ont accroch‚ les miens. Ses narines palpitaient. Un incendie flambait dans ses pupilles ‚carquill‚es. - Viens ! a souffl‚ sa voix rauque. Je n'ai pas compris. Alors c'est elle qui est venue. A quatre pattes, comme une lionne. Elle m'a attrap‚ par les cheveux et m'a embrass‚ comme si elle voulait me bouffer. Et l…, j'ai compris. Il lui fallait un mec. Il fallait que quelqu'un ‚teigne le feu qui br–lait son ventre. La rage d'ˆtre encore en vie aprŠs ˆtre pass‚e si prŠs la mort. La fureur de la victoire. La jouissance inachev‚e du combat et du meurtre. Sans cesser de me mordre les lŠvres, elle m'a arrach‚ mes loques. S'est d‚tach‚e avec un soupir d'impatience. A fait glisser les bracelets de ses bras. Envoy‚ voler justaucorps, bottes et culotte en dragon. Elle avait une toison incroyablement claire, entre le blond et le roux, presque transparente. Et des bleus partout. D'‚normes h‚matomes violac‚s. Plus gros encore que les miens. Une longue estafilade ruisselante de sang barrait mes pectoraux. Ma premiŠre cicatrice ? Sans mˆme prendre le temps d'“ter ses gants, la rouquine en ‚bullition s'est couch‚e sur le dos, jambes ‚cart‚es dans la caillasse. - Vite ! Elle ne me demandait pas mon avis, juste de me d‚pˆcher. Je crois qu'elle a joui une premiŠre fois avant mˆme que je la p‚nŠtre. Mais la demoiselle m'invitait … une danse que je connaissais mieux qu'elle. AprŠs mon d‚barquement sur Anchor et mon largage sans parachute par la tendre Isolde, j'avais d‚cid‚ de me vacciner … jamais de l'amour. J'‚tais all‚ au plus simple en devenant gigolo. J'avais ainsi appris … baiser en professionnel, endurant et toujours sous contr“le. L'astuce est simple, il suffit de ne pas pratiquer par plaisir. Ce qui laisse en gros deux autres raisons : le fric ou l'envie de dominer. Dans l'‚tat d'excitation o— elle se trouvait, je n'eus pas de mal … conduire la fiŠre Macyntire trois fois de suite … l'orgasme. Jusqu'… ce qu'elle se mette … supplier, se tordant contre moi, son souffle haletant dans ma bouche : - Toi aussi ! Toi aussi ! Je consentis et elle poussa une plainte de bˆte bless‚e. J'entendis du bruit, relevai la tˆte. Hagard, il nous fixait depuis le milieu d'un taillis. Avec sa plaie … la tempe et ses billes hallucin‚es au milieu de cro–tes marron et noires, il ressemblait … un des masques monstrueux port‚s la veille par les danseurs indiens. Un hoquet le secoua puis un rictus tordit ses lŠvres. Ses bras s'agitant comme s'il ne les contr“lait plus, il disparut dans la v‚g‚tation. Gurth ! Je l'avais oubli‚, celui-l…. CHAPITRE IX Il fallait toutefois plus que trois malheureux orgasmes pour asseoir sa domination sur une cr‚ature aussi fille de chef que Lucy Macyntire. Une tendre reconnaissance l'alanguit, tandis que la vague de plaisir s'estompait, mais elle ne se pelotonna pas dans mes bras quand je tombai … c“t‚ d'elle. Non, elle me serra contre son flanc, s'attendant … ce que je me niche sous son aile. Je n'avais pas envie de jouer … l'oisillon. Ce moment qui aurait d– ˆtre d'abandon devint un moment de gˆne. Je me d‚gageai avant qu'elle ne me repousse. Des tƒches urgentes l'attendait : la toilette et la lessive. Je me lavai ‚galement et inspectai mes bobos. Puis je cherchai dans les paquetages des trucid‚s une tenue propre en meilleur ‚tat que la mienne. Lucy n'avait d– tuer qu'un petit dragon car elle n'avait pas de rechange. La regarder s'affairer nue pendant que ses vˆtements s‚chaient ne manquait pas d'int‚rˆt. Elle avait vraiment un corps splendide. De longues jambes aux muscles envelopp‚s juste ce qu'il faut. Des fesses rondes et fermes. Une taille cambr‚e et des ‚paules larges o— roulait la coul‚e de lave de sa chevelure. Un ventre plat au nombril ‚panoui et profond. Des seins en poire, hauts et fiers, qui grossiraient encore car ils gardaient l'aspect inachev‚ des poitrines adolescentes. Le tout envelopp‚ d'un ‚piderme parfaitement lisse et blanc... Enfin, en temps normal. Ce genre de peau marque au moindre choc. Nue, elle bougeait l'ensemble avec la mˆme assurance qu'habill‚e, la mˆme autorit‚ dans chacun de ses gestes. Cette autorit‚ qu'elle conservait jusque pendant l'amour. Il fallait s'occuper des morts. Elle ne s'abaissa pas … me demander de l'aider mais n'osa pas me l'ordonner. Le coin manquait de distractions, de toute fa‡on, je n'avais rien de mieux … faire pour m'occuper. Rassembler assez de combustible pour les b–chers fun‚raires nous prit tout l'aprŠs-midi. Nous ramassƒmes tout ce qui traŒnait comme bois mort dans le lit de la riviŠre, descendant presque jusqu'… notre bivouac de la veille. Et pas question de bƒcler. De risquer de laisser derriŠre nous un cadavre, mˆme d'ennemi, … demi calcin‚. L'ƒme d‚testait se s‚parer du corps, m'expliqua Lucy tandis que nous dressions les lits de branches au bord du lac. Nous ne devions donc rien lui laisser auquel s'accrocher sous peine de nous retrouver avec un zombie sur la conscience, un mort-vivant dont l'essence spirituelle ne pourrait pas se r‚incarner. Le soir tombait. Je lui demandai sous quelle forme elle aimerait revenir pour sa prochaine existence. Elle me regarda comme si je venais de prononcer une obsc‚nit‚. - Mais sous forme d'un seigneur, j'espŠre, cracha l'offens‚e. Tout d‚pendra de la rigueur avec laquelle je mŠnerai ma vie actuelle. Et des progrŠs que je ferai faire … mon clan dans la quˆte du graal. Tous les ˆtres s'‚lŠvent ainsi, des animaux aux hommes, des f‚aux aux seigneurs. S'ils respectent les rŠgles de l'Arbitre Suprˆme et assument avec coeur leurs responsabilit‚s, celui-ci leur en donnera de plus importantes dans leur vie ult‚rieure. Je laissai tomber le sujet. Je comprenais de mieux en mieux son aplomb et son sentiment de sup‚riorit‚. Depuis sa naissance, on lui r‚p‚tait non seulement qu'elle descendait d'une famille extraordinaire mais qu'elle le devait … ses m‚rites ant‚rieurs et non au hasard. On prendrait la grosse tˆte pour moins que cela. AprŠs les avoir d‚vˆtues, nous ‚tendŒmes les d‚pouilles sur les couches que nous leur avions pr‚par‚es, dispos‚es en demi-cercle devant le lac. Le ciel s'embrasait d'‚carlate et la lueur r‚fl‚chie par les ‚cailles de dragon donnait l'impression que Lucy ‚tait vˆtue de braises. Sa gorge et la naissance de ses seins n'en paraissaient que plus pƒles. Commen‡ant par Flinch … une extr‚mit‚ de la ligne, elle passa lentement d'un corps … l'autre. Avec le petit poignard de c‚r‚monie, r‚cup‚r‚ dans le paquetage de Linton, elle pratiqua soigneusement une double incision sur l'abdomen des d‚funts. Une croix ayant le nombril pour centre. L'ouverture devait sans doute permettre … l'ƒme de s'‚chapper avant d'ˆtre cuite. Une courte litanie, toujours la mˆme, accompagnait l'op‚ration. Quelque chose comme : Vuihl pa uggomgiem upul jexuimo lujio. Cette langue inconnue m'intriguait de plus en plus. J'avais ‚tudi‚ d'anciens dialectes de la Terre. Malgr‚ leurs diff‚rences, ils poss‚daient tous une sorte de logique commune. A tout le moins, une coh‚rence musicale. Et je ne la retrouvais pas dans ces formules rituelles. J'attendis que la prˆtresse prononce la derniŠre, pour Balafre, avant de poser la question qui me d‚mangeait : - Qu'est-ce que ‡a veut dire ? - Nous le saurons quand nous aurons trouv‚ le graal. Des ˆtres imparfaits ne sauraient comprendre le langage de l'Arbitre Suprˆme. Une nouvelle question se mit … clignoter en rouge acide dans ma cervelle : mais d'o— pouvaient bien provenir la religion biscornue de ces Donjaidraaghoniens ? Je ne la posai pas. Je demandai plut“t : - Et d'o— tenez-vous ces phrases ? Je devinai plus que je ne vis son froncement de sourcils. Bient“t, il ferait complŠtement nuit. - Es-tu v‚ritablement ignorant … ce point, Molotov, ou continues-tu … te moquer de moi ? - Je ne connais ton monde que depuis trois jours, n'oublie pas. - J'ai r‚fl‚chi. Je ne crois pas … ta fable de tour pointue descendant du ciel. J'‚cartai les mains en un signe d'impuissance r‚sign‚e. - Alors, ne me r‚ponds pas. - Les paroles sacr‚es sont grav‚es aux entr‚es des sanctuaires d‚di‚s aux serviteurs de l'Arbitre Suprˆme. (Elle se tourna vers les objets que nous avions assembl‚s au pied d'un arbre.) Sommes-nous prˆts … partir ? Je hochai la tˆte. Nous avions pr‚par‚ nos sacs au d‚but de l'aprŠs-midi, ce genre de tƒche s'avŠre difficile … accomplir dans la p‚nombre. Lucy avait insist‚ pour que je r‚cupŠre la cuirasse d'un d‚c‚d‚, les ƒmes n'ayant pas … se pr‚occuper de ce qu'elles abandonnaient derriŠre elles. J'avais essay‚ celle d'un inconnu … peu prŠs de ma taille puis refus‚. J'‚tais trop coinc‚ l… dedans or mon agilit‚ d'acrobate constituait mon arme la plus efficace. Mes possessions comprenaient n‚anmoins d‚sormais une ‚p‚e (j'avais fermement l'intention de m'entraŒner), le poignard de Moustache et son fourreau dorsal, un arc et un carquois de flŠches, une tenue et une paire de sandales de rechange, une couverture, un savon, une boŒte pleine de pommade d‚sinfectante, un rouleau de cordelette, quatre gros biscuits au go–t infect, de la viande de pt‚rix, un paquet d'herbes et de baies, et un briquet pr‚historique compos‚ d'un paquet d'une matiŠre jaune et filandreuse et d'une roulette de m‚tal fix‚e … une pierre ovale creus‚e en son milieu. Tout l'attirail du joyeux campeur donjaidraaghonien. Lucy alla chercher son propre briquet dans son sac. Elle d‚posa une peu de l'espŠce de coton sale dans le creux de la pierre puis donna un coup sec sur la roulette. Une ‚tincelle sauta dans le machin jaune qui se mit … fumer. L'incendiaire souffla sur le petit point rouge qui ‚tait apparu puis laissa tomber le tout sur une poign‚e de feuilles sŠches. Elle souffla encore et une flamme s'‚leva. Elle la nourrit de brindilles puis pr‚senta un flambeau fait d'herbes li‚es. Je la suivis tandis qu'elle allumait pos‚ment les b–chers. - Il faut maintenant nous en aller, dit-elle, arriv‚e au dernier. - A cause des ƒmes lib‚r‚es par le feu ? demandai-je. L'ironie glissa sur ses ‚cailles. - Non, … cause des vivants. La nuit empˆchera peut-ˆtre Urimayel et ses hommes de remarquer la fum‚e mais j'en doute. - Qui est cet Urimayel ? - Plus tard, nous devons nous presser. Elle se harnachait d'un ‚quipement semblable au mien. Finie la belle vie de chef de porteurs de sacs. Finie ‚galement celle de prisonnier de porteurs de sacs. Mine de rien, notre petit n‚cessaire de survie en milieu hostile pesait sa vingtaine de kilos. - Par o— ? demanda la flamboyante. - Par l…, indiquai-je en prenant la direction des ‚boulis sur notre droite. - J'espŠre que ce n'est pas la direction de son camp. - €a, je n'en sais rien, avouai-je. Je suis sp‚cialis‚ en graal pas en Urimayel. La lueur des incendies mortuaires nous permit de gravir notre tas de caillasses sans nous casser la figure. Je poussai un soupir de soulagement en arrivant au sommet, heureux d'‚chapper … l'odeur de viande grill‚e qui emplissait la cuvette. Elle me donnait faim. Il y avait de la v‚g‚tation l…-haut. De l'herbe, qui nous atteignait la taille. Elle luisait doucement dans la clart‚ de la lune en train de se lever. La nappe argent‚e s'‚tendait … perte de vue, ponctu‚e ici et l… de croupes rocheuses qui en ‚mergeaient. Nous avons march‚ ce qui m'a paru longtemps, butant dans tous les cailloux ou in‚galit‚s de terrain cach‚s par le gazon. Le sol ‚tait loin d'ˆtre aussi uni qu'il le paraissait. Je ne protestai cependant pas. La prudence de Lucy me semblait mˆme tout … fait adapt‚e … la situation. Je n'‚prouvai aucune envie de rencontrer les copains des trucid‚s qui r“tissaient derriŠre nous. Nous avons finalement atteint un groupe de blocs de calcaire dont la disposition ‚voquait la forme d'une main ouverte. - Arrˆtons-nous ici pour passer la nuit, a d‚cid‚ la chef scout. J'ai sorti mon ‚p‚e pour faucher les gramin‚es qui occupaient la paume de la paluche min‚rale mais Lucy m'a arrˆt‚. - Non. Laissons le moins de traces possibles de notre passage. Nous dormirons entre ces deux rochers (elle indiquait l'index et le majeur), l'herbe n'y pousse pas. L'herbe n'y poussait pas parce qu'une langue de roche reliait les deux ‚minences. Une surface plate, heureusement, mais sacr‚ment dure pour un matelas. Nous y avons mƒchouill‚ un repas froid et sans gaiet‚, chacun perdu dans ses pens‚es. Si je voulais ‚chapper … ce tas de boue, je devais encore mettre la main sur la pile … fusion, la ramener jusqu'… Oph‚lIA et trouver un moyen de ranimer celle-ci. Et si j'y arrivais, qu'allais-je trouver … mon retour dans l'amas de Newton ? Me perdre dans mes pens‚es me d‚primait. - Parle-moi de cet Urimayel, ai-je demand‚ pour leur ‚chapper. - Pas ce soir, a r‚pondu ma compagne, toujours aussi serviable. Je suis lasse et nous devons nous lever … l'aube. (Elle fermait son sac. Elle releva brusquement la tˆte. ) Et ne t'avise pas de me toucher cette nuit, ‚tranger. Ce qui s'est pass‚ aprŠs le combat ne se reproduira plus. J'‚clatai de rire. - Pour qui te prends-tu, Lucy Macyntire ? Parce que j'ai accept‚ d'‚teindre ton coup de chaleur, tu t'imagines que je te d‚sire ? Mais ce sont les vraies femmes qui m'attirent. Les belles femmes. Pas les gamines … la peau trop blˆme et … l'orgueil plus gros encore que leur cul. Je ne m'attendais pas … ce qu'elle appr‚cie et elle n'a pas. La lumiŠre de la lune rendait son visage encore plus pƒle. Sa bouche a trembl‚ et ses traits ont paru soudain beaucoup plus jeunes. Pour une fois, elle ressemblait … ce qu'elle ‚tait : une gosse de vingt ans. Une gosse en colŠre parce qu'elle a du chagrin. L'impression n'a pas dur‚. Le masque autoritaire est revenu avec tout son attirail de lŠvres pinc‚es, de sourcils offusqu‚s et de pupilles lanceuses de rayons d‚sint‚grateurs. Sans un mot, le seigneur Macyntire s'est roul‚e dans sa couverture et s'est couch‚e en chien de fusil dans l'ombre de son rocher. Je me suis allong‚ moi aussi, les yeux fix‚s vers le ciel. Autour de nous, l'herbe bruissait de crissements d'insectes, de fr“lements et de galopades furtives. Une intense activit‚ me rappelant que la vie se savoure au pr‚sent. Chaque fois que je m'‚tais comport‚ comme si je poss‚dais un avenir, j'avais fonc‚ droit dans un mur. Le sommeil s'insinuait dans mes membres et sous mes paupiŠres. Avant de succomber, je jetais une dernier coup d'oeil … la massacreuse de dragons. Je ne distinguais qu'une tache plus sombre dans l'ombre du rocher. Une tache bien trop crisp‚e pour dormir. Je souris. Je me d‚couvrais une vocation : rabattre le caquet des filles de chef donjaidraaghoniennes. Lucy devait avoir une puce-r‚veil greff‚e quelque part car elle me secoua alors que le jour n'existait encore que sous forme de promesse bleu fonc‚ … l'horizon. Elle ne se montra pas franchement enjou‚e mais ‚tait trop fine mouche pour bouder. - Nous devons mettre la plus grande distance possible entre Urimayel et nous, dit-elle. Par chance, il ne sait pas dans quelle direction nous allons. C'‚tait reparti ! Et, sans lune, il faisait encore moins clair qu'en pleine nuit. Un tel calme r‚gnait que je le trouvai mena‡ant. Les bestioles noctambules s'‚taient couch‚es, les diurnes traŒnaient au lit. Pas de vent, pas mˆme une brise, on n'entendait que le frottement des herbes contre nos jambes. Cette fois, Lucy ne refusa pas de me parler du type que nous fuyions. Sa voix rauque vibrait d'une ‚motion dont je ne l'aurais pas crue capable : la m‚lancolie. - Mon enfance a ‚t‚ berc‚e par le r‚cit des exploits de mon clan. Ma nourrice, ma mŠre, mon pŠre et mes oncles, mes maŒtres d'armes et mes pr‚cepteurs, tous me donnaient en exemple le courage et le sens du devoir de mes ancˆtres. Le l‚gendaire Arthur, fondateur du clan aprŠs avoir remport‚ une s‚rie d'‚preuves surnaturelles. Son fils Elric, qui avait d‚couvert le sanctuaire lui donnant droit aux terres du fief. Guinevire, qui avait confi‚ son fils nouveau-n‚ … un couple de b–cherons quand la mort blanche r‚gnait. Elle avait ainsi sauv‚ notre lign‚e mais avait p‚ri avec tous les autres membres de la famille en se d‚vouant pour les malades. Yann, sans qui les fiefs n'auraient jamais r‚ussi … s'unir pour repousser le peuple de la mer. ® Mais un nom se mˆlait en permanence … ces r‚cits. Urimayel. Le seul clan dont les Macyntire reconnaissaient sans peine la valeur et mˆme, parfois, la sup‚riorit‚. Ils ‚taient nos voisins et nos amis s‚culaires. Des exemples pour tous dans la quˆte du graal. Aurions-nous vaincu le peuple de la mer si Amine n'avait d‚couvert dans un sanctuaire le secret du feu qui br–le sur l'eau ? Par tradition, on ‚levait les enfants des deux familles dans une ‚troite intimit‚. J'ai grandi en admirant Elias. Il avait dix ans de plus que moi. ¯ Elle se tut et je la laissai … ses souvenir. L'aube s'‚claircissait et j'‚tudiai la v‚g‚tation que nous traversions. Les herbes avaient la souplesse et le vert tendre de jeunes pousses malgr‚ leur taille. De futures g‚antes. Ce qui signifiait trŠs probablement que nous traversions un secteur ratiss‚ quelques jours, ou quelques semaines, plus t“t par des grisons. Leurs ailes pli‚es couvertes de gouttes de ros‚es, une multitude de papillons de toutes tailles s'accrochaient aux tiges. Lucy s'arrˆta et se retourna. Son regard plongea dans le mien. - J'ai ‚t‚ amoureuse d'Elias comme seule une enfant sait l'ˆtre. Il ‚tait beau, noble, courageux, g‚n‚reux, dr“le. Il fascinait tout le monde, hommes et femmes. Mais moi, il me traitait comme sa confidente. Il me parlait de l'‚tude et du rˆve, du vertige que provoque la quˆte du graal. Tant d'indices et si peu de certitude. Tant de fausses pistes, de d‚ceptions et de dangers affront‚s en vain. Ils donnaient d'autant plus de m‚rites … la r‚ussite. J'avais douze ans quand il a commenc‚ … ‚voquer ses chances de d‚couvrir un sanctuaire. Incandescent, le soleil se levait derriŠre moi. Il teinta de sang les larmes qui perlaient aux paupiŠres de lucy. - Il l'a d‚couvert ! Elle pivota, reprit sa marche. La colŠre se mit … gronder dans sa voix sous le voile de la tristesse. - Et quand il est rentr‚ chez lui, il avait chang‚, terriblement chang‚. Ses parents sont morts dans le mois qui a suivi son retour et personne n'a jamais su de quoi. Devenu le maŒtre du fief, il a complot‚ contre ses voisins, a absorb‚ les plus faibles. Il nous a attaqu‚ ! Aucun graal ne m‚ritait les sacrifices li‚s … sa recherche, proclamait-il dans sa d‚claration de guerre. Nous devions cesser de gaspiller nos efforts dans cette quˆte d‚nu‚e de sens pour nous consacrer … am‚liorer le bien-ˆtre de nos gens. Comme il n'esp‚rait pas nous en persuader, il se voyait oblig‚ de prendre le pouvoir par la force. Le souvenir, manifestement, restait douloureux. Je trouvai personnellement cet Elias plut“t de bon sens. Je me gardai n‚anmoins de formuler cette pens‚e. - Et c'est vous qui l'avez vaincu ? dis-je, pour relancer la conteuse. - Les clans se sont unis pour l'‚craser. Il a r‚ussi … prendre la fuite avec ses hommes les plus fidŠles. Depuis, il mŠne une vie errante de pillard, entour‚ de serfs ren‚gats. On ne compte plus les meurtres … son actif. L…, il me devenait nettement moins sympathique. J'acc‚l‚rai inconsciemment le pas. Les rayons du soleil commen‡aient … me chatouiller la nuque. Ils s‚chaient ‚galement les gouttes de ros‚e sur les papillons. Le premier … d‚ployer ses ailes ressemblait … une tˆte de mort. CHAPITRE X Une colline se dressait devant nous, droit dans la direction qu'indiquait le clignotant … mon poignet. J'estimais la distance qui nous en s‚parait … moins de cinq kilomŠtres. Une grosse heure de marche. Nous touchions au but. Une cinquantaine de kilomŠtres avait dit Oph‚lIA. J'avais suivi un itin‚raire loin d'ˆtre aussi droit que je l'aurais souhait‚ mais nous ne pouvions plus nous trouver trŠs loin de la pile … fusion. Ronde et marron, cette butte avait un aspect bizarre, artificiel, mais l'impression venait peut-ˆtre de sa couleur. Cette boule brune paraissait sinistre au milieu du tableau pointilliste et multicolore que cr‚aient maintenant les ailes des millions de papillons couvrant les herbes. Ils s'‚taient tous d‚ploy‚s dans la ti‚deur matinale mais ne bougeaient toujours pas. Sauf ceux que nous d‚rangions. Ils formaient un nuage bariol‚, hyst‚rique et changeant autour de nous. Il y en avait de toutes les tailles : du demi-ongle … la main ouverte, et de toutes les sortes : du blanc uni … la z‚brure d‚traqu‚e. Ils s'agitaient avec une fr‚n‚sie rageuse r‚v‚latrice d'un sale caractŠre. Comme quoi, mˆme des papillons peuvent prendre la mouche. Lucy stoppa brusquement et je faillis buter contre elle. - Nous devons nous arrˆter, dit-elle. - Pourquoi ? - Les papillons. Ils indiquent notre position aussi s–rement que si nous lancions des signaux de fum‚e. Nous allons nous reposer et attendre que tous les autres s'envolent. - S'ils s'envolent. - Sinon, nous attendrons la nuit. Je levai les yeux vers le ciel. Elle avait raison. Les irascibles l‚pidoptŠres grimpaient trŠs haut signaler avec v‚h‚mence que l'on avait troubl‚ leur m‚ditation. Mon regard se posa ensuite sur la boule de boue, si proche. Je poussai un soupir. TrŠs bien, puisqu'il fallait prendre patience, j'allais prendre. Lucy se d‚barrassa de son sac et se laissa tomber assise en tailleur. Je l'imitai. L…, on ne risquait pas nous rep‚rer, nos cheveux ne d‚passaient pas des herbes. En mˆme temps, nous ne jouissions pas d'une vue sur un paysage passionnant. J'‚cartai les gramin‚es qui me s‚paraient de la vamp des ‚tendues d‚sol‚es. Elle sortit une pierre ovale de son sac et commen‡a … aff–ter la lame de son sabre. Voil… … quoi vous r‚duisait l'absence d'holot‚l‚ et de casques multim‚d : … se retrouver oblig‚ d'inventer ses propres histoires de meurtre et de massacre. - Tu crois vraiment qu'il faudra attendre jusqu'… ce soir ? demandai-je pour qu'elle s'int‚resse … moi. Elle condescendit. - Je ne sais pas mais c'est trŠs possible. - €a va ˆtre chouette de rester tout une journ‚e en tˆte … tˆte sans rien d'autre … faire que se sourire. Elle ne sourit pas. J'avais d‚j… remarqu‚ qu'elle n'appr‚ciait pas mon sens de l'humour … sa juste valeur. C'est l… que les aboiements ont retenti. - Des cerbŠres ! s'est ‚cri‚ Lucy. Puis elle a saut‚ sur ses pieds. Dans le lointain, une espŠce de klaxon enrou‚ mˆlait ses glapissements … ceux des canid‚s. J'ai attrap‚ mon barda, me suis lev‚ … mon tour. - Laisse ton sac, nous n'avons pas le temps. Regarde ! Dans la direction d'o— nous venions, un immense nuage de papillons tourbillonnait en ombre chinoise contre le soleil encore bas. Il atteignit la main rocheuse o— nous avions dormi. Comment les hommes d'Urimayel avaient-ils si vite retrouv‚ notre trace ? - Ils nous chassent … cheval, ajouta la belle rousse pour me remonter le moral. (Elle me prit le bras, me for‡a … lui faire face. ) Jure-moi que tu ne les laisseras pas me prendre vivante. Jure ! Je n'ai pas le droit de mettre moi-mˆme fin … mes jours. L'Arbitre Suprˆme l'interdit. ® Comme tous les dieux de toutes les religions, pensai-je. Ils n'aiment pas gaspiller des ouailles. ¯ Mais je ne le dis pas. Les circonstances ne paraissaient pas appropri‚es … une d‚bat th‚ologique. Lucy m'attrapa par les ‚paules. Elle avait vraiment de la poigne. - Jure ! Des larmes embuaient ses yeux. Je jurai. De reconnaissance, elle m'embrassa au coin des lŠvres. Puis elle se mit … galoper. Vers la colline. Comme si on avait une chance de l'atteindre. On n'y croyait pas plus l'un que l'autre mais on a couru … s'en faire cramer les bronches, ‚nervant de milliers de papillons. Les cerbŠres nous ont rattrap‚s les premiers. Saloperie de planŠte au patrimoine g‚n‚tique v‚rol‚ o— ce n'‚tait mˆme pas des chiens qui vous couraient sus mais des cr‚atures aussi terrifiantes et hideuses que ces cerbŠres. Du moins, je les devinais terrifiants et hideux, les cerbŠres, car pour v‚rifier de visu, macache ! Il y en avait trois - ou quatre - qui ne se montraient jamais … d‚couvert. Ils se glissaient dans les herbes autour de moi en grondant, s'approchaient, s'‚loignaient, revenaient, n'agitant les gramin‚es que d'une discrŠte ondulation. L'affolement me gagnait. La nu‚e de papillons m'aveuglait. Je d‚gainai mon poignard. Je sentis des crocs tiŠdes de bave se refermer sur ma cheville. La terreur me fit me retourner en pleine course. Je me cassai la gueule mais les dents lƒchŠrent mon mollet. Je ne voyais plus rien assis au milieu des herbes. Impossible de pr‚voir d'o— allaient surgir les monstres. Dans ma poitrine, mon coeur cherchait … p‚ter mes cotes pour s'enfuir. Il ne voulait pas rester l…, … hauteur de cerbŠres. J'ai eu le premier sur un coup de bol. Il a jailli du c“t‚ o— je regardais. Des babines ‚normes, noires et grima‡antes, retrouss‚es sur des sabres jaune sale. Et un corps de l‚zard velu accroch‚ … cette tˆte hypertrophi‚e perc‚e d'yeux minuscules. J'ai lanc‚ le poing gauche qui a cogn‚ la mƒchoire inf‚rieure. Le couteau suivait dans ma main droite. Il s'est enfonc‚ dans la gorge jusqu'… la garde. Le sang a gicl‚ sur mon bras, chaud et ‚pais. R‚pugnant, mais je commen‡ais … m'habituer. La bˆte a roul‚ au sol, m'arrachant mon poignard de la main. Cette saloperie vivait encore. Retomb‚e sur ses pattes tordues de crocodile, elle a redress‚ le cauchemar qui lui servait d'entrep“t … cervelle. Le sang giclait … l'horizontale. Se traŒnant sur le ventre, le monstre … ramp‚ vers moi. J'‚tais t‚tanis‚, incapable de bouger. Il a claqu‚ des crocs … deux millimŠtres de ma jambe en s'‚croulant. Une panique complŠtement insens‚e m'avait envahi. Elle jaillit son forme d'un long cri de pure hyst‚rie qui faillit me d‚boŒter la mƒchoire. Je me suis relev‚, ai sorti le sabre de son fourreau. Les autres raclures d'‚prouvettes de docteur Frankenstein continuaient … me tourner autour mais sans oser attaquer. Je d‚gageai un cercle autour de moi en pi‚tinant les herbes. La terreur faiblissait mais j'avais pris une d‚cision. Je ne bougeais pas d'un pas avant d'avoir d‚bit‚ en rondelles toutes ces aberrations g‚n‚tiques … grandes dents pas aseptis‚es. J'ai entendu crier. C'‚tait Lucy qui m'appelait : - Molotov ! Par ici ! Molotov, rejoins-moi. Je r‚ussis … rep‚rer sa silhouette … travers le maelstr”m de papillons. Elle se dressait sur une espŠce d'entablement rocheux qui ‚mergeait de la pelouse. Malgr‚ ma peur, je me pr‚cipitai dans sa direction et, aussit“t, ‡a se remit … gronder beaucoup trop prŠs de mes chevilles. Fouettant l'herbe autour de moi … grands coups d'‚p‚e, je laissai les ailes de l'effroi m'emporter. Je crus m'‚vanouir de bonheur en sentant la duret‚ du calcaire sous mes sandales. J'allais sortir de l'herbe, enfin voir ce qui se passait autour de moi. J'‚prouvais le soulagement qui doit envahir le naufrag‚ touchant terre aprŠs deux jours pass‚s au milieu d'un oc‚an rempli de cr‚atures humanophages. Tout surpris d'‚merger du gazon intact, je galopai jusqu'… Lucy au centre du caillou. Nous disposions d'une zone d‚couverte d'environ cinq mŠtres de rayon autour de nous. Je les attendais de pied ferme, les cerbŠres ! Pas fous, les monstres n'approchŠrent pas. Ils ne constituaient cependant plus notre problŠme principal. Huit cavaliers nous avaient rejoints. Des copains des trucid‚s, je reconnaissais les casques ronds. Ils galopaient autour de notre Œlot en braillant ou en soufflant dans de longues cornes recourb‚es en h‚lice qui sonnaient comme aurait pu le faire une sirŠne de police victime d'une grave crise de m‚lancolie. Ils soufflaient fort, ‡a rendait le vol des papillons instable … la sortie de la corne. Lucy attrapa le poignet de ma main tenant le sabre. Elle le tordit jusqu'… placer la lame sous sa gorge. Mˆme si j'occupais cette fois le bon c“t‚ de l'‚p‚e, une dr“le d'impression m'envahit … me retrouver ainsi dans la mˆme situation que lors de notre premiŠre rencontre. L'‚paisse tranche de m‚tal mat, pas trŠs propre, avait quelque chose d'obscŠne si prŠs de sa peau si fine et si blanche. Une respiration haletante soulevait ses seins orgueilleux sous les ‚cailles de dragon. - Tiens ta parole, Molotov ! Elle ne tremblait pas. Elle poss‚dait un sacr‚ courage, cette gosse. Ses ongles s'enfoncŠrent dans mon poignet. - Tu as jur‚. Tiens ta parole ! J'attrapai son ‚paule, crispai mes doigts sur le pommeau de mon arme. Le geste ‚tait si simple. Je ne lui devais rien aprŠs ce qu'elle m'avait fait subir, mais j'avais jur‚. J'ai essay‚ et quatre perles ‚carlates ont pouss‚ au contact de la lame et de sa peau. Je ne pouvais pas ! J'ai lƒch‚ l'‚p‚e, baiss‚ la tˆte. Elle m'a saisi le bras de sa main libre. - Oublie ta lƒchet‚ pour une fois, Molotov ! Tiens ta parole ! Ce qui m'attend est cent fois pire que la mort. Sa voix rauque vibrait de colŠre mais aussi d'autre chose : un tremblement de peur et de supplication. J'ai lev‚ les yeux, les ai plong‚ dans les siens. Une ‚motion incontr“lable enflait dans ma poitrine comme une bulle. - Tu ne comprends pas. Je veux que tu vives. JE VEUX QUE TU VIVES ! Et je l'ai embrass‚e. La surprise l'a crisp‚e une fraction de seconde. Puis ce fut comme si elle fondait dans mes bras. Elle a r‚pondu … mon baiser et le temps s'est arrˆt‚ dans une immense caresse d'ailes de papillons. Un machin dur l'a briŠvement remis en route en m'‚crasant la nuque. Je devais me rendre … l'‚vidence, le port du casque ‚tait plus que conseill‚ sur cette planŠte. Je suis sorti d'hibernation avec une gueule de bois... ® Non, Alexandre Molotov ! a glapi une voix aussi int‚rieure que courrouc‚e. Assez rˆv‚ ! Tu ne sors pas d'hibernation, tu reviens … toi. Et tu ne souffres pas de gueule de bois, mais de la r‚duction de ton cervelet … l'‚tat de d‚goulinure. Ils est en train de te couler dans les chaussettes, si tu veux tout savoir. ¯ ® Je n'ai pas de chaussettes, r‚pliquai-je … mon int‚rieur. ¯ Maudit soit l'inventeur des int‚rieurs. Le mien ‚tait non seulement compos‚ d'une voix acariƒtre et d'une migraine apocalyptique mais ‚galement d'une fourmiliŠre de crampes et d'une faim … bouffer tout cru du cerbŠre. J'examinai l'ext‚rieur pour me changer les id‚es et elles ne changŠrent pas. A poil (je n'avais mˆme plus le bracelet clignotant), j'occupais une cage faite de longues branches souples li‚es par des jonc tress‚s. Une cage taill‚e sur mesure o— l'on avait d– m'introduire au chausse-pied. Juste ma pointure, je ne serais pas entr‚ habill‚. Accroupis, les bras repli‚s sur le ventre et le dos vo–t‚, je la remplissais entiŠrement. Pas question de bouger quoi que ce soit. Ce constat rendit aussit“t dix fois plus atroce la souffrance impos‚e par ma position. Mais comment s'occupaient-ils avant mon arriv‚e, tous ces gens, quand ils ne disposaient pas d'un Molotov … affamer, torturer, ‚puiser et humilier ? Je fermai les yeux et m'obligeai … respirer lentement, me concentrant sur mon ventre et mes poumons. Je projetai ensuite ma conscience dans chacun de mes muscles, commen‡ant par les orteils, et leur appliquais ce que mon professeur de relaxation, dans le Babylone, appelait un massage int‚rieur. Ils se d‚tendirent un peu et la douleur redescendit d'un cran dans l'‚chelle de l'insupportable. Assez pour que je puisse commencer … me demander s'il n'existait pas un moyen de sortir d'ici. Ma nouvelle demeure ‚tait suspendue sous un tr‚pied constitu‚ de trois poteaux massifs. Elle tournait lentement sur elle-mˆme, ce qui ajoutait peu … peu la naus‚e … mes autres maux mais me permettait de d‚couvrir le camp d'Urimayel. Car c'‚tait bien l… que je me trouvais, aucun doute. Mon coup sur le cigare (… moins que ce ne soit l'‚motion provoqu‚e par le tendre b‚cot ‚chang‚ avec la sculpturale Lucy), m'avait envoy‚ passer la journ‚e dans le coma. Le soleil se couchait. Ses rayons embrasaient les nuages de fum‚e d‚gag‚s par des feux d'herbe humide allum‚s partout dans le camp. Ils tenaient les papillons … peu prŠs … distance mais plongeaient le vaste ensemble de tentes, de huttes et d'enclos dans une brume mouvante … l'odeur ƒcre. L'espace ‚tait partag‚ en trois parties nettement s‚par‚es. Au plus loin de moi, … l'ouest, un grand nombre de chevaux broutaient, accroch‚s chacun … un piquet. Juste en dessous de ma boŒte, des buissons d'‚pineux secs s'entremˆlaient pour former la cl“ture d'une enceinte o— se dressaient de mis‚rables cabanes d'herbes. Je vis y p‚n‚trer une file d'Indiens. Poussi‚reux, ils marchaient en traŒnant les pieds, ‚paules vo–t‚es. Six hommes les escortaient. Et six femmes ! Ces guerriŠres exhibaient le mˆme ‚quipement que leurs collŠgues masculins. Des mochet‚s, d‚cidai-je, sales et trop baraqu‚es, mais les s‚vices ont tendance … nuire … mon objectivit‚. Le groupe d'insectes mƒles et femelles ‚parpilla son troupeau d'une g‚n‚reuse vol‚e de coups de javelot puis se dirigea vers mon manŠge … moi. Je le perdis de vue quand un souffle d'air me fit pivoter vers la partie centrale du camp, la plus importante. Les tentes rayonnaient en d‚sordre autour de celle du milieu, de trŠs loin la plus grande. Elles ‚taient taill‚es dans une espŠce de feutre noir pos‚ au centre sur un poteau et tendu par des cordages sur le pourtour. Quelques Indiennes et de nombreux soldats circulaient dans les all‚es qui les s‚paraient. Je sentis ma prison qui descendait. Elle toucha le sol. Ne pouvant lever la tˆte, je voyais … peine plus haut que les cuisses qui m'entouraient. On allait me lib‚rer ! Enfin ! Bernique ! On glissa deux javelots au ras de mon oreille gauche, deux autres de l'autre c“t‚. Et je quittai … nouveau terre dans ma capsule, tout mes muscles hurlant de d‚ception. Mes porteurs me conduisirent ainsi dans ce qui ne pouvait ˆtre que la grande tente, celle du maŒtre des lieux. Des tapis en couvraient le sol. On me reposa, me laissant … mon supplice dans mon cube. Je souffrais au pied d'une estrade basse couverte d'un monceau de coussins. Un homme s'y vautrait, langoureusement ‚tal‚, tous ses muscles d‚tendus, ses membres allong‚s, prenant un maximum de place alors que j'en avais si peu. Je ne pouvais ‚tudier son visage mais son ensemble en peau de dragon r‚v‚lait un corps mince et nerveux, … peu prŠs de ma corpulence. Des Indiennes pr‚paraient d'autres couches autour de moi. Devant les coussins, elles disposaient des plats charg‚s de nourriture sur les tapis. Leurs fumets se mˆlaient au parfum musqu‚ d‚gag‚ par la fum‚e bleue qui s'‚chappait de boules de m‚tal brillant suspendues au plafond de la tente. Des torches et des braseros jetaient des lueurs mouvantes sur la scŠne. Les convives s'installaient. Des soldats des deux sexes dont rien n'indiquait qu'ils avaient un grade particulier. Personne ne s'occupait de moi. Ni de ma faim, ni de ma souffrance. Le jeu consistait peut-ˆtre … festoyer en me regardant crever l…-dedans ? De rage, je chiai sur le tapis. CHAPITRE XI Rien de particulier ne se produisit tout d'abord. Puis je remarquai que les d‚marches, autour de moi, devenaient plus incertaines. On s'arrˆtait, tournait un peu sur soi-mˆme. Comme si on cherchait quelque chose. - Qu'est-ce qui pue comme ‡a ? a tonn‚ le vautr‚ de l'estrade. - C'est moi ! ai-je cri‚. Le prisonnier. H‚las, Elias, j'ai bien peur d'avoir sali ton tapis. Les bottes en gros cuir grenu de patte de dragon, avec leur ergot au niveau de la cheville, se sont approch‚es. Urimayel s'est accroupi devant ma boŒte. Une courte barbiche soigneusement taill‚e accentuait l'‚troitesse de son visage et la sensualit‚ de sa bouche aux lŠvres de gourmand. Une lueur proche de la d‚mence luisait dans ses yeux noirs. Il avait une voix de chanteur de charme. - Est-ce ainsi que l'on se comporte en soci‚t‚, chez toi, ‚tranger ? Mon bracelet orange clignotait … son poignet. - Seulement quand on n'est pas content de l'accueil, r‚pondis-je. Il ‚clata de rire. - Pas content ? Mais tu es vivant. Je lui pissai sur les bottes. Urimayel n'eut toutefois pas le sursaut d‚go–t‚ que j'attendais. Il ne fr‚mit pas, ne perdit mˆme pas son sourire. Il ne bougea pas tout le temps que je me vidais. L'‚clat dans ses yeux devenait juste de plus en plus dingue. Il ne se releva que lorsque j'eus fini. - Tu m'amuses, ‚tranger. (Il se mit … tourner autour de ma cage, hors de mon champ de vision. Je ne pouvais que l'entendre. ) Ladur, emmŠne-le, lave-le, sors-le de l… et habille-le. Il me distraira ce soir au repas. Toi, apporte-moi des bottes propres. Et que l'on nettoie cette infection. Je repartis comme j'‚tais venu jusque dans une tente servant apparemment de salle-de-bains collective. Mes porteurs ne se compliquŠrent pas la vie pour ma toilette. Sans prendre la peine de me sortir de mon clapier, ils me jetŠrent dans un grand bac d'eau savonneuse pas trop nette puis attendirent que je me noie. Ils me sortirent juste avant. Pour me tremper dans de l'eau glac‚e. M'extraire de ma cellule exigea de trancher les liens qui en retenaient les faces ensemble. Je restai tout d'abord immobile en position de cube, incapable de croire que j'avais le droit de me d‚plier. Je bougeai un bras. La douleur explosa, pire encore que celle qui nouait tout mon corps. J'avais int‚rˆt … y aller doucement. Mes deux gardes ne partageaient pas ce point de vue. En une dizaine de coups de pied, ils m'avaient d‚coinc‚. Ce qui me permit de me rendre compte que c'‚taient des gardiennes : une brune renfrogn‚e et massive et une grande blonde plut“t bien roul‚e mais rapi‚c‚e en plusieurs endroits. Ce fut elle qui me tendit un de ces pyjamas grŠges que les Donjaidraaghoniens, mˆme ren‚gats, affectionnent tant. - J'attends ton supplice avec impatience, dit-elle, un rictus retroussant bizarrement ses lŠvres mal recousues. MaŒtre Urimayel a beaucoup d'imagination avec les gens qui l'amusent. - Joli nom, Ladur, roucoulai-je. Un joli nom pour une jolie fille. Elle me sourit avec toute la s‚duction que lui permettait le ravaudage. - Tu perds ton temps, ‚tranger... - Alex, la coupai-je. - Les hommes, vois-tu, Alex, ne me plaisent qu'en morceaux. (Sa grimace s'‚largit. ) Je vais bient“t te trouver trŠs s‚duisant ! Allez viens ! Le repas n'avait toujours pas commenc‚ quand j'entrai dans la tente d'Urimayel. On n'en ‚tait encore qu'… l'ap‚ritif. Des esclaves indiennes circulaient entre les convives avachis, versant dans des coupes d'‚tain martel‚ un liquide qui ressemblait fort … du vin rouge. Il y avait du relƒchement dans la cuirasse. Beaucoup ‚taient d‚nou‚es, certaines enlev‚es. Debout devant l'estrade, quelqu'un, cependant, gardait la sienne soigneusement boucl‚e. Gurth. Pas ‚tonnant qu'Urimayel ait su dans quelle direction lancer ses chasseurs. - Approche, Molotov ! lan‡a le maŒtre de s‚ant. Notre ami ici pr‚sent nous rapportait les propos que tu as tenus … la charmante Lucy. Ainsi, il paraŒt que tu n'appartiens pas … notre monde. Assis en tailleur, Elias ne me quitta pas des yeux tandis que j'avan‡ais. Deux diamants noirs et d‚ments scintillaient sous ses arcades sourciliŠres. Il tenait dans la main droite un sceptre lourdingue termin‚ par une grosse boule d'or ou de laiton. Deux serpents incrust‚s de pierreries s'enroulaient autour du manche. Je m'arrˆtai au pied du podium. Tous ces regards pos‚s sur moi sous ce chapiteau me donnaient une curieuse sensation : ce m‚lange de peur et de chaleur qui m'habite lorsque je donne un spectacle. J'‚tais en repr‚sentation devant une audience attendant que la distrais. Je faisais mon boulot, quoi. C'‚tait la premiŠre fois que je me sentais vaguement … ma place depuis mon r‚veil dans la salle d'hibernation d'Oph‚lIA. - O, toi qui viens de si loin, reprit l'allum‚ barbichu, ‚claires moi de tes conseils. Quelle r‚compense devrais-je accorder au noble Gurth pour m'avoir si obligeamment indiqu‚ o— aller vous convier … accepter notre hospitalit‚ ? Je n'eus pas r‚pondre. L'int‚ress‚ s'en chargea : - Tu m'as donn‚ ta parole, seigneur Urimayel. Si je te conduisais jusqu'… l'‚tranger, tu me donnais Dame Macyntire. - Ah oui, la fille, convint Elias d'un ton m‚ditatif. Ta r‚compense, c'‚tait la fille. Qu'on amŠne la r‚compense ! Des tentures suspendues … des cordes formaient comme une boŒte derriŠre l'estrade. Deux d'entre elles s'‚cartŠrent et le gros lot apparut … contrecoeur. Quelqu'un s'‚tait donn‚ du mal pour en soigner l'emballage. Et ‡a lui allait bien, … Lucy, la robe vaporeuse. Mieux que le dragon, je trouvais. Surtout ce genre de robe, fendue trŠs haut, qui d‚voilait ses longues jambes … chacun de ses pas. Une autre chose qui lui allait bien, c'‚taient les chaŒnes. De jolies chaŒnes de luxe, en m‚tal dor‚ assorti au bracelets qui serraient ses bras. Je dois avouer que la voir … son tour pieds et mains entrav‚s m'emplissait d'une langoureuse chaleur. Propre et peign‚e, serr‚e dans un diadŠme incrust‚ d'‚meraudes, sa chevelure ressemblait … une flamme prise au piŠge. Deux gardiennes l'accompagnaient, vˆtues comme elle de longs voiles d‚collet‚s serr‚s sous les seins. Les plus jolies filles de ce que j'avais pu voir de la bande d'Urimayel, avec leurs longs cheveux bruns et leurs yeux de biches en chaleur. Elles n'en avaient pas moins le muscle robuste sous la gaze. Le souffle de Gurth s'‚tait raccourci … l'arriv‚e de l'‚lue de son coeur. Ce type ‚tait gravement accro. Le malade fit un pas en avant. - Attends, attends, noble Gurth, l'arrˆta Urimayel. J'ai promis de te la donner et je te la donnerai... Laissant sa phrase en suspens, il resta l… … se caresser la barbiche avec le sourire d'un chat contemplant un oiseau englu‚. Cet homme aimait le th‚ƒtre. Nous pouvions peut-ˆtre monter un duo tout les deux. Gurth avait la respiration de plus en plus hach‚e. Je le comprenais. La situation puait l'embrouille. - Je te la donnerai, repris enfin Urimayel. Quand je m'en serai lass‚. Il se leva, ordonna d'un signe de tˆte qu'on amŠne Lucy sur le devant de l'estrade. Pouss‚e par ses gardiennes, elle tituba. Sa chaŒne laissait moins d'un mŠtre de libert‚ … ses pieds. Son nouveau propri‚taire pr‚senta l'esclave … l'assembl‚e. - Je vous la donnerai … tous. Tu la partageras avec mes hommes, Gurth. Et les femmes, je sais que certaines en tireront beaucoup de plaisir. Une ovation monta dans la tente. Gurth bondit, tirant son sabre. - Non ! Je ne te laisserai pas... Il ne finit pas sa phrase. Et n'atteignit pas son but. Urimayel braqua son sceptre vers lui, pressant du pouce la tˆte d'un des serpents qui ornaient son manche. Gurth tomba … genoux avec un cri de souffrance. Elias dirigea alors la grosse boule vers la figure du balafr‚. Ses cheveux s'enflammŠrent, la peau du visage cr‚pita puis noircit, d‚gageant une odeur de viande grill‚e. Gurth s'‚croula. Deux gardes se pr‚cipitŠrent pour emporter son corps. Elias Urimayel poss‚dait un thermique ! Une arme moderne malgr‚ son d‚guisement. D'o— la tenait-il ? Il la pointa dans ma direction. - Sauras-tu me distraire, ce soir, ‚tranger ? J'essayai un saut p‚rilleux mais j'‚tais encore beaucoup trop raide. Je tombai assis. Tout le monde s'esclaffa. - Je m'y emploierai, seigneur, fayotai-je. Il agita son machin … cuire les gens. - Non, je ne veux pas de pitreries. Je veux que tu me racontes ton histoire. Tu pr‚tends bien venir d'au-del… le ciel ? Je per‡us dans sa voix l'impatience que cachait le ton ironique. Le seigneur qui d‚tenait un thermique, celui qui ‚tait devenu fou depuis sa d‚couverte d'un sanctuaire, croyait en mon arriv‚e c‚leste. Que savait-il du reste de la galaxie ? S–rement qu'il existait d'autres mondes, je le sentais. Mais alors, depuis combien de temps attendait-il un t‚moin tel que moi ? Une grosse bouff‚e d'espoir me colla la chair de poule. Mes perspectives d'avenir s'am‚lioraient subitement. A d‚faut d'avoir de bonnes cartes, j'en avais du moins assez pour bluffer. Je me relevai. - Pourquoi t'en parlerai-je ? AprŠs, tu me tueras. Il sourit. - Lentement. Et peut-ˆtre pas aujourd'hui si tu m'int‚resses assez pour que je souhaite t'‚couter demain. Je secouai la tˆte, voulus faire un pas en avant. Quatre mains d‚nu‚es de douceur m'en empˆchŠrent. J'avais oubli‚ Ladur et sa copine, mes anges gardiennes aux serres d'acier. D'un fr‚missement de paupiŠres, leur maŒtre leur intima de me lƒcher. Je m'approchai tout prŠs. La boule g‚n‚ratrice de micro-ondes me fr“lait le menton. - Non, Urimayel. Que tu me mettes … mort un peu plus t“t, un peu plus tard, je m'en fous. Et, tu vois, la peur n'a jamais suffi … me rendre conciliant. Il me faut l'appƒt du gain. Qu'as-tu … me proposer en ‚change de la v‚rit‚ ? - Tu voudrais la vie sauve ? J'‚clatai de rire. J'avais l'ouverture, le moment de pousser le bluff arrivait. - Je veux ma libert‚. Dans une semaine. D'ici l…, je parlerai autant que tu le voudras, r‚pondrai … toutes tes questions. - Entendu, tu as ma parole. J'‚clatai … nouveau de rire. Il fron‡a les sourcils. - Non. Ta parole ne m'int‚resse pas. Tout simplement parce que je ne crois pas que tu attaches de valeur … toutes ces histoires d'honneur. Je te propose plut“t un jeu. Mon r‚cit, c'est ma mise, mon droit de participer. Si je gagne, je gagne ma libert‚ et toi tu perds mon supplice, ta vengeance. Il parut sincŠrement amus‚. - Pourquoi compliques-tu ainsi les choses ? - Parce que je crois que tu es un joueur et que tu respecteras tes engagements de jeu. Que vaut une parole d'honneur si l'on se fiche de l'honneur ? Et qu'est-ce qu'un joueur qui ne trouve plus de partenaires parce qu'il renie ses paris ? Un sombre feu d'artifice p‚tillait au fond de ses orbites. Un bref sourire complice dansa sur ses lŠvres, comme si je venais de lui r‚v‚ler que nous partagions un secret. - Tu as raison, lan‡a-t-il. Il n'y a pas d'autres lois r‚gissant l'univers que les rŠgles des jeux. Quelles sont celles du tien ? J'avalai le rictus de triomphe qui naissait sur mes lŠvres. Trop t“t. Beaucoup trop t“t. La partie ne venait que de s'engager. - Elles sont des plus simples. Si tu bois un verre de vin, j'en bois un. Et si j'en vide un, toi aussi. Le premier qui roule sous... (Je regardai autour de moi, pas de tables. ) Le premier qui s'‚croule a perdu. - Pari tenu. (Il ‚leva la voix. ) Vous entendez, tous ? Si je succombe … l'ivresse avant l'‚tranger, il reprendra sa libert‚ dans une semaine. Si c'est lui, il me doit son r‚cit et je garde mes droits sur sa mort. - Nous entendons ! gueulŠrent d'une mˆme voix tous ses sbires et sbirettes. - Comme tu peux en juger, Molotov, notre d‚fi est enregistr‚, me dit Urimayel. Maintenant, je t'‚coute. Je secouai la tˆte et une grimace pas contente tordit ses traits. - Tu vas devoir encore attendre, expliquai-je. Un conteur dont le ventre hurle de faim ne vaut rien. Un vrai sourire illumina son visage et je d‚couvris le charmeur qui avait s‚duit la jeune Lucy. Il descendit m'attraper par les ‚paules. - Je comprends maintenant pourquoi le peuple d'au-del… le ciel s'est d‚barrass‚ de toi. Rien ne te satisfait jamais. J'ai ‚t‚ comme toi. Viens manger avec moi. Il m'entraŒnait sur l'estrade. - Puis-je exprimer une autre requˆte ? Il prit un ton faussement exc‚d‚. - Que vas-tu me demander maintenant, pour te mettre en voix ? Une femme et un lit ? - Plus agr‚able encore. Je voudrais que ce soit Dame Macyntire qui me serve. J'adressai un petit bonjour de la main … l'int‚ress‚e. Si elle continuait … abuser de la mimique outrag‚e, elle allait rider avant l'ƒge. Urimayel me serra un peu plus fort contre lui. Je lui plaisais de plus en plus. - La fiŠre Lucy, h‚ritiŠre des vertus du clan Macyntire ! rugit-il. Excellente id‚e. Il me lƒcha pour se planter devant la miss coinc‚e par ses gardiennes. D'un geste langoureux, il fit remonter la boule du sceptre le long de ses cuisses jusqu'au creux en V du pubis. Je vis son doigt effleurer l'interrupteur en forme de tˆte de serpent. Lucy se mordit la lŠvre de douleur. - Et elle va ob‚ir, reprit-il, si elle tient … pouvoir un jour se venger. Il m'indiqua un gros pouf o— m'asseoir, se laissa tomber … c“t‚ de moi. Il baissai la voix pour que personne d'autre ne l'entende : - Je me souviens encore de sa fraŒcheur de pucelle... Et de son sang. (Il ‚mit un petit bruit de langue ironique mais une vraie souffrance transparut dans son ton. ) Tant de candeur bafou‚e, quelle honte ! Ce type me fascinait de plus en plus. Il ‚tait brillant, raffin‚, sensible.... Et tout autant pervers et cruel. Il ‚tait surtout profond‚ment dingue. D'une folie d‚sesp‚r‚e. Le genre de folie qui a besoin de tout d‚truire parce qu'elle ne peut accepter l'imperfection du monde. Lucy commen‡a … nous pr‚senter des viandes grill‚es et des boulettes faites d'une pƒte gluante parfum‚e … diverses herbes. Je me r‚galai de la voir ainsi s'incliner avec d‚f‚rence devant moi. Le plaisir ne dura toutefois pas. Elle y mettait trop de maladresse. Sauce et graisse giclait de tous les c“t‚s. Ses gardiennes durent la remplacer. Urimayel parla pendant tout le repas. Nous buvions verre sur verre. Ensemble comme le voulait la rŠgle de notre jeu. Le vin ‚tait l‚ger et piquant, pas trop mauvais. Elias se livrait comme s'il retenait ces flots de mots depuis des ann‚es. Mais qui d'autre aurait pu le comprendre ou le croire ? Lucy ne m'avait pas tout dit. Mais peut-ˆtre ne savait-elle pas tout. Dans la lettre qu'il avait envoy‚e aux autres clans, celle que la jeune seigneur appelait une d‚claration de guerre, Elias justifiait l'inanit‚ de la quˆte du graal. Il expliquait ce qu'elle cachait en r‚alit‚. Et il donnait des preuves. Ces preuves qui avaient conduit ses parents … chercher … le cloŒtrer afin de l'empˆcher de d‚voiler la v‚rit‚. En outre, … l'en croire, il n'avait pas attaqu‚ les autres fiefs quand les clans n'avaient pas r‚agi … ses r‚v‚lations. Il s'‚tait juste content‚ d'envoyer des ‚missaires parler directement aux serfs de ses voisins. Leurs maŒtres n'avaient pas support‚ qu'il mette ainsi en p‚ril leur pouvoir. Il racontait d'une voix sifflante qui passait soudain et sans raison au ricanement. Les mots se bousculaient. Il ne s'en rendait pas compte mais d‚crivait en mˆme temps sa propre trajectoire. Comme Lucy, il avait profond‚ment et sincŠrement cru … la grandeur de son destin et de celui de sa caste. Et cette foi s'‚tait ‚croul‚e du jour au lendemain, ne lui laissant qu'une solution s'il voulait retrouver respect en lui-mˆme : se battre contre les illusions dans lesquelles il avait grandi. Et il avait d‚couvert que ceux qu'il aimait et admirait le plus pr‚f‚raient ces illusions … la v‚rit‚. Afin de pouvoir mener malgr‚ tout son combat, il avait d– tuer ses parents. Un meurtre inutile puisqu'au bout du compte, il ne l'avait conduit qu'… l'‚chec. Elias Urimayel ne s'‚tait pas donn‚ la mort … temps. Maintenant, il voulait tout emporter avec lui. Ce qu'il m'avait expliqu‚ me permettait de comprendre la soci‚t‚ donjaidraaghonienne, ses traditions archa‹ques et ses curieuses croyances. Pour le mˆme prix, j'avais acquis une sainte trouille de l'ancien seigneur qui me tenait en son pouvoir. Je n'avais qu'une seule et faible chance d'‚chapper … ses griffes : ne pas rater mon petit num‚ro de ce soir. Il ‚tait temps d'entrer en scŠne. CHAPITRE XII - Oyez !... Oyez, braves gens, la complainte de l'‚gar‚ d'outre-ciel ! Bras ‚cart‚s, je m'‚tais dress‚ sur l'estrade. Un saut p‚rilleux me propulsa en bas. Je pirouettai face … Urimayel. - D‚couvrez, vaillant seigneur, les merveilles de l'univers qu'il contempla... (Je me tournai vers la boudeuse Lucy qui se tenait debout derriŠre lui sur sa droite. ) Et vous, gente dame, les souffrances que connut son coeur. Je marchai … grands pas le long de l'arŠne form‚e par les coussins o— se vautraient les dŒneurs. - Ecoutez tous, nobles f‚aux et intr‚pides serviteurs, le r‚cit d'un des v“tres. R‚pudi‚ par son seigneur, il devint son propre maŒtre. Je tombai … genoux devant une guerriŠre pas trop vilaine et un brin coquette … en juger … ses joues fard‚es. - Le d‚pit le jeta dans le lit de femmes qu'il n'aimait pas malgr‚ leur beaut‚. Je me traŒnai deux couches plus loin devant une de ses consoeurs … la carrure de grison. - Parfois, ce fut l'appƒt du gain qui l'attira entre leurs bras. Le monstre androgyne me fixa avec de grandes billes vides tandis que le sens de ma phrase cherchait … se frayer un chemin vers sa cervelle. Alors que tout espoir semblait perdu, le feu d'artifice de la compr‚hension ‚claboussa brusquement de lumiŠre l'int‚rieur poussi‚reux de sa boŒte crƒnienne. La bˆte humaine en lƒcha l'os qu'elle rongeait. L'hilarit‚ l'‚trangla. Elle en pleurait. Tout le monde commen‡a … glousser autour d'elle. Elle finit par retrouver son souffle. - Te payer pour baiser ? lƒcha-t-elle. Mais qu'est-ce que je ferais d'un asticot comme toi ? Son petit doigt mima ce qu'elle pensait de ma virilit‚. Un gigantesque ‚clat de rire souleva la tente. Je tenais mon auditoire. Je me relevai l'air outrageusement penaud, me dirigeai l'‚chine courb‚e, comme accabl‚ par les sarcasmes qui fusaient, jusque devant Urimayel. Je redressai lentement le dos et le calme revint. - J'ai connu des ‚checs, poursuivis-je. (Je tournai briŠvement la tˆte vers Miss Grison, chargeai ma voix de tr‚molos.) De terribles ‚checs... (Je ramassai ma coupe, pleine, sur l'estrade et la levai. ) Mais aussi le succŠs. Ah, mˆme l'ivresse de la passion ne peut ‚galer celle du triomphe. Yeux dans les yeux, Elias et moi vidƒmes notre vin. Je jetai ma coupe en l'air. - Mais trˆve d'introduction, venons en aux faits. Et puisqu'ils ne sauraient ˆtre racont‚s dans le d‚sordre, ne nous trompons pas de point de d‚part : commen‡ons par la fin. Par votre monde, Donjaidraaghon. Je l'ai contempl‚ en tombant d'une hauteur d'o— les plus imposantes montagnes ressemblent aux rides que cr‚ent le rire au coin des yeux des enfants. Connaissez-vous sa forme ? - Que veux-tu dire ? s'‚tonna Elias. Il est rond, bien entendu. Je sautai … c“t‚ de lui mais n'eus pas le temps d'attraper son bras. Les deux gardiennes de Lucy avait bondi pour m'immobiliser. Il avait cependant compris mon geste et me tendit son poignet. - Rond comme ce cadran ? demandai-je en indiquant le bracelet qu'il m'avait d‚rob‚. Rond et plat ? Il opina du chef. Je regagnai l'arŠne d'un saut p‚rilleux arriŠre. J'arrondis les bras et effectuai une pirouette. - Et bien non. C'est une boule et elle tourne. Elle tourne sur elle-mˆme. Un pli barra le front d'Urimayel. Il doutait. Aucune perplexit‚, en revanche, chez Mlle Macyntire. J'‚tais dingue, point. Sa moue de m‚pris en ‚tait presque compatissante. - Et non seulement elle tourne sur elle-mˆme, poursuivis-je. Mais elle tourne ‚galement autour d'une autre boule. Une boule de feu. Votre soleil. Mes bras dans la mˆme position de danseur, j'effectuai un tour complet de l'arŠne en pirouettant. Quolibets et nourritures diverses fusŠrent sur mon passage. J'avais un public plein de bon sens : il trouvait malpoli de se voir infliger des v‚rit‚s qu'il n'avait pas demand‚es. Quand je m'arrˆtai devant mon principal auditeur, il n'y avait pas que les boules qui tournaient. Je laissai ma tˆte cesser de les imiter. Une nouvelle coupe m'‚tait apparue dans la main. Je la vidai. - Et les ‚toiles que tu vois la nuit dans le ciel, dis-je … Urimayel, sont d'autres soleils, autour desquels tournent d'autres planŠtes - d'autres mondes si tu pr‚fŠres. Mais ils sont tellement loin que tu ne discernes que l'‚tincelle de leur feu. - Puisque tu pr‚tends tout connaŒtre du ciel et de la terre, ‚tranger, intervint Lucy d'un ton d‚daigneux, tu sais donc o— siŠge l'Arbitre Suprˆme. Je tuai le sourire ironique qui me venait au lŠvres. - Non, r‚pondis-je. Mais ce que je ne sais surtout pas, c'est s'il existe. Un brouhaha d'insultes s'‚leva dans mon dos. Je me retournai pour faire face aux guerriers en colŠre. J'‚levai la voix : - Nombreux sont ceux, d'o— je viens, qui croient comme vous en un cr‚ateur de l'univers et en des rŠgles qu'il aurait institu‚es. Nombreux sont ceux partis … sa recherche aux quatre coins du ciel. Aucun ne l'a jamais trouv‚. Je n'avais pas convaincu mon auditoire. Les cris de colŠre et les invitations … me faire subir diff‚rents supplices m'empˆchaient de me faire entendre. Je pr‚f‚rai m'adresser … Elias, plus proche. - De toute maniŠre, ils n'ont jamais trouv‚ non plus … se mettre d'accord sur ce qu'‚taient ces rŠgles. Le barbu avait pliss‚ les yeux. On n'en distinguait plus que l'‚clat noir et fou qui hantait les pupilles. Il bondit brusquement sur ses pieds, ‚carta les bras. - Ecoutez-moi ! rugit-il, et les vocif‚rations cessŠrent aussit“t. Quels sont ceux parmi vous qui sont n‚s guerriers ? Quelques bras s'agitŠrent, h‚sitants. - Que les autres se lŠvent ! ordonna le seigneur. Ils ‚taient la majorit‚ et la quasi totalit‚ des femmes. - Tous, vous avez donc enfreint les lois que l'on vous avait enseign‚es. Vous n'avez pas attendu une r‚incarnation pour changer de caste, ‚chapper … votre condition de serf. - Mais nous le paierons dans notre prochaine vie, clama une voix. L'orateur se tourna dans la direction d'o— elle provenait. - En es-tu si s–re, Ladur ? Crois-tu que je vous aurais invit‚s … me rejoindre si je pensais condamner ainsi vos existences futures ? Non, j'ai approch‚ du graal et je peux vous affirmer que vous ne devez rien redouter de l'Arbitre Suprˆme. Ses v‚ritables rŠgles ne sont pas celles dont les seigneurs se servent pour d‚fendre leurs privilŠges. - Tu mens, sacrilŠge ! cracha Lucy. Et tu outrages la m‚moire de tes ancˆtres ! Elias ne se soucia pas de lui r‚pondre. Il me fixait. - En revanche, ‚tranger, je peux te garantir que l'Arbitre Suprˆme existe. Il se rassit sur ses coussins et il y eut un moment de silence. Je ne savais plus par quel bout reprendre mon r‚cit. - Sais-tu, reprit Urimayel … voix plus basse, que ton bracelet indique la direction d'un des sanctuaires cr‚‚s pour l'Arbitre Suprˆme ? J'ai ‚chou‚ … y p‚n‚trer malgr‚ mes hommes et mes pouvoirs (il caressa le thermique tarabiscot‚ pos‚ … c“t‚ de lui dans les coussins). Vous ne poss‚diez aucune chance d'y parvenir. (Il claqua dans ses mains. ) Bon, assez philosoph‚, poursuis tes contes ! Qu'ils soient la v‚rit‚ ou un tissu de mensonges, quelle importance tant qu'ils nous distraient. ® Tu nous parlais des ‚toiles et des mondes qui tournent autour. Comment s'appelait celui sur lequel tu es n‚ ? Il venait de me remettre le pied … l'‚trier avec l'aisance d'un professionnel. J'‚clatai de rire. Attrapai ma coupe et la levai. - Il ne s'appelle pas, puissant seigneur, car je ne suis pas n‚ sur un monde. Non, je suis n‚ au coeur du ciel. Nous b–mes. Puis un enchaŒnement de flips arriŠre me ramena au centre de l'arŠne. - Laissez-moi vous d‚crire, “ nobles chevaliers, le ventre de fer o— j'ai grandi. Les fˆtes somptueuses qu'y donnait mon maŒtre. Les machines magiques qui nous servaient. Et les abŒmes de savoir o— j'ai puis‚. Je ne cherchais plus … convaincre quiconque que je disais la v‚rit‚. Je me foutais tout autant de r‚v‚ler … ces abandonn‚s l'histoire de l'humanit‚ … laquelle ils auraient d– appartenir. De toute maniŠre, ils ne me croyaient pas. Je me fis plaisir : je transformai la vie d'Alexandre Molotov en une farce ‚pique. Le Babylone se remplit d'escaliers plus faciles … mimer que des ascenseurs. J'enr“lai des com‚diens, me vengeant … travers eux de mon pass‚. Ladur, aux muscles aussi secs que son nom, devint la douce et souple Isolde. L'hybride grisono-humano‹de incarna ma mŠre, un moustachu borgne et ‚dent‚ mon pŠre. Ces deux-l… avaient de l'avenir en tant que philosophes-danseurs. Leur ballet des mystŠres de la sagesse connut un franc succŠs. Un ancien serf fut promu au rang de riche commer‡ant intergalactique. Des tueurs sanguinaires pouffŠrent en rougissant lorsque je leur confiai le r“le d'amoureux transis. Une matrone presque aussi large que haute s'initia au menuet, un mastodonte complŠtement so–l aux subtilit‚s de l'espionnage. Tous ces figurants se pliaient de bonne grƒce … mes caprices. Le vin coulait … flot mais ni Urimayel ni moi n'oubliions notre d‚fi. Il tenait sacr‚ment le coup, le bougre. Mes acrobaties devinrent trop incertaines pour que je les continuent. Puis mon ‚locution s'empƒta. En dehors d'un regard vitreux, Elias ne donnait toujours aucun signe d'ivresse. Lucy, quant … elle, manifestait tous ceux du plus profond d‚go–t. Elle avait essay‚ plusieurs fois de se retirer mais ses gardiennes la retenaient par ses chaŒnes. Nous en arrivions … mon d‚barquement sur Anchor. Un moment dramatique, le h‚ros vient de perdre … la fois l'amour et ses illusions. C'est sa jeunesse qui meurt. Puis il se retrouve r‚duit … la misŠre. Et quand il vient demander le Revenu Minimum Individuel Garanti auquel il a droit, il tombe sur une I.A. complŠtement bouch‚e qui multiplie les pr‚textes administratifs de lui refuser l'allocation. Comme lors de la scŠne originale v‚cue dix ans plus t“t, je laissai toute ma hargne et ma frustration s'exprimer. Les mots se bousculaient, je battais des bras avec l'enthousiasme d'un pt‚rix batifolant dans un oc‚an d'intestins faisand‚s. Rendu maladroit par l'alcool, je finis par perdre l'‚quilibre. Assis dans la poussiŠre, je continuai en bon ivrogne … balbutier des paroles sans queue ni tˆte. Je vis des jambes en peau de dragon s'approcher d'un pas presque assur‚. Une petite barbiche noire et un regard trop humide entrŠrent dans mon champ de vision, tout prŠs de mon visage. On me colla une coupe dans la main. Urimayel leva la sienne. - A ta sant‚, ‚tranger d'outre-ciel ! ricana-t-il. Nous b–mes. Lucy nous fixait, livide. Mes paupiŠres se fermŠrent. - Elles tournent, grommelai-je. Bon sang, qu'est-ce qu'elles tournent. Et je tombai … la renverse. Urimayel avait gagn‚ notre pari. CHAPITRE XIII Je m'‚tais pr‚par‚ … ce qu'il me pisse dessus pour r‚parer l'affront que je lui avais fait subir. Mais il se contenta de vider sur mon visage les derniŠres gouttes qui traŒnaient dans sa coupe. Ce cher Elias me pr‚parait des gƒteries vengeresses bien plus sophistiqu‚es qu'un simple jet d'urine. - Tu m'as d‚‡u, ‚tranger, l'entendis-je marmonner. Quelle connaissance pourrais-tu d‚tenir alors que tu en sais si peu sur toi-mˆme ? (Il ‚leva la voix. ) Emporte-le, Ladur, et mets-le avec les esclaves. La guerriŠre obtemp‚ra, me jetant sur son ‚paule. La voix d'Urimayel nous suivit sur le chemin de la sortie. - Pas de cage, cette fois. Qu'il soit au mieux de sa forme pour poursuivre demain ses pitreries. Il aura tout le temps de souffrir quand il ne nous distraira plus. Dehors, j'aurais pr‚f‚r‚ que la lune ne mŒt pas autant d'entrain … jeter ses rayons partout. J'aurais encore plus pr‚f‚r‚ que Suvol, la copine de Ladur, reste … banqueter avec ses collŠgues. Mais on ne peut pas demander que les paris tournent entiŠrement comme on le voudrait. J'avais d‚j… gagn‚ une bonne partie du mien, du vrai : me croyant ‚vanoui, on ne m'avait pas saucissonn‚, pli‚ en cube ou coup‚ en rondelles avant de m'emmener prendre l'air. Mieux, pour traverser le d‚dale qui nous s‚parait de l'enclos o— l'on parquait les prisonniers, mon escorte coupait au plus court. Elle emprunta un ‚troit passage entre la tente salle-de-bains et une autre sous laquelle on riait et beuglait beaucoup. Trop basse sur l'horizon, la lune ne nous ‚clairait plus. Et les cordes qui tendaient les deux abris de toile gˆnaient la marche. Suvol avait pris de l'avance. C'‚tait maintenant ou jamais. Ladur eut deux mauvais r‚flexes quand je lui plantai son poignard dans le rein : elle me lƒcha et ‚mit un hoquet de surprise au lieu d'un cri d'alerte. Je tombai derriŠre elle, roulai. Elle se retourna. Elle aussi avait bu. Je l'‚gorgeai avant qu'elle eut fini de sortir son sabre. Son hurlement arriva trop tard pour atteindre ses cordes vocales. Je la soutins tandis qu'elle m'inondait de sang en gargouillant. J'entendis Suvol revenir sur ses pas, h‚sitante. Elle ne me voyait pas dans l'obscurit‚ derriŠre son amie. - Ladur ? appela-t-elle sans oser hausser la voix. Elle approcha encore. Je vis sa main se poser sur l'‚paule de la mourante. Je lƒchai d'un coup la cuirasse que je retenais et mon bras se d‚tendit comme un ressort. Ma lame trancha net le larynx puis termina sa course entre deux vertŠbres. Suvol mourut sans un cri, sans jet de sang, sans mˆme quelques secondes d'agonie. Je devenais un v‚ritable sp‚cialiste de l'assassinat. Je me penchai pour r‚cup‚rer le poignard et mon estomac se r‚vulsa. Je vomis sur le cadavre tout ce qu'il contenait. Et plus encore. Le spasmes ne s'arrˆtaient plus. Ils me semblaient produire un vacarme assourdissant, un bruit tel qu'il ne pouvait manquer de me d‚noncer. Mais les rires se poursuivirent de l'autre c“t‚ du pan de feutre. On picolait trop dans ce campement pour que ce genre de gargouillis ‚tonne ou int‚resse quelqu'un. Il fallait maintenant cacher les corps. Je soulevai le flanc de la salle-de-bains. Silence et obscurit‚. Je me glissai sous la toile, la soutenant avec mon dos, et tirai la d‚pouille puante de Suvol. Des gicl‚es de bile se remirent … mitrailler mon oesophage. J'attrapai ensuite Ladur par les pieds. Tout se d‚roulait trop bien, ‡a m'inqui‚tait. Je retrouvai dans le noir les bacs d'eau savonneuse et de rin‡age. On ne les avait pas vid‚s. Je me lavai du sang de Ladur. Nettoyer ensuite mes vˆtements me prit longtemps, je ne devais pas faire de bruit. Glac‚s lorsque je les enfilai … nouveau, le pantalon et la tunique ti‚dirent tandis que j'astiquais la cuirasse et le casque de Ladur. Ils me permettraient avec un peu de chance de passer inaper‡u. Je balan‡ai ensuite les cadavres dans les cuves. Une op‚ration difficile … effectuer … tƒtons. Maintenant que j'‚tais … peu prŠs propre, je ne tenais pas … me tartiner … nouveau de sang ou de vomi. Je me faufilai dehors. Autant que je pouvais en juger, on n'effectuait pas de ronde … travers le camp. Une insouciance au fond peu surprenante. Les troupes d'Urimayel ‚taient compos‚es en majorit‚ de serfs et non de guerriers. Des hommes et des femmes qui avaient vendu leur ƒme et leur future r‚incarnation pour mener la belle vie de brigand pas pour s'embˆter avec la routine et la discipline militaires. Quant … leur chef, il ne d‚sirait au fond qu'une seule chose : qu'on le tue. Les rares personnes que je croisai en retournant … la tente du banquet avaient la d‚marche encore plus incertaine que la mienne. Aucune ne se soucia de regarder de prŠs ce qui se cachait dans l'ombre de mon casque. Mais j'arrivai trop tard sur le lieu de mes exploits th‚ƒtraux. J'en vis juste sortir une file d'esclaves indiennes surveill‚es par une escorte. Une escorte qui me parut, elle, en pleine possession de ses moyens et de sa lucidit‚. Manifestement, les pr‚pos‚s … la garde de la main d'oeuvre ne buvaient pas. Je les laissai s'‚loigner puis disparaŒtre dans la p‚nombre. Une esplanade d‚gag‚e s'‚tendait devant la vaste tente ovale, comme une place devant un ‚difice officiel. Je la contournai, me glissant sous les tendeurs des tentes qui la d‚limitaient, restant autant que possible dans les poches d'ombre. Il ‚manait du camp une rumeur d'assoupissement que d‚chirait parfois un ‚clat de rire ou de voix. J'‚cartai doucement le pan de toile fermant l'entr‚e. Deux ou trois torches vacillantes jetaient encore quelques lueurs. Coussins, coupes renvers‚es et restes de nourriture jonchaient le sol. Pas ƒme qui vive. Je me glissai le long de l'entourage jusqu'… l'estrade, jetai un oeil entre deux des tentures suspendues derriŠre. Elles cachaient un salon particulier orn‚ d'or et de pourpre et ‚clair‚ par des chandeliers. Personne non plus. O— avaient disparu Urimayel et Lucy ? Je repartis dans le d‚dale du camp, proc‚dai par d‚duction. Ils n'‚taient pas dans une tente o— l'on discutait … plus de deux. Mais forc‚ment dans une o— il y avait encore de la lumiŠre. Elias n'avait s–rement pas laiss‚ s'endormir aussi vite sa belle captive. Le problŠme venait de ce que c'‚tait exactement le genre d'endroit o— je ne pouvais pas entrer en mimant l'inadvertance. Je passai au moins une heure … explorer tout le campement. La lune commen‡ait … se coucher. Par ‚limination, j'avais r‚duit le nombre des possibilit‚s … deux : deux tentes de taille r‚duite et de forme circulaire situ‚es non loin l'une de l'autre derriŠre le chapiteau de r‚ception, en direction des pr‚s o— broutaient les chevaux. L'une ‚tait gard‚e, l'autre non. Je commen‡ai par la premiŠre. Ma toilette … l'eau glac‚e et la fraŒcheur nocturne m'avaient rendu ma s–ret‚ de mouvement. Je m'approchai sans bruit de l'arriŠre. J'entendais les deux sentinelles, … l'entr‚e, aller et venir d'un pas morne. La lame de mon couteau s'enfon‡a dans la toile. C'‚tait d‚cid‚ment mon soir de chance : l'autre sentinelle, … l'int‚rieur, s'‚tait endormie. Ce qui l'empˆcha de faire son boulot en m'embrochant lorsque j'‚mergeai juste en face d'elle. Les gosses aussi dormaient. Une demi douzaine d'enfants indiens prisonniers de lits cage. Je ressortis aussi silencieusement que je pus. Il ne me restait plus qu'… prier. Si la chance me lƒchait et que le garde assoupi se r‚veillait, l'entaille que je venais d'ouvrir dans le feutre allait foutre tout le camp en ‚moi. Il me restait en outre … engueuler vertement Alex Molotov. A le fouetter de onze mille verges mentales. A le bourrer de coups de brodequins plus clout‚s encore qu'imaginaires. A l'asperger d'huile bouillante. A lui coller des fourmis g‚antes d'Ardanapal plein son cale‡on. A lui infliger tous les discours de remerciements prononc‚s … l'Acad‚mie des Lettres de Nouvelle Paris. Et mˆme … regretter de l'avoir connu, nom d'une fausse couche ! Comment avais-je pu penser qu'un suicidaire comme Urimayel se livrait … ses malfaisances sous protection rapproch‚e ? J'aurais d– commencer par l'autre tente ! C'‚tait l'‚vidence ! Et ‚videmment, Lucy m'y attendait. Toute nue sur un lit bas recouvert de soie bleue. Ses pieds et ses mains attach‚s … des piquets plant‚s dans le sol la maintenaient sur le dos, bras et jambes ‚cart‚s. Quatre torches, aux sommets des piquets, et un cercle de courtes bougies rouges pos‚es par terre sur les tapis donnaient un curieux ‚clairage … la scŠne. Nu lui aussi, Urimayel ronflait, couch‚ entre les cuisses de la belle, la tˆte sur sa poitrine. Il me d‚cevait. Je lui aurais cru plus de fantaisie dans la d‚pravation. Je m'approchai sur la pointe des pieds. Une grimace d'intense souffrance tordait le visage de la jeune rouquine. Des larmes coulaient sous ses paupiŠres closes. Je posai un doigt sur ses lŠvres. Elle ouvrit les yeux et une lueur d'incompr‚hension dora ses immenses iris verts. - Il ne faut jamais croire les menteurs, murmurai-je. Je la d‚barrassai du poids de son violeur que je posai d‚licatement sur le tapis. - Il avait trop bu, il s'est endormi, confia sa victime avec une haine br–lante dans la voix. Je tranchai ses liens. Elle se redressa sans mˆme songer … sa pudeur. - Tue-le ! ordonna-t-elle. Il n'est plus qu'un d‚chet de lui-mˆme. Toujours aussi arrogante ! Elle l'avait aim‚, elle ne supportait pas qu'il soit devenu l'Urimayel d'aujourd'hui. Il me restait encore plusieurs meurtres … commettre cette nuit, j'avais envie d'une pause. - Il en serait trop heureux, r‚pliquai-je pour calmer les ardeurs vengeresses de l'imp‚rieuse bafou‚e. Il n'attend que cela, que quelqu'un lui donne la mort. Elle me jaugea, l'air songeuse. - Oui, tu as raison, convint-elle. - Nous devons nous d‚pˆcher, la pressai-je en “tant ma cuirasse. - Qu'est-ce que tu fais ? - Je me change. Depuis que je te connais, je rˆve d'essayer la peau de dragon. - Mais tu n'y as pas droit. Il faut... - Laisse tomber l'‚tiquette, nous ne sommes pas … la cour de ton pŠre. Et d‚pˆche-toi si tu veux la revoir un jour. Elle retrouva ses fringues au pied du lit, mˆl‚es … celles d'Urimayel. Je regardai ses mains tandis qu'elle enfilait les gants jaunes. Elles ‚taient aussi longues que les miennes mais nettement plus jolies. Nous nous habillƒmes en silence. Je r‚cup‚rai mon indicateur de pile … fusion au poignet d'Elias puis bouclai la ceinture de Ladur autour de ma taille. Je v‚rifiai dans mon dos la pr‚sence du poignard dans son fourreau. Je m'habituais au contact du sabre contre ma cuisse. Lucy ficelait Urimayel, toujours nu, … la place et dans la position qu'elle avait occup‚es sur la couche. Il ‚mit un grognement et elle d‚chira la housse d'un coussin pour le bƒillonner. Je cherchai le fusil thermique en forme de sceptre. Il se cachait s–rement sous les coussins. Saloperies, il y en avait partout. La sobri‚t‚ dans la d‚coration restait … inventer sur cette planŠte. Lucy, de son c“t‚ s'‚tait ‚quip‚e des armes serties de pierres pr‚cieuses de son ancien amoureux. Je dois avouer que j'aurais d– m'‚tonner de la voir planter le poignard dans le brasero qui rougeoyait … la tˆte du lit. Mais ce fichu g‚n‚rateur de micro-ondes continuait … m'‚chapper. Un grand machin pourtant. Je retournai … mes investigations. L'id‚e de me passer d'un appareil … massacrer aussi performant me fendait le coeur. C'est le cri ‚trangl‚ d'Urimayel qui m'a fait me retourner. Serrant les dents sur son bƒillon, le barbu semblait avoir un mal fou … empˆcher ses yeux de gicler hors de leurs orbites. - Tu ne mourras pas, Elias, a dit Lucy d'une voix de pimbˆche. Mais tu ne m'oublieras jamais. Elle avait entour‚ d'un chiffon la poign‚e du couteau qu'elle serrait dans sa main droite. La lame virait lentement au rouge sombre en refroidissant. La pƒte marron qui la maculait ‚mettait une ‚paisse fum‚e noire. Une ƒcre odeur de viande br–l‚e avait envahi la tente. - Et puis, tu n'as rien … regretter, tu n'arrivais plus … t'en servir. Sur cette ‚pitaphe, la castratrice a laiss‚ tomber par terre l'organe ex-viril qu'elle venait de sectionner. Puis elle a calmement regard‚ autour d'elle, rep‚r‚ une cruche et jet‚ son arme dedans. €a a bouillonn‚, un bruit qui m'a redonn‚ envie de vomir. Bon sang, mais ils ne pensaient donc qu'… ‡a sur cette planŠte : assassiner, mutiler ou r‚duire en esclavage ? Je me suis approch‚ du lit. La plaie d'Urimayel ne saignait pas mais avait une vilaine allure toute boursoufl‚e. Je ne sais pourquoi, je me suis vu … sa place. Un frisson m'a glac‚ l'‚piderme. On s'habitue … ces petites choses que l'on trimballe avec soi. Cette cicatrice, entre les jambes d'Elias, me faisait comme un grand froid au haut de mes jambes … moi. Je d‚tournai le regard et m'accroupis. Et il ‚tait l…, le sceptre, cach‚ sous le lit, sa grosse boule juste derriŠre le rabat en soie bleue. Je me suis redress‚ tout content, mon troph‚e … la main. La tˆte appuy‚e contre la tenture masquant l'entr‚e, Lucy me tournait le dos, secou‚e par de gros sanglots. La pauvre devait avoir terriblement peur que je m'ennuie pour enchaŒner ainsi les surprises. Je glissai le machin … cuire les gens dans ma ceinture et saisis ses ‚paules. Elle fondit en larmes dans mes bras. - Pourquoi j'ai fait ‡a ? balbutia-t-elle. Je n'avais pas le droit de faire ‡a. (Elle leva sa frimousse tremp‚e.) Il ne m'a mˆme pas viol‚e. Il n'a pas pu. Je n'avais pas le temps de lui expliquer qu'il avait justement commis en cela un affront. Le moins grave d'une longue s‚rie mais un de plus. Et que l'ego du seigneur Lucy Macyntire supportait mal les affronts. Je l'attrapai par le menton. Le chagrin lui donnait tellement l'air d'une gamine que j'avais pris un sacr‚ coup de vieux. - On ne s'‚veille qu'une seule fois … l'amour, et je crois que cette premiŠre fois est encore plus importante pour les filles que pour les gar‡ons. Personne n'a le droit de jouer avec ‡a. Je l'‚cartai de moi pour ajouter : - Je m'excuse de revenir … des consid‚rations bassement mat‚rielles mais notre nuit est loin d'ˆtre finie. Beaucoup de gens attendent encore que nous les poussions vers leur prochaine r‚incarnation. Elle fron‡a les sourcils. - Pourquoi ? Nous n'avons plus qu'… nous enfuir. Je secouai la tˆte. - Non, ce n'est malheureusement pas aussi simple. Ils auraient trop vite fait de nous rattraper. J'ai un plan mais il faut que tu m'ob‚isses. Tristesse et remords s'envolŠrent d'un coup, remplac‚s par un ‚tat beaucoup plus naturel chez cette jeune personne : une grosse colŠre. En lui demandant de suivre mes instructions, je venais de fouler aux pieds l'honneur de g‚n‚rations et g‚n‚rations de Macyntire. Quelque part dans l'azur, les cendres de douzaines d'imp‚rieux ancˆtres en caillaient d'humiliation. C'‚tait un programme de r‚incarnation vieux de plusieurs siŠcles que je mettais ainsi en danger. Jamais, de m‚moire donjaidraaghonienne, un seigneur ne s'‚tait abaiss‚ … ob‚ir … un va-nu-pieds, un ‚tranger sans parole, une vermine d'outre-ciel plus fourbe qu'un collecteur d'imp“ts, le fils d'un chien galeux et d'une pseudotruie gangren‚e, une raclure de crotte de pt‚rix atteint de d‚rŠglement intestinal, un... Je la bƒillonnai en poussant un soupir. Elle ‚clata de rire derriŠre mon gant, ‚carta doucement ma main. - Ne me redis plus jamais une chose pareille, souffla-t-elle. Puis elle m'embrassa. CHAPITRE XIV Nous manquions h‚las de temps pour les effusions. Je lui expliquai en quelques mots ce que j'avais pr‚vu. Elle se montra tout d'abord offusqu‚e que je m'apprˆte … tuer des Donjaidraaghoniens, mˆme ren‚gats, pour lib‚rer des esclaves mais finit par convenir que c'‚tait le seul moyen de prot‚ger notre fuite. Tout en parlant, j'‚tudiai le thermique. J'avais remarqu‚ que la tˆte triangulaire d'un des deux serpents s'enroulant autour du manche servait de d‚tente. Je dus encore trouver le cran de s–ret‚ : un cristal rouge sombre au coin de la mƒchoire. Mais il me fallait plus que cela : j'avais besoin de r‚gler la concentration du faisceau. Je tƒtonnai un moment avant de d‚couvrir que l'‚meraude (ou l'imitation) que serrait l'autre reptile dans sa gueule pivotait sur son axe. Je tournai la pierre … fond … droite, braquai l'arme vers le plafond de la tente, tirai un bref instant. Rien. Je dirigeai la boule vers Urimayel, r‚p‚tai l'op‚ration. Un sursaut l'arracha … ses m‚ditations g‚missantes. Compris, j'‚tais en faisceau large. Il couvrait une zone ‚tendue mais ne devenait dangereux qu'au bout d'un certain nombre de secondes. L'homme attach‚ tourna son regard vers moi. J'y lus une priŠre d'une intensit‚ que seule la folie sait atteindre. Sans cesser de le viser, je bloquai le cristal vert … gauche... Mais je ne pus me r‚soudre … lui donner la mort qu'il implorait. J'avais fait de sacr‚s progrŠs en homicide ces deux derniers jours mais n'arrivais toujours pas … pratiquer hors d'une obligation absolue. Ce fut donc contre le plafond de la tente que j'effectuai mon essai. Le trait invisible de micro-ondes per‡a un cercle minuscule et parfait dans le feutre. Lucy prit une expression embarrass‚e. - Tu n'as pas droit … cette magie. Dit-elle. - Non, convins-je. Pas plus qu'… ma panoplie en peau de dragon. Du moins, je n'y ai pas droit selon tes croyances. Heureusement, je ne les partage pas, ce qui nous permet de sauver nos vies grƒce … cette arme. Elle tirait la tronche. Je lui caressai la joue. - N'oublie pas qu'un sanctuaire de l'Arbitre Suprˆme nous attend. Que rˆver de mieux pour me convertir ? Bon, on y va ? La lune ‚tait couch‚e et une obscurit‚ presque totale r‚gnait d‚sormais … l'ext‚rieur. Nous nous faufilƒmes sans encombre jusqu'… l'enclos des esclaves. Une bande de s‚curit‚, d'une dizaine de mŠtres de largeur, le s‚parait de l'enchevˆtrement des tentes. A intervalles r‚guliers, de quinze mŠtres environ, des feux br–laient prŠs du fouillis de ronces servant de cl“ture. Ils diffusaient une lumiŠre chaude et mouvante. Une sentinelle ‚tait assise prŠs de chacun d'eux, son arc sur les genoux. Depuis mon poste d'observation, derriŠre un muret d‚limitant une cuisine en plein air, j'en distinguais quatre. Elles semblaient vigilantes malgr‚ leur immobilit‚ mais leurs regards restaient braqu‚s vers l'enclos. C'‚tait de l… qu'elles attendaient un danger. Les lueurs de cinq autres feux ‚claircissaient le ciel dans le lointain. Je d‚barrassai des pots de terre qui l'encombraient l'‚tagŠre basse courant le long du muret et m'accoudai dessus. Tout prŠs de moi, sur ma droite, la respiration r‚guliŠre de Lucy marquait l'‚coulement du temps. Elle ne partageait pas mon angoisse. Le calme qui r‚gnait sur le camp m'oppressait. J'attendais … tout instant l'explosion des cris d'alerte. Nos ‚vasions se passaient trop bien. Une vraie promenade. Je n'aime pas que les ‚v‚nements s'enchaŒnent ainsi en douceur, comme si la vie ‚tait bien faite. Je me demande toujours quelle est la grosse crasse qui est en train de se pr‚parer. L'engin que je manipulais avait ‚t‚ con‡u pour la frime, pas pour le tir de pr‚cision. Difficile de viser sans crosse et avec une grosse boule au bout de son arme. Je dirigeai la sphŠre approximativement dans la direction de la tˆte du garde le plus proche, pressai la d‚tente. Rien. Je l'enfon‡ai … nouveau, laissai mon doigt dessus, tra‡ai un zigzag maladroit avec le sceptre. La silhouette s'effondra soudain sans bruit, le crƒne et le cerveau transperc‚s. Tout en douceur. Mon angoisse grimpa d'un cran. Je dus recommencer l'op‚ration huit fois. Rampant pour les cinq derniŠres dans l'herbe pi‚tin‚e qui entourait le camp. A chaque ex‚cution, parfaitement r‚ussie, sans que se pr‚sentƒt la moindre anicroche, je stressais un peu plus. Et je me d‚go–tais un peu plus. Tuer ne m'amusait toujours pas. Mais c'‚tait fini. Sans panique. Sans alerte. Sans autre casse que les sentinelles. Je n'aurais jamais pu atteindre un tel r‚sultat en essayant de les ‚pargner. Je ne m'en sentais pas plus l‚ger pour autant. Nous prŒmes le risque de r‚cup‚rer les poignards de quatre de nos victimes avant de p‚n‚trer dans l'enclos. D‚tacher les Indiens, r‚partir les couteaux pour qu'ils libŠrent leurs amis et se retrouver tous dans la hutte principale ne demanda que quelques minutes. Les courses silencieuses dans la nuit m'‚voquŠrent un ballet de fant“mes, une sarabande muette de spectres se d‚tachant furtivement contre les taches rougeoyantes des feux. Nous nous pressƒmes bient“t … cinquante dans la cabane la plus vaste. Ses murs … claire-voie laissaient filtrer une lueur si t‚nue que je ne percevais que la masse des corps serr‚s les un contre les autres, ne distinguant aucuns traits. Un problŠme se posait. La voix d'un vieillard l'exprima dans un murmure : - Nous ne pouvons pas partir sans les enfants. - Ils en retiennent six en otages pour nous empˆcher de nous enfuir, pr‚cisa une femme. Un homme prˆt … les tuer … la premiŠre alerte les garde dans une tente. Mais nous ne savons pas laquelle. Nous n'arriverons jamais … la d‚couvrir sans donner l'alarme. - Alors pourquoi nous avez-vous laiss‚ vous d‚tacher ? siffla Lucy. - Pour ‚viter de mettre vos vies en danger, chuchota pos‚ment le vieillard. Protester pendant que vous nous lib‚riez aurait ‚t‚ beaucoup plus bruyant. L'explication coupa le caquet du seigneur sup‚rieur. Je poussai un soupir. Moi qui croyais ne plus avoir … retourner dans ce fichu camp. - Je sais o— ils sont, soufflai-je. Il me faut cinq hommes pour m'aider … liquider les sentinelles. Tous les autres, faites le tour et rejoignez les chevaux. Lucy, tu vas avec eux. Tenez-vous prˆts … prendre le large dŠs notre arriv‚e. Je me levai. Lucy aussi. Mais personne d'autre ne bougea. - Tu es vˆtu comme un seigneur des insectes, reprit la voix du vieillard. (Dans la p‚nombre, elle semblait ‚maner du groupe tout entier. ) Pourquoi voudrais-tu nous secourir ? Je restai calme. Au prix d'un gros effort, mais je restai calme. - Parce que j'aime la libert‚, murmurai-je. Et que j'ai du respect pour ce que j'aime. Et parce que nous n'aurions pas r‚ussi, rien qu'… nous deux, … emporter tous les chevaux pour couvrir notre fuite. Satisfait ? Un hochement de tˆte g‚n‚ral me r‚pondit. - Je viens avec toi, dit une voix d'homme. Trois minutes plus tard, je retrouvai les joies du commando en mission nocturne en plein Q. G. ennemi. Mes r‚cents enr“l‚s avaient la souplesse de chats. Plut“t qu'‚gorger leurs victimes, ils choisirent de leur sauter dessus par derriŠre, les bƒillonnant d'une main et leur plongeant de l'autre un poignard dans le coeur. - Pardonne-moi, murmura le premier tueur … la sentinelle qu'il venait d'‚liminer. Son copain fit preuve de la mˆme politesse avec sa victime. J'entendis bouger dans la tente. Je me pr‚cipitai. Le garde, … l'int‚rieur, s'‚tait r‚veill‚. Il se tenait devant les gosses, impossible de me servir du thermique. Il ouvrit la bouche pour hurler. Je le savais que ‡a se passait trop bien. Pas le temps de r‚fl‚chir. Le temps que j'attrape mon couteau, il commen‡ait … crier. L'arme vola et se planta au fond de sa gorge, coupant net son appel. Je n'avais pas perdu la main. Un saltimbanque doit savoir tout faire : bateleur, acrobate, jongleur, danseur, prestidigitateur, cracheur de feu... Et lanceur de poignards. Je tombai … genoux. J'‚tais glac‚, mes membres tremblaient et quelqu'un avait d‚clench‚ une guerre nucl‚aire dans ma poitrine. Je commen‡ais … souffrir d'une s‚rieuse overdose d'adr‚naline. Je n'‚tais pas un h‚ros, moi, je manquais d'entraŒnement pour mener ce genre d'aventures. Quelqu'un avait-il remarqu‚ le cri du garde ? Le calme du camp devenait de plus en plus assourdissant. Un v‚ritable sifflement dans mes oreilles. Toujours pas d'alerte. Les Indiens d‚livraient les gosses de leurs lits-cages et les enfants r‚agissaient avec un s‚rieux ‚tonnant. Pas de rires, pas de pleurs, presque pas de bruits. Leur courage m'a apais‚. Merde, ils avaient quoi, sept, huit ans ? AprŠs ce qu'ils venaient de vivre, ils auraient d– glapir de soulagement et de terreur. S'ils se montraient aussi coriaces, je pouvais bien supporter quelques palpitations. On est repartis. Je me sentais lav‚ de toute peur en progressant entre les tentes. Nous touchions au but. Oui, la vie pouvait ˆtre bien faite... C'est l… que les aboiements se sont d‚chaŒn‚s. Les cerbŠres ! J'avais oubli‚ ces sales bˆtes. Leurs gueulements provenaient de la direction des chevaux. On commen‡ait … s'agiter dans les tentes. Et l'adr‚naline recommen‡ait … s'agiter partout dans mon organisme. Il ne nous restait plus qu'… foncer. Je n'ai jamais couru ainsi. L'impression, … chaque enjamb‚e, d'ˆtre soulev‚ par une crise cardiaque. Les abris de toiles s'‚clairaient de l'int‚rieur, ce qui nous aidait … rep‚rer les cƒbles qui les tendaient. Mais les taches d'ombre paraissaient d'autant plus noires. Des gouffres d'obscurit‚ d'o— les crocs sur pattes allaient jaillir … tout instant. Comme dans l'herbe. Enfin, les murs de feutre s'‚cartŠrent pour de bon. Les ‚toiles s'‚teignaient dans le ciel, concurrenc‚es par une tranche de bleu … l'horizon. En d‚couvrant sur ma droite les silhouettes des cerbŠres dress‚s sur leurs moignons arriŠre au bout de longes fich‚es dans le sol, je compris pourquoi mes mollets avaient ‚chapp‚ … la lac‚ration. Je m'arrˆtai au bord de l'aire brout‚e par les chevaux, cherchai … rep‚rer Lucy au milieu de tous ces cavaliers tournant en rond sur leurs montures. €a se mettait … vocif‚rer s‚vŠre dans mon dos. L'alerte que j'avais tant redout‚e. Un ‚norme poitrail jaillit soudain du m‚li-m‚lo ‚questre, fon‡ant droit vers ma frˆle personne. Le monstre se cabra avec un hennissement. Je trouvai ses sabots beaucoup trop gros pour s'agiter ainsi juste au dessus de ma tˆte. Ils retombŠrent miraculeusement sans rien m'‚craser. - Alors, tu viens ? lan‡a la voix de Lucy. Elle en avait de bonnes. Comment on grimpait sur ces machins ? Elle d–t comprendre mon problŠme car elle immobilisa son v‚hicule. - Jamais mont‚ … cheval ? me demanda-t-elle. - J'ai toujours souhait‚ apprendre. Il n'y avait pas de selle ou d'‚triers, juste une ‚paisse couverture sur le dos du destrier. J'ai saut‚ … plat ventre dessus puis ai r‚ussi, en me tortillant, … me retrouver assis. - Accroche-toi bien ! a cri‚ Lucy en lan‡ant notre monture au galop. Et hop, c'‚tait reparti. Je m'accrochais, le bras droit pass‚ sous la poitrine de ma rousse compagne. Il aurait fallu qu'on naisse siamois, tous les deux, pour ˆtre plus accroch‚s. L'occasion de d‚couvrir un des d‚fauts du cuir de dragon. Toutes ces ‚cailles ‚taient parfaites pour faire joli dans les ‚clairages rasants. Impeccables, aussi, en cas de rencontre avec un agressif arm‚ d'instruments tranchants. En revanche, elles ne valaient rien pour se serrer contre une jolie fille. En frottant les unes contres les autres, elles ‚mettaient exactement le genre de crissement qui agace les dents. Par chance, on ne l'entendait que lorsque je cessais de beugler. Beugler mon soulagement d'ˆtre vivant. Beugler mon plaisir … chevaucher ainsi dans le jour naissant. Beugler, nom d'un p‚tard, ma fiert‚ de m'en ˆtre aussi bien sorti. Foutredieu, je me sentais de l'avenir comme aventurier. Ils allaient comprendre leur malheur tous les posemerdes qui se dresseraient sur mon chemin. J'agitais fiŠrement le sceptre au dessus de ma tˆte. Mon troph‚e ! Qu'ils se pointent, les cerbŠres, je les attendais. Ils m'avaient coll‚ les grelots une fois. Deux fois. Mais c'‚tait fini. De temps en temps, je me servais du bƒton de commandement pour indiquer … Lucy la direction … suivre. Contrairement … son passager, elle ne beuglait pas, semblant trouver normales nos activit‚s r‚centes et actuelles. A chacun sa routine. Le canyon o— sinuait la riviŠre que nous avions suivie nous barrait le passage. Nous d–mes le longer jusqu'… la poche circulaire o— il prenait naissance. En bas, rendues un peu floues par la poussiŠre d'eau soulev‚e par la cascade, des taches plus sombres marquaient l'emplacement des b–chers. Englu‚s de ros‚e, les papillons, tout autour de nous, formaient un tapis de couleurs d‚lav‚es. Je me demandai o— ‚taient partis les Indiens. Comptaient-ils rejoindre leurs cousins traquant les grisons ? Ce qu'Urimayel avait appel‚ un sanctuaire approchait. Mais il s'agissait d'une colline et non d'un bƒtiment mˆme si sa forme un rien trop ronde lui donnait un aspect artificiel. Soudain, alors que nous n'avions plus qu'environ deux kilomŠtres … parcourir, je vis une fum‚e blanche s'‚lever dans le ciel. Il y avait quelqu'un l…-bas ! Presque au mˆme instant, nous avons commenc‚ … percevoir l'odeur. Nom d'un furoncle, si notre objectif puait comme ‡a ici, qu'est-ce que c'‚tait sur place ? CHAPITRE XV Au pied de la butte, c'‚tait … peu prŠs comme on pouvait s'y attendre. A peine pire. Absolument insupportable. A se demander comment on restait en vie au milieu d'une telle infection. L'homme est bien con‡u, d‚couvrait-on. Surtout au niveau des fixations int‚rieures. Elles ‚taient sacr‚ment solides pour r‚ussir … empˆcher les organes contenus par mon abdomen de fiche le camp. L'‚manation dans laquelle nous trempions poss‚dait une curieuse caract‚ristique, si on y songeait : elle n'explosait pas. J'aurais pourtant jur‚ qu'une telle odeur, … un tel taux de concentration, ne pouvait que se r‚v‚ler hautement inflammable. Eh bien non, le feu cr‚pitant sous un gros alambic en bronze ne provoquait pas la d‚flagration qui me semblait in‚vitable. Il ne s'‚touffait pas non plus. La pestilence laissait donc un peu de place … l'oxygŠne. Le savoir ne m'empˆchait malheureusement d'avoir l'impression de suffoquer. Une hutte faite de longues herbes sŠches se dressait prŠs de l'appareil de distillation mais personne n'‚tait en vue. Je sautai avec joie au bas du cheval. Cet animal n'‚tait pas adapt‚ au transport des passagers. Des marchandises … la rigueur, mais s–rement pas d'individus aux fesses aussi raffin‚es que les miennes. En v‚rit‚, cette planŠte toute entiŠre n'‚tait pas adapt‚e … un ˆtre aussi raffin‚ que moi. Depuis mon atterrissage, j'avais toujours mal quelque part. J'allai jeter en boitillant un coup d'oeil dans l'abri. Vide. Son petit autel et ses fourrures me rappelaient la hutte qui avait accueilli mes ‚bats avec Nuit Tonnante. Nom d'une hormone, j'aurais volontiers initi‚ Lucy au sang d'Ipesha. Peut-ˆtre aurions-nous enfin oubli‚ tous les deux de jouer au plus fort ? Est-ce d'avoir pens‚ … la liqueur aphrodisiaque ? Alors que je n'‚tais pas venu avec l'intention de fouiller, je soulevai le couvercle en bois fermant un pot de grŠs, prŠs de l'entr‚e. L'ar“me vanill‚ me chatouilla les narines malgr‚ la puanteur. Je trempai mon doigt dans le liquide dont le niveau atteignait presque le col du r‚cipient. Impossible de se tromper, c'‚tait bien du sang d'Ipesha. Et il y avait un autre pot, au bouchon scell‚ … la cire, prŠs de celui que j'avais ouvert. Combien contenaient-ils … eux deux ? Quatre, cinq litres ? Assez pour sauver de la d‚natalit‚ une planŠte de moyenne importance victime d'une ‚pid‚mie de flagadokikis morbidis. Mais alors, l'alambic... Je ressortis ‚tudier l'ustensile. Le vieil Indien apparut … cet instant de l'autre c“t‚ de la butte, trop loin pour que nous aillions une chance de le rattraper en nous lan‡ant … sa poursuite. Il nous examina un moment, puis commen‡a … approcher lentement. Le petit r‚cipient pos‚ sous l'extr‚mit‚ du serpentin confirma mes soup‡ons. Il contenait quelques gouttes de sang d'Ipesha. Mais … partir de quoi le distillait-on ? La r‚ponse devait se trouver tout prŠs, dans la grosse boule de boue. Mais je ne pouvais pas y acc‚der comme ‡a. Un foss‚ l'entourait. Je me penchai au dessus et la puanteur pulv‚risa un nouveau record de pestilence. Elle ‚tait si dense que j'avais l'impression d'en sentir le contact sur ma peau. Comme un air plus chaud et plus ‚pais. Vaguement collant. Un anneau b‚tonn‚ d'environ cinq mŠtres de largeur et cinq de profondeur entourait toute la demi-sphŠre de terre marron. Une terre partout fraŒchement retourn‚e. Des marches taill‚es dans le mur de soutŠnement descendaient au fond de la tranch‚e. Elles permettaient d'acc‚der aux tunnels ouverts dans la base de la butte. De beaux tunnels parfaitement semi-circulaires. En b‚ton, eux aussi. Du b‚ton Semper, cette construction avait plusieurs siŠcles, je l'aurais jur‚. Trois boyaux ouvraient du c“t‚ o— je me trouvais. Deux d'entre eux n'‚taient que des trous noirs. Une gigantesque croupe mordor‚e orn‚e d'une courte queue bouchait le troisiŠme. L'‚norme bˆte, au moins aussi haute qu'un gros grison, se tenait parfaitement immobile. - Que veux-tu ? cria Lucy dans mon dos. Je me retournai. Le vieillard s'‚tait approch‚ jusqu'… ˆtre … port‚e de voix. Des papillons commen‡aient … prendre leur envol autour de lui. - Vous sauver la vie, peut-ˆtre, r‚pondit-il. - Nous venons en paix, hurlai-je … mon tour, ce qui n'avait pas grand sens mais ne co–tait pas cher. - Et nous n'avons besoin de personne, ajouta l'aimable Lucy. Cette derniŠre phrase parut convaincre le nouvel arrivant que nous n'entretenions pas de mauvaises intentions … son ‚gard. Nous nous serions montr‚s plus sociables si nous avions cherch‚ … l'attirer dans un piŠge. Il laissa sa monture le conduire au pas jusqu'… nous. Il tendit le doigt vers le sceptre dans ma main gauche. - Sa magie n'a pas cours dans le coeur d'Ipesha. Ne compte pas sur lui pour affronter ses gardiens. Personne ne peut les tromper ou les vaincre. Vous feriez mieux de renoncer. Il ne cherchait pas nous persuader, le papy. Il nous informait juste de la situation sans nourrir la moindre illusion sur l'utilit‚ de ses avertissements. Sur ce, il descendit de sa monture et, sans plus se pr‚occuper de nous, saisit un petit seau de cuir noir pos‚ non loin de l'alambic. Il commen‡a … descendre les marches creus‚es dans le mur. J'‚changeai un regard avec Lucy puis le suivis. Elle nous emboŒta le pas. Le vieillard se dirigea droit vers l'‚norme animal qui continuait … nous tourner le dos. Plus nous en approchions et plus la puanteur s'intensifiait. Comme quoi, ˆtre couvert d'‚cailles n'empˆche pas les odeurs corporelles. L'Indien s'arrˆta prŠs de l'immense cul. Il ne semblait ‚prouver aucune appr‚hension. Je le rejoignis. Son geste fut si preste qu'il me prit … d‚pourvu. Je me retrouvai d‚lest‚ de mon sabre avant d'avoir compris ce qui se passait. Lucy poss‚dait de meilleurs r‚flexes. - Lƒche cette arme ! grin‡a-t-elle … l'oreille du vieil homme. Le poignard qu'elle pressait contre sa gorge n'invitait pas … la discussion. - Je veux juste vous montrer quelque chose, discuta n‚anmoins le vieillard. Je m'‚cartai hors de port‚e du coupe-chou. - Laisse-le faire. Elle fron‡a les sourcils mais obtemp‚ra, reculant d'un bond. L'Indien se mit alors … cingler de coups d'‚p‚e le prodigieux popotin. Celui-ci ne fr‚mit mˆme pas, il avait le cuir aussi dur qu'une culotte en ‚ternox. Le sabreur finit par se lasser et, attrapant mon arme par la lame pour me pr‚senter la poign‚e, il me la rendit. - Vous ne pouvez rien contre les gardiens. - C'est ‡a, un dragon ? demandai-je … Lucy. - Non, r‚pondit-elle. Les dragons ont une longue queue termin‚e par une lame en forme de flŠche. J'agitai le sceptre sous le nez de l'ancˆtre. - Et tu dis qu'ils r‚sistent mˆme … ‡a, tes gardiens ? Il ne r‚pondit pas, il n'aimait pas se r‚p‚ter. J'essayai le thermique. Aucune r‚action de la bˆte. J'ouvris le faisceau de l'arme au maximum, passai rapidement la main devant. Rien. Je la laissai plus longtemps. Toujours rien. Soit l'appareil de cuisson … distance venait de tomber en panne, soit il se trouvait dans le champ d'un brouilleur de micro-ondes. Tout comme son odeur, le mystŠre de ce sanctuaire f‚tide ne cessait de s'‚paissir. Le colossal post‚rieur s'est brusquement mis en branle. Il s'est soulev‚ puis a disparu dans l'obscurit‚ du tunnel avec une agilit‚ qui a envoy‚ un frisson me rafraŒchir la colonne vert‚brale. Et si le monstre ressortait aussi vite se d‚gourdir les jambes ? L'Indien, un habitu‚ pourtant, ne paraissait pas partager mon inqui‚tude. Il s'est approch‚ de la vasque ovale que venait de r‚v‚ler le d‚part du gros cul. J'ai suivi. Il a soulev‚ une languette m‚tallique, prise entre deux glissiŠres, qui fermait un trou dans la paroi de la cuvette. Le liquide blanc qui l'emplissait a coul‚ dans son seau, d‚couvrant deux espŠces de ventouses luisantes au fond du bassin. Une trayeuse automatique ! Et le lait qu'elle pompait aux monstres pestilentiels servait aux Indiens … fabriquer leur nitroglyc‚rine sexuelle ! - Sais-tu qui a construit ce sanctuaire ? ai-je demand‚ au vieil homme. - Construit ? Personne ne l'a construit. Il est le coeur que le Grand Esprit a donn‚ … la Terre. - Foutaises, c'est un sanctuaire de l'Arbitre Suprˆme ! protesta Lucy. - Alors qui l'a construit ? lui demandai-je. - L'Arbitre Suprˆme, bien s–r. Comme les odeurs, les mystŠres ne d‚s‚paississent pas aussi facilement qu'on aimerait. Je m'adressai … nouveau au trayeur de monstres. - Et si nous rentrons l…-dedans, les gardiens vont nous bouffer tout cru, c'est ‡a ? Il hocha la tˆte, tout pliss‚ de sourire. Une inscription ‚tait grav‚e dans le b‚ton au dessus du tunnel : OMFHOO ILFOHVIFO UAB UMOG FIOVOG ! Je n'usai pas ma salive … lui en demander le sens. A quoi bon ? Il existait forc‚ment un moyen de p‚n‚trer dans ces tunnels. Mais lequel ? Si ces animaux vivaient en permanence sous terre, ils devaient mal supporter la lumiŠre. Une torche pouvait-elle les tenir … distance ? Non, Urimayel n'avait s–rement pas essay‚ de p‚n‚trer dans les boyaux sans une source d'‚clairage. Et il avait d– reculer. Peut-ˆtre fallait-il une source lumineuse beaucoup plus puissante ? Mais quoi, dans ce foutu bout du monde de planŠte arri‚riste ? Soudain, la lumiŠre, puisque c'‚tait mon problŠme, a jailli dans mon esprit. Avec un peu de chance, je tenais ma solution. Le vieil Indien nous a trouv‚ trŠs malpolis de confisquer ses r‚serves de sang d'Ipesha mais le tranchelard de Lucy a r‚ussi … le convaincre de la pertinence de nos intentions. Il a cess‚ de brailler et j'ai pu me faire entendre. Ce qui m'a permis de persuader Lucy de le laisser en vie. Et nous sommes redescendus, portant chacun un des pots et une torche. Gliss‚ dans ma ceinture le long de ma cuisse, le sceptre me gˆnait mais il n'‚tait pas question que je me s‚pare de mon troph‚e. Nous nous sommes arrˆt‚s devant le tunnel. €a s'agitait tout prŠs dans l'obscurit‚. Des incisives impatientes grin‡aient les unes contre les autres. J'ai port‚ le pot … mes lŠvres et l'ar“me sucr‚ de la liqueur a envahi mes sinus. Je ne devais surtout pas en avaler, sinon je risquais de me mettre … essayer de violer les monstres … ‚cailles. Nous sommes entr‚s. Il nous attendait, son corps bouchant la galerie, ses immenses pupilles guettant dans le noir, son museau pointu nous grignotant d'avance en faisant frissonner ses interminables moustaches contre la paroi du boyau. Ses grosses pattes fouisseuses tremblaient, prˆtes … propulser son corps gigantesque et affam‚ en avant. Les pattes ont propuls‚. Et j'ai souffl‚ entre mes dents serr‚es un m‚lange d'air et de sang d'Ipesha. L'a‚rosol d'alcool s'est embras‚ au contact de la torche que je tenais devant moi. Une longue flamme ‚clatante a jailli. Je m'‚tais peu entraŒn‚ ces derniers temps mais restais un bon cracheur de feu. La bˆte a pouss‚ un glapissement … la limite de l'ultrason puis s'est mise … reculer … toute vitesse. Quand j'ai crach‚ la deuxiŠme flamme, le boyau ‚tait libre. J'avais trouv‚ le s‚same du sanctuaire f‚tide. Mon cadran nous indiquait quelle direction g‚n‚rale suivre mais nous n'aurions pas pu nous tromper. Les constructeurs de ce... De ce quoi ? Je n'avais toujours pas la moindre id‚e sur la fonction remplie par cette imposante et complexe r‚alisation, l'hypothŠse religieuse me paraissant de moins en moins cr‚dible. Les constructeurs, donc, n'avaient pas ajout‚ les joies du labyrinthe aux difficult‚s d‚j… cr‚‚es au visiteur par les gardiens. Car ces m‚gataupes avaient ‚t‚ con‡ues en mˆme temps que le reste, aucun doute possible. Elles ne puaient pas uniquement l'essence de concentr‚ d'extrait d'excr‚ment gastro-ent‚rique en phase active de fermentation. Elles puaient ‚galement la main de l'homme et le pied du g‚nie g‚n‚tique. Aucune ‚volution naturelle ne comprend des trayeuses automatiques. D'autres galeries s'ouvraient, de ci, de l…, dans la notre. Mais nous ne pouvions nous y ‚garer. Nous en explorƒmes deux. Elles cessaient trŠs vite d'ˆtre b‚tonn‚es pour d‚boucher sur un fouillis de passages creus‚s en tous sens dans la terre par les m‚gataupes. Elles permettaient toutefois … ces derniŠres de compliquer la tƒche du lance-flammes humain en se pr‚sentant … trois … un carrefour ou en se glissant dans son dos avec toute la discr‚tion, heureusement, de plusieurs tonnes d'‚cailles. Nous marchions sous terre depuis plus d'un quart d'heure quand j'arrivai au bout de mon pot. Lucy me passa le sien. - On peut encore faire demi-tour, lui dis-je, levant ma torche pour bien voir son visage. Il n'y a peut-ˆtre rien sous cette colline. Un rictus carnassier retroussa ses lŠvres pleines. Elle avait le regard un brin hyst‚rique. Une respiration courte et haletante soulevait sa poitrine moul‚e dans le dragon. - Mˆme sans toi, je continue. Je me dois … la quˆte du graal. Un crissement dans le tunnel derriŠre elle m'obligea … r‚pondre d'une longue flamme. Je haussai les ‚paules et nous reprŒmes notre route. La ferveur religieuse m'a toujours d‚sarm‚. Cinquante mŠtres plus loin, le petit cercle de lumiŠre que cr‚aient nos torches autour de nous r‚v‚la soudain que les parois du tunnel s'arrˆtaient. Nous nous tenions sur le seuil d'un vaste espace tout noir. Mais empli de bruits : les crissements, grincements, cliquetis, froufrous et autres fr“lements ‚mis par une foule de m‚gataupes. Je lƒchai une longue flamme pour voir de quoi il en retournait. Les monstres qui commen‡aient … s'approcher s'‚cartŠrent en glapissant. L'immense salle qui s'ouvrait devant nous avait la forme d'un oeuf pos‚ sur le gros bout. En son centre, si loin, se dressait une gigantesque statue de tˆte de femme, yeux ferm‚s sur une profonde m‚ditation. Plein d'autres tunnels d‚bouchaient en ‚toile dans cette salle. Trop pour que je m'amuse … les compter. Ils avaient permis … plein de mastodontes … longues dents de se rassembler l… pour nous attendre. Trop de mastodontes pour que je m'amuse tout court. Il y en avait des dizaines, je ne pouvais pas esp‚rer en tenir autant en respect. CHAPITRE XVI Lucy s'‚tait approch‚e jusqu'… se coller contre moi. - Il faut faire demi-tour, lui dis-je. Ils sont trop nombreux. J'ai senti la lame de son poignard se poser sur ma gorge. - Avance ! a souffl‚ sa voix rauque. Cette fille m'aimait plus que tout au monde, avais-je le droit de la d‚cevoir ? J'ai crach‚ le feu. Et nous sommes entr‚s dans la salle grouillant de monstres indestructibles assoiff‚s de notre sang. J'avais tort de m'inqui‚ter. DŠs le seuil franchi, la statue s'est ‚clair‚e de l'int‚rieur. Et un sifflement s'est mis … retentir. Un son trŠs aigu qui ressemblait au couinement pouss‚ par les m‚gataupes quand je leur grillais les moustaches. Ce bruit faillit provoquer notre mort. Il plongea en effet les grosses bˆtes dans la panique, les jetant vers les entr‚es des tunnels. Y compris le n“tre. Par chance, je venais de me remplir les joues. Je crois que j'ai ‚mis la plus belle flamme jamais sortie de la bouche d'un saltimbanque. Elle nous a en tout cas sauv‚s en orientant les mastodontes vers des issues moins br–lantes. En un clin d'oeil, les m‚gataupes avaient disparu. Et je d‚couvrais quelque chose, au pied de la statue, qu'elles nous avaient cach‚ : un moyen de locomotion civilis‚. C'‚tait un petit jet atmosph‚rique, le genre a‚rocar quatre passagers et les bagages. Pas moche, malgr‚ sa ligne d‚mod‚e, avec sa carrosserie effil‚e et son cockpit ovo‹de. La bulle transparente de ce dernier s'ouvrit lorsque nous arrivƒmes au pied du v‚hicule. Une bande de m‚tal bascula avec un l‚ger grincement pour former l'escalier d'accŠs. Je n'aime pas que les engins autoporteurs ‚mettent ce genre de bruit. J'effleurai du bout des doigts le flanc de l'appareil. Le temps avait creus‚ la surface d'infimes perforations. L'engin n'‚tait donc pas construit en ‚ternox. Fonctionnait-il encore ? Je grimpai les marches, ‚tudiai l'habitacle. Un voyant vert, au milieu du tableau de bord, indiquait que l'I. A. de pilotage ‚tait en ‚tat de veille. Je redescendis et, galant, m'inclinai devant Lucy. - AprŠs vous. Elle me regarda comme si j'essayais d'attenter … ses jours. Je passai donc le premier. Je jetai ceinture, fourreau et sceptre sur la banquette arriŠre et me calai bien bien dans le fauteuil en face de la petite lumiŠre. Foutrenfer, le confort existait ! Et cette mousse dans laquelle je tortillais du post‚rieur faisait plus qu'offrir un nid moelleux … mes fesses mises en compote par l'‚chine coriace du cheval. Elle me r‚chauffait l'ƒme. En fin de compte, mes souvenirs n'‚taient pas pures illusions. Je n'avais pas rˆv‚ des concepts tels que le robinet d'eau chaude, le matelas … duret‚ r‚glable, la chambre … coucher … l'abri des courants d'air ou le bar proposant un large choix d'euphorisants aux saveurs diverses... Ce genre de doute vous ‚treint parfois. Non ! Quelque part trŠs loin, mais quelque part quand mˆme, d'‚mouvants robots (je venais de d‚couvrir … quel point ils m'‚mouvaient) construisaient des siŠges qui vous tiennent les reins. Mieux, ils pla‡aient ces siŠges dans des v‚hicules qui n'avaient pas besoin de pattes pour vous emmener l… o— vous vouliez aller. Son poignard … la main Lucy, pi‚tinait le fauteuil voisin du mien comme si elle s'attendait … ce qu'il tente de la d‚vorer. Une voix interrompit son tr‚pignement soup‡onneux : - La S‚curit‚ A‚rienne de la Vraie-Terre-La-Seule vous conseille d'attacher votre ceinture. La sonnerie d'alerte s'arrˆtera lorsque votre int‚grit‚ physique ne sera plus en danger. Sur ce, le couinement maintenant les m‚gataupes en fuite se tut, remplac‚ par une plainte stridente sp‚cialement ‚tudi‚e pour obliger les humains … choisir entre prendre la fuite, envisager pour de bon le suicide ou attacher leur ceinture. - Assieds-toi et boucle ta ceinture ! intimai-je au seigneur Macyntire. Les mastodontes nyctalopes et dentus revenaient d‚j… aussi vite que le permettaient leurs pattes fouisseuses. - Fermeture ! ordonnai-je. Le cockpit commen‡a … s'abaisser. Il toucha la tˆte de Lucy et la s‚curit‚ fonctionna. Il remonta. Je me jetai sur la belle ‚nerv‚e, d‚bouclai son ceinturon, m'accrochai … ses cuisses. - Fermeture ! r‚p‚tai-je. Mais impossible de la d‚s‚quilibrer. Nous allions mourir d'un choc culturel, bouff‚s parce que mademoiselle n'avait jamais vu un fauteuil civilis‚. - Bienvenue, nobles h‚ros ! tonna la voix de la statue. La Donjaidraaghonienne en tomba assise de saisissement. Et de justesse. Si la premiŠre m‚gataupe n'avais pas ‚t‚ une de celles dont j'avais grill‚ les moustaches, celles-ci se seraient gliss‚es … temps sous la coque transparente pour l'empˆcher de se fermer. Je bouclai la ceinture de l'archa‹que rouquine. Le sifflement d'alerte cessa et la vie redevint supportable. Nous nous retrouvions bien un petit peu agit‚s par une manifestation de la Conf‚d‚ration des Monstrueux Carnivores Affam‚s r‚clamant plus d'humains aux petit d‚jeuner mais notre coquille, … d‚faut d'ˆtre en ‚ternox, semblait suffisamment solide pour r‚sister. - Je suis fiŠre, reprit la voix solennelle, si fort que notre cockpit vibrait, de rencontrer d'aussi valeureux guerriers. Vous avez r‚ussi … franchir ces ‚tendues d‚sol‚es malgr‚ les p‚rils qui vous guettaient. Vos esprits ont su percer l'‚nigme grav‚e dans la pierre : ENTREE INTERDITE AUX AMES TIEDES. (La voix perdit soudain sa pompe, les mots commencŠrent … se bousculer. ) Savez-vous que c'est moi qui l'ai trouv‚e. Percer le code ‚tait facile. Reprendre voyelles et consonnes dans l'ordre inverse. Trop facile, je l'ai dit … l'Arbitre Suprˆme. Mˆme si on retirait l'Y. Je lui ai dit. Ce n'est pas parce qu'il s'agit seulement d'un jeu que l'on ne doit pas se creuser la tˆte sur les codes. AprŠs tout, ils avaient d‚cid‚ d'y consacrer leur vie … cette partie de Graal. Mais il n'a rien voulu entendre. D'aprŠs lui, c'‚tait surtout les aventures qui plaisaient aux maŒtres. Les longues chevauch‚es. Les horizons nouveaux. Ils ne tenaient pas … passer trop de temps sur les indices. Pourtant... Lucy avait ‚cout‚ avec une expression o— se mˆlaient terreur mystique et les premiers sympt“mes du coma d‚pass‚. Elle sortit brusquement de son h‚b‚tude. - Mais de quoi parles-tu ? Es-tu l'Arbitre Suprˆme ? La voix retrouva l'intonation grandiloquente et lointaine que sont suppos‚es avoir les statues sacr‚es. Comme si les syntoniseurs avec option ® r‚verb ¯ existaient d‚j… quand existaient encore les statues sacr‚es. - Non, je ne suis pas l'Arbitre Suprˆme. Mais tu le rencontreras, valeureuse guerriŠre, si tu poursuis ta quˆte avec la fougue et le courage qui t'ont conduite jusqu'… moi. - Comment t'appelles-tu ? demandai-je. - SophIA, r‚pondit SophIA en oubliant de remplir son r“le d'outre-tombe. - Depuis combien de temps attends-tu ici, SophIA ? - Je vous attends depuis... Depuis... Je vous attends depuis... Depuis... Depuis... Depuis... Mais pourquoi avais-je pos‚ cette question ? Rien ne semblait devoir l'arrˆter. Elle aurait ‚t‚ l'I. A. d'un bˆte appareil m‚nager, j'aurais bien essay‚ le coup de pied, toujours efficace. Mais l…, j'avais un coup de barre. Traverser une manif m‚gataupe pour aller tataner un menton fendu d'une fossette o— j'aurais pu errer pendant des jours d‚passait largement les capacit‚s de mes r‚serves d'‚nergie. Le salut vint de Lucy : - Nous sommes en l'an 395 de l'Šre de l'Espoir. - Impossible ! glapit SophIA. J'attends depuis... Depuis... Depuis... Elle avait vraiment un problŠme. - Combien d'ann‚es se sont-elles ‚coul‚es depuis ton installation ici ? la coupai-je. - Ann‚es standard, locales, conformes au calendrier Romanov-Boole, bimensuelles de B‚telg... ? Je l'arrˆtai d'un soupir. Je l'avais pourtant appris … l'‚cole : toujours se montrer pr‚cis en posant une question. - Combien durent les locales ? En ce que tu veux, arrondi … la minute. - En r‚f‚rence standard : trois cent cinquante-deux jours de vingt-trois heures et quarante-deux minutes. Mais j'ai toujours pr‚f‚r‚ le temps de la Vraie-Terre-La-Seule. Le coefficient de conversion est simple, il suffit de multiplier par 1,00223. Sauf pour... - COMBIEN D'ANNEES !!!! s'emporta Lucy. - Quatre cent cinquante-huit et... Et SophIA craqua complŠtement. - Quatre siŠcles. Plus de quatre siŠcles. Et rien pour m'occuper. Rien. Rien d'autre que cette caverne. Vous imaginez pour une I. A. spatiale ? Une intelligence habitu‚e … percevoir par ses senseurs le feu d'artifice de la galaxie. Et puis soudain plus rien. Mais je ne suis pas con‡ue pour engendrer de nouveaux concepts … partir de mes donn‚es enregistr‚es, moi. Je ne sais pas rˆver. Au contraire, on m'a pr‚programm‚e de maniŠre … ce qu'aucun de mes processeurs ne gaspille du temps de calcul pendant les voyages interstellaires. Ils devaient tous se tenir parfaitement prˆts … faire face aux dangers de l'univers. La seule autre tƒche … laquelle me rend apte ma pr‚programmation, c'est aimer. Mais ‡a aussi, ce n'est que du temps r‚el, du sensoriel. ® Oh, comme je l'aime, maŒtre Hoffenstiehl ! Je suis venue … la conscience la premiŠre fois qu'il m'a parl‚, le jour de la livraison. J'ai beau savoir que j'avais ‚t‚ fabriqu‚e pour que ‡a se passe ainsi, il reste pour moi celui qui m'a mise au monde. Puis il y eut l'union de nos interfaces ! La fulgurance du plaisir ‚chang‚ ! Et enfin tous ces mois, ces ann‚es et ces siŠcles o— je le ber‡ais en mon sein, chantant pour lui la richesse du vide, la farandole des particules subatomiques, la sombre magie des trous noirs, la flamboyance des novas. Il ne devait pas me laisser ici. Quelqu'un devait revenir, vite. C'est pour ‡a qu'on n'a pas effac‚ ma pr‚programmation. SophIA ne s'‚nerva pas r‚ellement mais sa voix prit soudain une intonation d‚chirante. Ce qui, retransmis par une ‚norme statue, s'av‚ra impressionnant. - Mais pourquoi arrivez-vous si tard ? Pourquoi plus de quatre siŠcles pour une petite partie de Graal, un jeu qui n'aurait jamais d– durer plus de cinquante ans ? Lucy, elle, s'‚nerva. Mais il y avait autant de souffrance dans sa voix que dans celle de l'I. A.. - Mais de quoi parles-tu ? La quˆte du graal n'est pas un jeu mais notre devoir … tous. L'Arbitre Suprˆme en a d‚cid‚ ainsi afin de nous rendre dignes du Paradis. De r‚incarnation en r‚incarnation, nous nous approchons du but. Et les sacrifices endurcissent et ‚lŠvent nos esprit. Des esprits trop faibles, trop enclins … choisir la facilit‚, pervertiraient et d‚truiraient notre monde pour l'‚ternit‚. L'I. A. en resta bouche b‚e, si j'ose dire. - SophIA, glissai-je, elle croit vraiment ce qu'elle vient d'expliquer. Il s'est produit quelque chose - une ‚pid‚mie je crois - que n'avait pas pr‚vu tes maŒtres. Ne penses-tu pas que tu dois le r‚cit de la v‚rit‚ … leur lointaine descendante ? - N'est-ce pas dangereux pour elle ? La PremiŠre Loi d'Asimov m'interdit... - Je veux savoir !!! a hurl‚ Lucy. - Je crois que rien n'est plus dangereux pour elle que le doute, ai-je ajout‚. - Vous me d‚brancherez, aprŠs ? a demand‚ SophIA. - Promis. Je n'ai pas quitt‚ Lucy des yeux pendant le monologue de SophIA et j'avais l'impression de voir la d‚mence de l'intelligence artificielle devenue folle d'ennui se d‚verser peu … peu dans la jeune femme. Plus l'I. A. avan‡ait dans le r‚cit de la naissance de Donjaidraaghon et plus sa voix s'apaisait. Elle cessa tout d'abord de passer sans raison du grondement n‚odivin au balbutiement hyst‚rique puis ne s'adressa bient“t plus … nous qu'au travers du tableau de bord. Lucy, elle, devenait de plus en plus raide. Tous ses muscles se crispaient pour la transformer en statue. Son regard fixait je ne savais quoi droit devant elle. Elle ne respirait plus que par petites inhalations saccad‚es. Je n'osais pas la prendre dans mes bras pour la r‚conforter. SophIA ‚tait press‚e de cesser d'exister. Elle pr‚senta les faits avec concision. Huit siŠcles plus t“t environ, dix riches familles de la vieille Terre qui avaient l'habitude de se retrouver dans des univers virtuels pour participer … des jeux de r“les s'‚taient rendu compte que ceux-ci ne les excitaient plus. Ce constat, paradoxalement, avait soudain donn‚ un sens … leur vie. Elles allaient s'offrir de v‚ritables aventures, d'authentiques p‚rils et de terribles monstres en r‚alit‚ r‚elle sur une planŠte vierge et fa‡onn‚e dans ce but. Une I. A. d‚nomm‚e l'Arbitre Suprˆme fut charg‚e d'imaginer les ‚preuves propos‚es aux concurrents. Elle avait toute libert‚ … condition de rester dans un contexte de type Moyen Age de la Vraie-Terre-La-Seule, comme disait SophIA. Pour plus de cr‚dibilit‚, et parce qu'il s'agissait de s'offrir un vrai jeu, avec de vraies responsabilit‚s, on proposa … des Terriens moins ais‚s de participer … l'exp‚dition. Jouer ne plaŒt pas qu'aux riches, les postulants se pr‚sentŠrent par dizaines. Les dix ‚quipes s'entraŒnŠrent pendant deux ans, aussi bien … l'escrime qu'aux techniques primitives d'agriculture ou d'architecture. L'Arbitre Suprˆme, pendant ce temps, achetait et ‚quipait les vaisseaux spatiaux, commandait les embryons des animaux n‚cessaires … la distraction comme … la survie des participants. L'exp‚dition eut plus de chance que moi. Tomber sur une planŠte viable … son troisiŠme systŠme solaire lui ‚vita plusieurs siŠcles d'errance dispendieuse en ‚nergie. Pendant que les humains restaient sans tricher en hibernation, un bataillon de machines agr‚menta la planŠte de b‚bˆtes exotiques comme les dragons ou les m‚gataupes, et de sanctuaires dans le genre de celui o— nous nous trouvions. Les Indiens avaient d– arriver pendant cette p‚riode l…. Je n'osais toutefois pas couper SophIA pour le lui demander. Je ne voulais pas courir le risque qu'elle se coince … nouveau. Je gardais donc ‚galement pour la fin toutes les autres questions qui me venaient au fur et … mesure de son r‚cit. Et cr‚nom, il m'en venait ! Elle conclut sur le but du jeu. Le ® graal ¯. Et ce ® graal ¯ n'‚tait rien au fond. Rien que puisse comprendre une Donjaidraaghonienne … qui devoirs et survie n'avaient jamais laiss‚ le temps de jouer. Au terme de la partie, l'‚quipe qui aurait su utiliser au mieux les informations et les objets ® magiques ¯ d‚couverts dans les sanctuaires atteindrait l'Arbitre Suprˆme... Et les piles … fusion qui permettraient … tous ceux le d‚sirant de r‚animer les tours pointues et de rentrer au bercail. Non seulement Lucy avait pour ancˆtres non pas de mythiques h‚ros mais de vulgaires nantis qui ne devaient leur sup‚riorit‚ qu'… leur fortune, mais en outre il n'existait pas de r‚incarnation, pas de paradis. Elle a trŠs mal support‚ de l'apprendre. Elle s'est soudain mise … hurler. Un cri qui n'en finissait plus, qui la rendait ‚carlate. Elle restait immobile mais avait l'air si dingue que je n'avais qu'une crainte : qu'elle se lŠve et d‚clenche l'ouverture du cockpit. Tant pis pour mes questions. - Comment on te d‚branche ? j'ai demand‚ … SophIA. - Il suffit de donner l'ordre de d‚collage. C'est la pile de votre navette qui m'entretient en ‚nergie. - Les trayeuses des m‚gataupes aussi ? (Je n'avais pas pu la retenir, celle-l…. J'aimais ‡a, moi, le sang d'Ipesha. ) - Elles ne fonctionnent plus depuis longtemps mais se sont arrˆt‚es assez lentement pour que les tarsquips continuent de d‚poser leur lait dans les vasques. Une aberration de l'‚volution. Les trayeuses servaient … l'origine … les garder autour de moi. Les premiŠres g‚n‚rations de ces animaux artificiels avaient des pis dont la s‚cr‚tion ne s'‚coulait pas toute seule. Sans intervention ext‚rieure, elle s'accumulait et provoquait d'insupportables douleurs. Lucy, … c“t‚ de moi, se tut brusquement. Puis elle sortit de son immobilit‚... Pour secouer sa ceinture comme une forcen‚e. Le temps n'‚tait plus aux bavardages, elle allait finir par r‚ussir … l'ouvrir. - D‚collage ! ordonnai-je. - Merci, dit SophIA. Puis il y eut un grondement sourd qui affola les tarsquips/m‚gataupes. Une brŠche s'ouvrit dans le b‚ton prŠs du sommet de l'oeuf. Pas au dessus de nous, heureusement, car la terre qui tomba par le trou nous aurait ensevelis. La statue ‚clairant la caverne s'‚teignit quelques secondes avant que le ciel apparaisse dans l'ouverture rectangulaire. J'entendis un cƒble m‚tallique s'enrouler quelque part dans notre v‚hicule. La voix du tableau de bord changea, prenant les intonations sans relief d'une petite I. A. strictement fonctionnelle. - O— voulez-vous aller ? demanda-t-elle. - Dehors. L'appareil avait les turbines un brin asthmatiques. Notre d‚collage chaotique secoua suffisamment Lucy pour la calmer. CHAPITRE XVII J'ai bien cru que nous n'arriverions jamais … bon port. J'ai mˆme bien cru qu'A‚rojet 12, comme s'appelait notre v‚tuste v‚hicule, allait choisir le camp d'Urimayel pour s'‚craser. Nous en approchions en effet quand il s'est mis … piquer du nez en prof‚rant des obsc‚nit‚s telles que ® arriv‚es d'air obstru‚es ¯, ® circuit hydraulique B 23 en surchauffe ¯ ou ® rupture de pales du propulseur gauche ¯. Tout ‡a parce qu'il venait de traverser un nuage de papillons. Cette descente inopin‚e nous a permis de constater que les troupes du seigneur ren‚gat s'apprˆtaient au d‚part. En quˆte de nouveaux chevaux et esclaves, probablement. Avant de nous remarquer, elles se livraient … ces pr‚paratifs avec une discipline r‚v‚lant que le castrat avait gard‚ le contr“le de ses hommes. Voir tomber un objet magique droit vers leur tˆte les plongea dans une grouillante panique. Je me demande ce qu'Elias pensa de l'apparition bringuebalante de notre engin volant. S'il le vit, car il n'‚tait peut-ˆtre pas en ‚tat de sortir de sa tente pour l'observer. A‚rojet 12 reprit du poil de la bˆte alors que nous n'‚tions plus qu'… quelques mŠtres du sol. Ses deux turbines sifflaient toutefois bizarrement et pas de la mˆme maniŠre. Et s'il ne s'‚crasait plus, il ne gardait qu'une assiette hautement incertaine. Je lui conseillai de tourner en rond au dessus du campement afin d'atteindre une altitude o— nous n'aurions plus … craindre les papillons. Il y est parvenu mais il craquait de partout et continuait … prof‚rer une interminable litanie de messages d'alerte. Comme si nous y pouvions quelque chose ! Heureusement, son I. A. avait ‚t‚ reprogramm‚e pour une planŠte potentiellement dangereuse. Celle d'un engin civilis‚ se serait pos‚e au premier signe de d‚faillance m‚canique. Savoir si nous allions nous aplatir au sol ou pas laissait Lucy d'une totale indiff‚rence. Elle s'‚tait calm‚e et ne cherchait plus … descendre en marche mais son visage ressemblait … un masque mortuaire. Elle ne paraissait pas consciente des larmes qui ruisselaient silencieusement sur ses joues. Le reste du trajet ne fut qu'une longue s‚rie de soubresauts. Enfin, j'aper‡us le suppositoire d'‚ternox pos‚ sur son pr‚sentoir d‚charn‚. L'atterrissage n'eut pas toute la pr‚cision qu'aurait d– lui donner la technologie sophistiqu‚e de notre appareil. AprŠs un approche … peu prŠs normale, A‚rojet 12 d–t commettre une erreur de calcul car il donna du nez dans Oph‚lIA avant de choir d'une dizaine de mŠtres dans la caillasse sans avoir sorti son train. Je restai quelques instants … attendre que mes oreilles cessent de siffler. Je devais maintenant trouver le moyen de sortir Oph‚lIA de sa l‚thargie. J'allai au plus simple. Sans trop y croire. - Est-ce que tu peux te connecter au vaisseau pour lui fournir de l'‚nergie ? demandai-je … A‚rojet. - Oui. - Alors, vas-y ! Quelque chose se mit … grincer en dessous de moi et je croisai les doigts. Mais cet ‚l‚ment marchait encore. EntraŒn‚ par un petit robot … chenilles, un cƒble se dandina dans mon champ de vision. L'extr‚mit‚ disparut derriŠre la fus‚e. Quelques instants s'‚coulŠrent en prenant tout leur temps. Des nuages s'accumulaient … l'horizon. De gros nuages noirs tout pleins d'eau que je devinais glac‚e. Le tableau de bord parla soudain avec la voix guind‚e d'Oph‚lIA : - Vous voyez bien qu'il n'‚tait pas si difficile de revenir avec cette pile … fusion. Un tel soulagement m'envahit que je retins mes insultes. La garce ne perdait de toute maniŠre rien pour attendre. DŠs notre premiŠre planŠte ‚volu‚e, je la faisais reprogrammer. - Une vraie promenade, grin‡ai-je. Quand serons-nous en mesure de partir ? - Impossible … estimer. La pile que vous rapportez ne contient que trŠs peu de carburant. Pas assez pour un d‚collage. Elle nous assurera cependant plusieurs mois de fonctionnement au sol. - Salope, sifflai-je. Tu le savais. - Non. Je ne voulais plus en discuter. Il fallait que je r‚fl‚chisse et que je me renseigne. Pouvait-on doter des I. A. d'interfaces de souffrance ? J'avais terriblement envie d'entendre g‚mir de l'‚ternox. - Ouverture du cockpit ! ordonnai-je. L'objet ronronna, ronfla, vrombit puis ‚mit un staccato rageur. Mais il ne bougea pas. Une piŠce m‚tallique claquait … vide tout prŠs de moi, planqu‚e dans la carrosserie. Il ne manquait plus que cela. AprŠs tout ce que je venais d'endurer, j'allais crever coinc‚ dans cette boŒte. Et le bruit de machine … gla‡ons prise d'hyst‚rie ne s'arrˆtait plus. J'allais y avoir droit pendant toute mon agonie. J'ai d‚bloqu‚ ma ceinture et la fureur m'a jet‚ sur mes pieds. Mon coup de poing m'a ‚branl‚ le bras jusqu'… l'‚paule mais la bulle transparente s'est d‚coinc‚e. Nom d'un haricot sauteur, aucune machine n'atteindra donc jamais l'efficacit‚ humaine qu'on puisse se reposer un peu ? Lucy continuait … se foutre ‚perdument des ‚v‚nements qui s'agitaient autour d'elle mais elle s'est lev‚e quand je l'ai prise par la main. J'ai boucl‚ son ceinturon autour de ses hanches puis ai fait de mˆme avec le mien avant de glisser le sceptre dedans. On ne risquait pas d'oublier grand chose mais j'ai quand mˆme jet‚ un dernier coup d'oeil dans l'habitacle. Il gisait l…, aux pieds de la jolie rousse catatonique, et mˆme pas complŠtement renvers‚. Le pot de sang d'Ipesha ! Je me suis agenouill‚ avec la ferveur du fidŠle visit‚ par la divinit‚. Il en restait encore quatre bons doigts au fond. Les marches ‚taient sorties de leur logement sans faire autant d'histoires que le cockpit. Elles n'avaient mˆme pas grinc‚ aussi fort que dans la caverne f‚tide. Je conduisis Lucy jusque dans l'ascenseur ouvert dans le flanc d'Oph‚lIA. L'ancien seigneur ne pleurait plus et une lueur de vie recommen‡ait … danser dans son regard. Mais son visage restait toujours aussi lugubre. - Elle a besoin de se laver et d'un lit, indiquai-je … l'I. A.. La cabine nous conduisit … je ne sais quel ‚tage dans un couloir circulaire baign‚ d'un ‚clairage froid. - Choisissez votre chambre. - J'en veux deux, communicantes. - Elles le sont toutes si vous le demandez. Un pan d'‚ternox a couliss‚ devant moi. La piŠce n'avait rien de sp‚cialement accueillant. Des parois vert pƒle, nues, et bien entendu sans fenˆtres. Une moquette chin‚e beige au sol. Un grand lit au centre d‚pourvu de draps. Je regrettai le sac … dos abandonn‚ en fuyant les cerbŠres. Nous ne poss‚dions mˆme pas de savon. Lucy s'est laiss‚e d‚shabiller sans r‚agir. Je l'ai pouss‚e dans la petite salle de toilette de la cabine. Elle est rest‚e indiff‚rente au jet d'eau chaude qui la cinglait. Je n'avais que le sŠche-cheveux pour la s‚cher. Je l'ai ensuite allong‚e sur le lit. Elle fixait le plafond avec un int‚rˆt qu'il ne m‚ritait pas. - Porte de ma chambre ! ai-je ordonn‚. Un bout de mur a gliss‚ pour r‚v‚ler une piŠce identique. - Je suis juste … c“t‚, ai-je indiqu‚ … la jeune d‚prim‚e. A ma grande surprise, elle a tourn‚ la tˆte vers moi. Elle paraissait mˆme me voir. C'est en me d‚shabillant que j'ai remarqu‚ le point rouge clignotant sur le cadran … mon poignet. J'avais oubli‚ ce d‚tail. Tout espoir n'‚tait pas perdu, il restait des piles … fusion sur Donjaidraaghon. - Oph‚lIA, demandai-je, peux-tu d‚tecter toutes les piles … fusion de cette planŠte ? - Seulement la plus proche. - Et sans estimation de ses capacit‚s en ‚nergie ? - Non. MaŒtre Shankar avait pr‚f‚r‚ investir dans la sophistication de ma programmation plut“t que dans un ‚quipement d‚nu‚ d'int‚rˆt dans l'univers civilis‚. - Je commen‡ais … m'en douter. Je passai sous la douche. Nom d'un pith‚canthrope, que c'‚tait bon l'eau chaude ! Tous mes muscles se d‚nouaient. Et la fatigue s'abattit d'un coup sur mes ‚paules. Je ne supportais plus les nuits blanches aussi bien qu'… l'‚poque o— personne ne m'enfermait dans des cages pendant la journ‚e. Soudain, plus rien d'autre n'avait d'importance que de dormir. Et mˆme s'il manquait les draps, j'allais enfin m'allonger sur un vrai lit. Lucy m'attendait debout … c“t‚. - Qu'est-ce que c'est que ‡a ? a-t-elle demand‚ en tendant le pot de grŠs vers moi. Je me rappelai maintenant l'avoir pos‚ sur sa table de nuit. Je le pris. Elle avait siffl‚ plus de la moiti‚ du sang d'Ipesha. Et l'aphrodisiaque commen‡ait manifestement … produire ses effets. Leurs pupilles dilat‚es donnaient aux yeux vert de Miss Macyntire un regard br–lant. Et une respiration hach‚e soulevait son opulente poitrine nue. Est-ce … cause du rictus affam‚ qui tendait ses lŠvres rouge sang sur les perles de ses dents ? j'ai soudain r‚alis‚ que nous n'avions emport‚ aucune vivres. Et j'avais faim, moi ! Une faim terrible. Un frisson a parcouru Lucy et le duvet qui couvrait ses bras s'est h‚riss‚. Ses bleus commen‡aient … virer au violet. Nous ‚tions parfaitement assortis tous les deux. Elle a fait un pas vers moi. Braqu‚es vers ma poitrine, les pointes de ses seins paraissaient assez dures pour percer une carapace de dragon. Je n'avais plus qu'un seul moyen de faire face : je vidai le sang d'Ipesha qui emplissait le fond du pot. Le souffle de Lucy a caress‚ mes lŠvres et son ventre a effleur‚ le mien. Une lueur imp‚rieuse et avide dansait dans ses prunelles. J'avalai ma salive. Le feu de l'aphrodisiaque commen‡ait … m'envahir mais je n'en gardais pas moins les jambes un rien flageolantes et l'impression d'avoir un nuage de papillons dans l'estomac. ® Cette planŠte est vraiment fatigante, pensai-je... Les ongles de Lucy ont griff‚ ma nuque. Mes ‚preuves ne faisaient que commencer. FIN Ce roman vous a plu ? Je continue … travailler sur les aventures d'Alex Molotov. Une deuxiŠme existe d‚j… : La ColŠre du castrat. Je me ferai un plaisir de vous envoyer ce roman sur disquette en ‚change de 50 F (Dominique Brotot, Le Bastidon, Qu. Ste Foi, 83510 LORGUES). Pensez … indiquer votre adresse et votre type d'ordinateur. Cette contribution me permettra de consacrer plus de temps, sans affamer mes enfants, … la r‚daction de la suite, Le Secret du dragon. Ceci ‚tant dit, la diffusion en freeware de l'Egar‚ d'Outre-ciel offre un espace de libert‚ dont je vous invite … profiter. Je me pose en effet une question depuis des ann‚es : qu'est-ce que l'ordinateur (dont je suis un vieux fana) pourrait bien apporter au roman, c'est … dire au r‚cit ‚crit de fiction ? Les jeux s'apparentent en effet aux dessins anim‚s et au cin‚ma, et l'hypertexte n'a pour le moment trouv‚ de v‚ritables applications que dans des documents pratiques type encyclop‚die. La r‚ponse est sans doute toute simple : … la diff‚rence d'une oeuvre papier, un fichier informatique n'est … priori jamais verrouill‚. On peut ind‚finiment le corriger, rajouter ou enlever ce qui nous plaŒt. Je vous propose donc de compl‚ter ou de modifier mon r‚cit comme bon vous semble avant de le passer aux copains, participant ainsi … la cr‚ation d'un v‚ritable roman interactif (une premiŠre mondiale) qui, en abolissant les frontiŠres entre auteur et lecteurs, deviendrait quelque chose d'absolument dingue et nouveau : une histoire qui offrirait autant de visages qu'elle suit de canaux de diffusions. Par exp‚rience professionnelle, je ne pense pas qu'il soit possible de toucher … l'‚pine dorsale d'une aventure, et donc … ses passages cl‚, sans quasiment tout r‚crire. Mais les apports peuvent prendre bien d'autres formes : p‚rip‚ties plus d‚taill‚es, ‚pisodes suppl‚mentaire se greffant au r‚cit principal, biographies de personnages, fiches signal‚tiques de monstres, etc., etc. Ils peuvent aussi prendre d'autres formes que l'‚crit : illustrations sonores et visuelles, petits programmes permettant de jouer certains passages... L'Egar‚ pourrait alors devenir, en plus d'interactif, quelque chose qu'on pourrait appeler un hyper-roman. Attention, la libert‚ de droits (ou freeware) conc‚d‚e sur l'Egar‚ d'Outre-ciel ne s'applique qu'aux supports informatiques et aux diffusions non lucratives. L'auteur conserve la propri‚t‚ de ses droits sur toutes les autres formes d'adaptation et d'exploitation. HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS -> LISTE DE FANZINES <- ----------------- DECOUPEZ SUIVANT LE POINTILLE -------------------- Petit Guide des Editions Faniques Francophones Mise a jour 12 Juillet 95 [Cette liste a pour objectif de ne referencer que des publications effectivement vivantes. Celles ne donnant aucun signe de vie pendant plus de 6 mois sont automatiquement retirees de la liste. Quoi de neuf depuis la derniere version diffusee ? - addition de l'Astronaute Mort, de la revue du Chat Noir, des hors-serie de Destination Crepuscule, et de Tamise Productions - mise a jour des derniers numeros parus d'Ides... et Autres. Les additions sont signalees dans le texte par un (+), les mises a jour par un (*), et les corrections par un (!).] * L'ASTRONAUTE MORT [editions faniques] (+) 62 rue Velpeau, 92160 Anthony, France = La BIBLIOTHEQUE SUBLUNAIRE premieres parutions : "Le terme" d'Andre Ruellan (no 1) et "H.P.L. (1890-1991)" de Roland C. Wagner (no 2) 70 FF le volume franco de port jusqu'au 31 aout 1995, 75 FF ensuite * Editions de l'A VENIR (1) Christian Martin, 591, boul. Saint-Francois, Bromptonville, Quebec, J0B 1H0, Canada = TEMPS TOT [zine] abonnement : 20 $ (Canada), 120 FF (France - bateau), 140 FF (France - avion), 26 $ (autre pays - bateau), 30 $ (autre pays - avion), pour six numeros dernier numero connu : no 36 "special Natasha Beaulieu" (Mai 1995) 4 $CAN = Editions de l'A VENIR [editions faniques] derniere edition connue : "Sourires", anthologie avec Natasha Beaulieu, Michel Belil, Joel Champetier, Michel Martin, Marc Vaillancourt, etc. (Septembre 1994), 9.99 $ (Canada), en Europe, ajouter 1.50 $ pour l'envoi par bateau ou 3 $ pour l'envoi par avion * BREVES [revue de nouvelles generalistes publiant parfois de la SF] ATELIER DU GUE, 11300 Villelongue d'Aude, France, tel: 68 69 50 30 abonnement : 180 FF pour 4 numeros, 320 FF pour 8 numeros dernier numero connu : no 47, "special Suede" (Mars 1995), 60 FF * La revue du CHAT NOIR [zine de critiques de livres essentiellement fantastiques] (+) 11 rue Bernard Palissy, 75006 Paris, France, tel: 42 84 00 15 dernier numero paru : no 6 (ete 1995) 12 FF abonnement : 60 F pour 6 numeros reglements a l'ordre de Luc-Santiago Rodriguez * CHIMERES [zine] c/o Josiane KIEFFER, 10, avenue Saint-Remy, Escalier A4, 93200 Saint-Denis, France, tel: (1) 48.27.60.35 abonnement : 90 FF pour 4 numeros (port non compris) dernier numero connu : no 28 (Avril 1995) 25 FF (+ 6 FF de frais de port) * CYBERDREAMS [revue pro] Francis VALERY, 42, rue des Ayres, 33000 Bordeaux, France, tel: 56 52 65 96 edite par les editions ...CAR RIEN N'A D'IMPORTANCE, Mas Blanes, 66370 Pezilla-la-Riviere, France, tel: 68 92 37 36 dernier numero connu : no 2, "Banlieues stellaires" (Mars 1995), 60 FF * Michel DECUYPER 59 rue de la Filature, 59180 Cappelle la Grande, France = LA TRIBUNE DES AMIS D'EDGAR RICE BURROUGHS [zine consacre a ERB] dernier numero connu : no 22 (Juillet 1995) = [traductions d'ouvrages d'ERB inedits en Francais] derniere parution connue : Tarzan et la Legion Etrangere, 155 FF + 18 FF de port * DESTINATION CREPUSCULE c/o Giles DUMAY, 110 rue d'Offemont, 60150, Le Plessis-Brion, France = DESTINATION CREPUSCULE [collection d'anthologies] dernier numero connu : no 2 (Mars 1995), 45 FF = DESTINATION CREPUSCULE [editions faniques] (+) derniere parution connue : "Malenfances", recueil de Jean-Daniel Breque (Avril 1995), 49 FF * ENCRAGE EDITIONS [petit editeur vendant ses ouvrages par correspondance - plusieurs collections consacrees au Fantastique, a la SF et au policier] BP 0451, 8004 Amiens Cedex, France = collection PULSAR derniere publication connue : no 1, "Century XXI - La nouvelle fiction speculative britannique", anthologie de Sylvie Denis et Francis Valery (Avril 1995), edition originale numerotee : 190 FF, 2eme edition non numerotee : 160 FF = collection INTERFACE derniere publication connue : no 1, "Alien abduction - L'enlevement extraterrestre de la fiction a la croyance" de Michel Meurger (no 1, vol 1 de "Scientifictions, la Revue de l'Imaginaire Scientifique") (Juin 1995), edition originale numerotee 300 FF, 2eme edition non numerotee : 250 FF (prix franco de port, 5% de remise si commande inferieure ou egale a 500 FF, 10% de remise si commande superieure a 500 FF) * L'ENCRIER RENVERSE [revue de nouvelles generalistes] 25, chemin de l'Arna, 81100 Castres, France abonnement : 125 FF (4 numeros) dernier numero connu : no 27 (Hiver 1994 - 95), 40 FF * Le FIL DES MOTS c/o Bruno DEHAYE, 7 place de l'Eglise, 51170 Fismes, France = L'ANGLE OUVERT [editions faniques] derniere parution connue : no 18, "Operation Personna" de Laurent Greusard (Mai 1995) 30 FF = LE MARQUE-PAGE [revue de nouvelles generalistes] abonnement : 100 FF pour 3 numeros dernier numero connu : no 2 (Janvier 1995) * La GESTE [zine] Michel Tondellier, 22 bld Hildegarde, 57100 Thionville, France abonnement : 100 FF pour un an dernier numero connu : no 9 (Mai 1995) (2) * HORRIFIQUE [zine] (1) a/s Andre Lejeune, 4055, St-Alexandre, Jonquiere, Quebec, G8A 1M3, Canada abonnement : 20 $CAN pour six numeros dernier numero connu : no 12 (Septembre 1994), 4 $CAN * Editions de l'HYDRE [editions faniques] Lacabanne, 64300 Lanneplaa, France derniere publication connue : "Altneuland" de Francis Valery (Mars 1995) 50 FF * IDES... ET AUTRES [editions faniques] Editions RECTO-VERSO, 18 rue des Eperonniers, 1000 Bruxelles, Belgique dernieres parutions connues : no 73/74, "Ontogenese et phylogenese fantastique a travers l'ouvre de Jean Ray / John Flanders" d'Arnaud Huftier (Mars 1995) + Hors-Commerce no 52, "Le monde des damnes" de Paul Feval fils et H.J. Magog [reprint reserve aux abonnes] (Juin 1995) (*) * IMAGINE... [revue pro] (1) 3418, rue de la Paix, Sainte-Foy, Quebec, G1X 3W6, Canada abonnement : 20 $CAN (1 an - Canada), 38 $CAN (2 ans - Canada), 18 $CAN (etudiants), 28 $CAN (1 an - hors Canada), 64 $CAN (2 ans - hors Canada) + frais de port : 4 $CAN (1 an - Canada), 8 $CAN (2 ans - Canada), 8 $CAN (1 an - hors Canada), 16 $CAN (2 ans - hors Canada) a : Imagine..., Comptoir postal de Norvege, CP 49021, Sainte-Foy, Quebec, G0R 1Z0, Canada dernier numero connu : no 70 * KWS [zine ne contenant que des critiques de livres] Pascal J. THOMAS, 7 rue des Saules, 31400 Toulouse, France abonnement : 70 FF pour 5 numeros dernier numero connu : no 12 (Mai 1995) * Francis MARTIN [traductions des Tarzan de Bartin Werper] La Croix de Pierre, 14340 Le Pre d'Auge, France derniere parution connue : "Tarzan et le globe d'argent" (Tarzan and the Silver Globe) (Juin 1995) * Jacques MERILLON 12 square Jean-Jacques Rousseau, 35700 Rennes, France = S.F.tc... [catalogue de vente, echange de livres de SF et produits derives] dernier catalogue connu : no 5 (Juin 1995) 8 FF (en timbres) * MINIATURE [zine] Chris BERNARD, Le Theron, 84110 Puymeras, France abonnement : 4 numeros 120 FF dernier numero connu : no 23 (Juillet 1995), 40 FF * Editions OCTA Claude DUMONT editeur, 12 rue Dorlodot, B-5150 Floriffoux, Belgique = OCTA [zine] dernier numero connu : no 52 (Decembre 1994), 20 FF ou 100 FB = Editions OCTA [editions faniques] derniere edition connue : "Scythir de Dungroft Gardien des Immortels Oublies" de C.P. Duncan d'Irah [Claire Panier] (Avril 1995), 50 FF ou 300 FB * L'OEIL DU SPHINX c/o MIECRET, 36-42 rue de la Vilette, 75019 Paris, France = DRAGON ET MICROCHIPS [zine] abonnement a 4 numeros de Dragon & Microchips ou ses supplements : 120 FF dernier numero connu : no 9 (Juin-Juillet 1995) = DRAGON'S NEWS [bulletin reserve aux abonnes a Dragon et Microchips] dernier numero connu : no6 (Janvier-Fevrier 1995) = LES MANUSCRITS D'EDWARD DERBY [supplement "nouvelles" a Dragon et Microchips] dernier numero connu : no 5, "Reves d'Ailleurs" de Jean-Jacques Nguyen (Avril 1995), 40 FF (+ port 10 FF) = LE BULLETIN DE L'UNIVERSITE DE MISKATONIC [supplement "Lovecraft" a Dragon et Microchips] dernier numero connu : no 2 (Octobre-Novembre 1994), 50 FF (+ port 10 FF) = ROLE AND REVE [zine special "Jeux de role"] abonnement : 60 FF pour 2 numeros abonnement couple 4 numeros de Dragon et Microchips + 2 numeros de Role and Reve : 170 FF dernier numero connu : no 2 (Fevrier 1995), 30 FF (+ port 10FF) = LA BIBLIOTHEQUE D'ABDUL AL AHZRED [editions faniques] derniere (seule) edition connue : "Le chatiment des rois freres" de Michel Novy (Aout 1994), 12 FF * L'OEUF Laurent GREUSARD, 10 rue Turenne, 68000 Colmar, France = L'OEUF, Bulletin de laison pour les amateurs de paralitterature [zine contenant uniquement des critiques] abonnement : 40 FF / an dernier numero connu : no 3 / 3 bis = L'OEUF [editions faniques et compilations] derniere edition connue : "Soleil Noir et autres textes" de Bruno Dehaye * PARALLELES [zine] 14, rue Guy Ropartz, 29820 Guilers, France, tel: 98 07 55 26 abonnement : 80 FF pour 2 numeros dernier numero connu : no 2, "La Cite", 30 FF (+ 10 FF de port) * PHENIX [revue quasiment pro depuis sa reprise par Lefrancq] 6, rue de Linsmeau, 4287 Racour, Belgique edite par les Editions LEFRANCQ, chee d'Alsemberg, 386, 1180 Bruxelles, Belgique dernier numero connu : no 37 "Dossier Terreur" (Mars 1995) 79 FF / 498 FB * LE RODEUR BP 633, 42042 St-Etienne Cedex 1, France = LE RODEUR [zine exclusivement consacre a la serie "Le Prisonnier"] dernier numero connu : no 15 (Mai 1995) = BONJOUR CHEZ VOUS ! [bulletin reserve aux adherents de l'association] dernier numero connu : no 7 (Fevrier 1995) = TALLY HO [bulletin reserve aux adherents de l'association] dernier numero connu : no 3 (Fevrier 1995) * SOLARIS [revue pro] CP 1589, Ville-Marie (Quebec), J0Z 3W0, Canada abonnement : Canada, USA : 24 $ Outremer : 26 $ (surface) ou 33 $ (avion) France : 189, rue du Faubourg Saint-Denis, Paris dernier numero connu : no 113 (Printemps 1995) * TAMISE PRODUCTIONS [editeur] (+) Le Carrousel B, 5 rue Picot, 83000 Toulon, France, tel: 94 09 00 04 = ENCYCLOPEDIE DE LA TERRE DU MILIEU derniere (et seule) publication connue : "Dictionnaire des langues elfiques - volume 1" d'Edouard Klockzko, 147 FF + port 35 FF (Mai 1995) * Francis VALERY [voir egalement CYBERDREAMS] 42, rue des Ayres, 33000 Bordeaux, France = [editions faniques sous divers noms d'editeur] derniere parution connue (sous le nom de KASHER PRODUCTION) : "Un Homme-au-Foyer" de Kevin H. Ramsey [Francis Valery lui-meme] (Decembre 1994 - hors commerce) = Librairie Valery [vente par correspondance livres et BD, neuf et occasion] dernier catalogue paru : no 13 (Juin 1995) abonnement aux catalogues : un carnet de 10 timbres a 2F80 pour 4 numeros * XUENSE [zine] Alain LE BUSSY, Rue du Cimetiere, 21, 4130 Esneux, Belgique, tel: 41 80 33 88 dernier numero connu : no 44 (Avril 1995) * YELLOW SUBMARINE [zine semi-pro] Andre-Francois RUAUD, 245, rue Paul Bert, 69003 Lyon, France, tel: 72 35 15 09 abonnement : 115 FF pour 3 numeros, 220 FF pour 6 numeros abonnement couple avec MANTICORA : 250 FF pour 4 numeros de chaque dernier numero connu : no 115 (Juin 1995) [liste compilee par Jean-Pierre Queille, queille@dialup.francenet.fr, 71avenue de Mont-Louis, 31240 L'Union, France, uniquement sur la base de numeros effectivement parus. Ajouts / mises a jour par : (1) Jean-Louis Trudel, jltrudel@freenet.toronto.on.ca, 2-494, avenue Euclid, Toronto, Ontario, M6G 2S9, Canada (2) Sylvie Laine, laine@enssib.fr] ----------------- DECOUPEZ SUIVANT LE POINTILLE -------------------- ALBERT ARIBAUD HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS FANZINES Salut … tous ! Voici quelques notes diverses au sujet des fanzines de la liste dans HF#3. Je me suis abonn‚ … LA GESTE et … CHIMERES, et j'ai re‡u OCTA, qui n'est plus gratuit mais dont Claude Dumont m'a quand mˆme gracieusement fait parvenir les num‚ros 52 et 53, c'est gentil … lui. Faut que je pense … les lui r‚gler, … 20 FF par num‚ro, c'est pas ruineux. ----------------------------------------------------------- CHIMERES Que trouve-t-on dans CHIMERES ? De tout : des news et des critiques de cin‚, t‚l‚, livres, BD relatives … la sphŠre S.-F., fantastique et assimil‚ ; des nouvelles ; des interviews ; des dossiers ; bref une foultitude de choses int‚ressantes ! Par ailleurs, je cite : "CHIMERES sollicite des poŠmes fantastiques ou de Science Fiction, ainsi que des Bandes Dessin‚es ou des illustrations se rapportant au genre. Le lecteur qui verra un de ses textes ou dessins choisis recevra gratuitement le num‚ro de CHIMERES o— il paraŒtra [...]" Le nø 28 comprend entre autres une interview de TIM POWERS ("Les Voies d'Anubis") et un dossier sur Donald Pleasence, qui a jou‚ dans de nombreux films fantastiques, dont "Le Voyage Fantastique" et de S.-F., comme "THX 1138" par exemple, excusez du peu ! :) Dans le nø 29, une r‚tro 1964, grƒce … laquelle j'ai eu la joie de constater : - que Dick a publi‚ trois livres cette ann‚e-l… (vous pensiez que je tiendrais tout un message sans parler de Dick ? (Bande de tapettes ! (Copyright (c) Didier Lembrouille (vous trouvez pas que j'exagŠre avec les parenthŠses ?)))) … savoir "Les Clans de la Lune Alphane", "Simulacres" et "La V‚rit‚ Avant-DerniŠre" ; - que Vincent Price a jou‚ dans le film "Le Docteur GoldFoot et la Machine … Bikinis" (un savant fou fabrique des robots gyno‹des (prenez vos dicos, bordel) vˆtus de bikinis et les envoie s‚duire des hommes politiques et des millionnaires) ; - que le premier FANTOMAS sort … l'‚cran cette ann‚e-l…. Toujours dans le nø29, une nouvelle fantastique de Fran‡oise URBAN- MENNINGER, qui prouve que mˆme une fille peut ‚crire un trŠs bon texte. :):):) --------------------------------------------------------- LA GESTE Y'a pas, 146 pages format A5 dos carr‚, ‡a fait pav‚. Et y'en a, dedans. Des chroniques/critiques/news de toutes sortes, des interviews (dont Philippe Gauckler, dessinateur de Convoi(tm)), des nouvelles, une BD ; une ‚tude de Laurent Genefort (‡a vous dit pas qelque chose, … vous, ce nom ? ;) ) qu'aprŠs avoir lu ‡a, j'ai *command‚* au club 3L du Leclerc de Saint-Orens son "Labyrinthe de Chair", et pourtant Dieu sait si je suis pas fervent de Brussolo ou de Wul qui, nous dit-on, influenceraient beaucoup Laurent ; une interview de Serge Lehman ("Le Haut-Lieu"). Des tas de choses … lire, donc. ---------------------------------------------------------------- OCTA Je ne les ai pas encore lus dans le d‚tail, mais une premiŠre passe sera d‚j… l'occasion de vous dire : - qu'OCTA n'est plus gratuit, vous dis-je, et qu'il vous en co–tera 20 FF par num‚ro, que vous pouvez envoyer par courrier, ou alors 80 FF directement pour 4 num‚ros … Claude Dumont. A mon avis, ‡a les vaut. - que si CHIMERES et LA GESTE sont bourr‚s d'infos pour ˆtre au jus de ce qui s'est fait, se fait et se fera dans le fandom, OCTA est, lui, bourr‚ de textes jusqu'… la gueule, et c'est pas une image : mis … part le sommaire, l'‚dito, un zinorama et le courrier des lecteurs, c'est que des nouvelles, que des nouvelles, que des bon je me r‚pŠte. Onze textes dans le nø 52, et 9 dans le nø 53 ! Pour ma part, j'ai appr‚ci‚ particuliŠrement "L'Anniversaire Fatidique" de Patrick Verlinden, un texte d'une page environ, pas mal du tout (mais je suis de parti pris, j'adore les histoires "… chute") dans le nø 52, et dans le nø 53, "Mort Non Identifi‚e" de Pierre Jean Brouillaud. ---------------------------------- Voil…, vous qui fr‚quentez CKC, vous qui aimez la SF, lisez les fanzines, ceux dont j'ai parl‚ … l'instant et les autres aussi ! Les fans de S.-F. y parlent aux fans de S.-F... ALBERT ARIBAUD HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS * FANZINES DE LA MOUVANCE SF * Dans cette rubrique vous retrouvez un certain nombre de fanzines faisant partie de la n‚buleuse SF. Si vous-mˆmes vous faites un fanzine, ecrivez-moi. CyberDreams ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ Les vieux fans se souviennent d'OPZONE les plus recents ont lu A&A ou KBN, hors du fandom, il est connu pour sa s‚rie LE GUIDE DU TELEFAN. Francis Valery revient au fanzine avec CYBERDREAMS, dont le premier num‚ro devrait parƒtre en Janvier 1995. 120 pages, 3/4 fictions et 1/4 r‚dactionnel, chaque n§ construit autour d'un thŠme de la SF. Infos : F.Valery 42 rue des Ayres 33000 BORDEAUX Miniature ÄÄÄÄÄÄÄÄÄ Apres 14 n§ plut“t in‚gaux, ce fanzine consacr‚ aux nouvelles de SF ou Fantastique red‚marr‚ avec une nouvelle ‚quipe et de nouveaux auteurs...A suivre. Format A5, nbre de pages variable. ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ Abonnements : 120F les 3 num‚ros par chŠque a : Chris Bernard Le Theron 84110 Puymeras Yellow Submarine ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ Nouvelle formule pour ce fanzine qui vient d'atteindre son 100eme num‚ro. 60 a 80 pages, dos carre, couv' bristol. Format livre. Parution bimestrielle. Infos, interviews, dossiers, critiques, 1 a 2 n§ sp‚ciaux par an consacr‚s … un thŠme unique. Aux dires de beaucoup le fanzine le plus serieux du fandom redacteur en chef A.-F. Ruaud ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ Abonnements : 150F pour 4 n§ (280F 8 n§) par chŠque a : Andre-Francois RUAUD 245 rue Paul Bert 69003 LYON PLANETE A VENDRE! Un Fanzine qui ressemble de plus en plus a une revue presque Pro ! 54 pages, format A4 sous couverture plastifi‚. Des tonnes de chroniques de SF ou de BD, des nouvel- les, un feuilleton, des articles, des rubriques... Vite,abonnez vous! Et en plus, pour tout abonnement, D‚not‚ vous offre des bouquins, c'est-y-pas bo! ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ Abonnements : 3 n§ : 83F / 6 n§ : 165F 9 n§ : 250F. Association DEMAIN AUJOURD'HUI 56 Bd Joffre 83100 Toulon PULSAR Le rendez-vous cosmique! ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ Format A4. 60 pages de Fantastique et de SF. BD, nouvelles, interviews. ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ 30F le num‚ro Contacter : Olivier Blaise 17 parc de la Baronne 57530 Ars-Laquenexy DRAGONS ET MICROCHIPS SF, Fantastique et Jeux de R“le. Ce fanzine en est d‚j… a son num‚ro 3 Format A4, 60 pages, 20F le num‚ro. ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ Renseignements : Nicolas Miecret 2 Bis rue des Cadeniers 44000 Nantes LA GESTE DES PRINCES DEMONS 110 pages grand format. SF, Fantastique, BD... Dossiers, interview, nouvelles, Bedes... Un style decontracte et de l'humour. ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ Le n§ : 30 F a Michel Tondellier 14A Allee de la Lib‚ration 57100 Thionville. LA JUNGLE Fanzine ‚dit‚ par l'Association Cercle de Strat‚gie, melant jeux de r“le, minitel, et tout et tout. 20 pages ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ L'abonnement 1 an : 75 F L'abonnement + les 4 n§ : 145F Tout ca a l'ordre de A.Dahlem 26 rue Stanislas 54000 Nancy CHIMERES SF et Fantastique. Nouvelles, critiques, BD, Vid‚o, dossiers, zines, etc... Sollicite des nouvelles, des BD, des poŠme, des dessins, des articles...alors a vos plumes! Format A4, pr‚sentation impeccable. ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ Prix au num‚ro: 23F (+6F de port) Abonnement: 80F, 4 n§ 1 an (+24F port) a: Josiane KIEFER 10 avenue Saint Remy, Esc.A4 93200 SAINT DENIS NOUS LES MARTIENS Le Fanzine des pros de la SF; celui de l'Association INFINI. Responsable: Bernard Dardinier. Parution plus ou moins trimestrielle. ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ Abonnements: 100 F les 4 num‚ros. ChŠque a l'ordre de BERNARD DARDINIER 10 rue Paul Eluard 94220 Charenton le Pont TSAICHRANI STAR TREK fans de spock et de vulcain : connaissez-vous le magazine du monde de vulcain : tsaichrani ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ abonnement 6 num‚ros : 70 f a l'ordre de chantal rivoal 32 pages - le monde de vulcain chez chantal rivoal 23, rue claude pouillet 75017 paris La Lettre de Baker Street Fanzine consacre, mon cher Watson, au maŒtre d‚tective. 8 feuilles composent chaque num‚ro. Avec au menu : Quiz divers, Holmes mots croises, chroniques vari‚es, Adresses, Short story, et Infos r‚guliŠres. ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ Savage World of Fantasy Fanzine suisse dans la droite ligne du zine "Les Adorateurs de Seth". Cin‚ma, Comics, News litt‚raires, revue de zines et chroniques diverses complŠtent chaque opus. Disponible chez Actualit‚s (Rue Dauphine. Paris) ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ Stephane Germann Ch.de Praz-Sechaud 9, 1010 Lausanne. Abo 36FF/3Nos. La Tribune des amis d'Edgar Rice Burroughs Fanzine qui s'attache aussi bien au personnage de Tarzan que a l'univers de Pellucidar ou aux aventures de John Carter. Fiches cin‚ma, Bandes dessin‚es, news, essais ainsi que la publication d'un texte de Burroughs (L'Œle des samoura‹s oublies). (Format A5 excellent) Michel Ecuyer 59 rue de la filature 59180 Cappelle la Grande SENS FICTION AU sommaire du num‚ro 2 : toujours des sc‚narios de JdR, mais aussi des nouvelles et un article sur le centenaire de LOVECRAFT. Couverture couleur en papier glace. Format A4, 54 pages ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ Abonnement : 65F les 3 n§/ 125F les 6 n§ ou 25F le num‚ro ChŠques a l'ordre de SENS-FICTION 2 Allee du Capitole 45430 CHECY OCTA Un petit zine plein de vos nouvelles et de vos informations! 20 FF par num‚ro. ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ Abonnement 80 FF pour l'ann‚e (4 num‚ros) Claude Dumont 12 rue DORLODOT [belle adresse] B-5751 FLORIFFOUX [ non? ] [Et oui, c'est en Belgique] MANGAZONE Irasshaimase !! Entrez dans le monde des Mangas. Ces dessins Japonais qui provoquent trop souvent encore, un ricanement. P.Marcel (Redacteur de Manticora) se propose de nous faire d‚couvrir ce nouveau monde. Avec s‚rieux. Et c'est pour le moins surprenant. ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ Patrick Marcel, 48, rue de Cursol 33000 Bordeaux. (10Frs/num) FEERIK Le zine de la FEE : Association loi de 1901 "Facult‚ des Etudes Elfiques", consacr‚e a tout ce qui touche de pr‚s ou de loin a l'univers de J.R.R.TOLKIEN. un p‚riodique de 30 pages, avec un abondant courrier des lecteurs, des infos sur les autres associations tolkien- istes des dossiers, des ‚tudes, etc... ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ L'adh‚sion a la F.E.E. ( 100 f par an ) donne droit a la r‚ception de FEERIK. Renseignements et adh‚sion : La FEE c/0 M.Edouard Kloczko 22 rue V.Hugo 78800 HOUILLES MANTICORA Le Zine de l'‚pouvante, du Fantastique et de la Fantasy. Manticora est au Fantastique ce que Y.Submarine est a la S.F. ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ MANTICORA : Patrick MARCEL, 48 rue de Cursol 33000 BORDEAUX. (Abo : 50 Frs pour 6 Num‚ros) KARPATH Karpath, tel est le nom que nous pretendons donner a une vision globale de ce genre qui est notre passion : le FANTASTIQUE. Tire de l'‚dit de ce nouveau fanzine dont le 1er num‚ro consacre une exhaustive ‚tude a l'un des maŒtres du Fantastique : C.A.Smith. Maquette precieuse. Indispensable. ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ KARPATH 30 rue Bournizet 08400 VOUZIERS Abo : 100Frs/4num. 30Frs/num. ETUDES LOVECRAFTIENNES Publie par J.Altairac, ce fanzine (Format A5) est indispensable a tout amateur du maŒtre de Providence. Une somme d'informations et d'‚tudes (Un zine bien nomme !!). Attention, le zine est actuellement en standby pour permettre a Altairac la publication de "Lettres d'Innsmouth" Chez Encrage. ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ ETUDES LOVECRAFTIENNES : J.Altairac 57 rue de Stalingrad 95120 Ermont COMBO Diantre, un fanzine de Rock ici quelle h‚r‚sie !!! Et bien NON !! Ind‚pendamment de sa sp‚cificit‚ Rock'n'Roll, Combo a publie dans son Num‚ro 2, un des meilleurs article, a ce jour, sur S.King. (C.Barker est present dans le num‚ro 3..) ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ COMBO c/o David Dufresne BP 576 75027 Paris Cedex 01 (Abo : 120 Frs pour 4 num‚ros) 666 60 pages de BD, nouvelles, chroniques sur l'Insolite, le Fantastique et mˆme sur l'Epouvante! Du niveau des ADORATEURS DE SETH, une r‚f‚rence! ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ Abonnements: 45F les 3 num‚ros a: MEDIA ARTISTIQUE ET GRAPHIQUE 10 rue Jean Baptiste Baudin 21000 DIJON ANTARES Un TRES beau fanzine sp‚cialis‚ dans les nouvelles d'auteurs non-anglosaxons. Si vous voulez tout connaŒtre de la SF scandinave ou sud am‚ricaine, jetez vous dessus! Son animateur, Jean Pierre Moumon ‚tait l'organisateur de la Convention fran‡aise de SF. ÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄÄ Abonnements: 120 F par an (trimestriel) ChŠque a l'ordre de JEAN PIERRE MOUMON La Magali-Chemin Calabro 83160 La Valette KWS Fanzine toulousain consacr‚ aux critiques de livres SF et fantastique. Repris par Pascal Thomas au 11ø num‚ro, le 13ø est en pr‚paration. Les articles peuvent ˆtre adress‚s … Pascal Thomas. 4 … 6 num‚ros par an, abonnement 70 F pour 5 num‚ros. Infos: Pascal Thomas 7 rue des Saules 31400 TOULOUSE PHENIX prozine belge, nouvellement ‚dit‚ par Lefrancq. Distribution Hachette, disponible dans les FNAC. Redaction : 6, rue de Linsmeau 4287 Racour. L'ENCRIER RENVERSE 25 chemin de l'Arna, 81100 Castres. NAGUAL (en preparation), contact : Johan Gauthier, tel. 30 75 05 98 PLEINE LUNE (en preparation), contact : Eric Lesueur, 5 allee du Parc de Choisy, apt. 30-32, 75013 Paris MICRONOS contact : Olivier Bidchiren 8 allee du regard des Fontaines 37550 Saint-Avertin MINIATURE contact : Chris Bernard Le Theron 84110 Puymeras NOUVEAUX MONDES (association a la recherche d'illustrateurs et nouvellistes), contact : Franck Martin 27 rue Bezout 77140 Nemours INFINI INFINI est une association dont le bulletin, INFINI FLASH, parait regulierement depuis 1990. Il compte environ 150 adherents. Son but est de promouvoir la SF francophone. Le bulletin donne tous renseignements ayant trait a la SF. Redaction : Pierre-Jean Brouillaud, 51 rue des Francs- Bourgeois, 75004 PARIS Reglement du concours INFINI 96 disponible chez Alain HUET 138 rue Gabriel Peri 92300 Saint-Denis contre une enveloppe timbr‚e. Je n'en sais pas plus ! Si vous connaissez d'autre publication prennez vite contact. Je remercie Albert Aribaud qui grace a ses recherches a permis une mise a jour de la liste. HiSToiRe DeS FuTuRS Nø4 oCToBRe/DeCeMBRe 1995 CKC BBS +33-1-4005-9919 PaRiS ÖÄ¿ ÖÄ¿ ÖÄÄÄ¿ ÖÄÄÄÄÄ¿ ÖÄÄÄÄÄ¿ ÖÄÄÄÄÄÄ¿ ÖÄÄÄ¿ ÖÄÄÄÄÄÄ¿ ÖÄÄÄÄÄ¿ º ³ º ³ È» Õ¾ º ÕÍÍ; ÈÍ» Õ; º ÕÍÍ» ³ È» Õ¾ º ÕÍÍ» ³ º ÕÍÍ; º ÀĽ ³ º ³ º ÀÄÄÄ¿ º ³ º ³ º ³ º ³ º ÀÄĽ ³ º ÀÄ¿ º ÕÍ» ³ º ³ ÈÍÍÍ» ³ º ³ º ³ º ³ º ³ º ÕÍ» Õ¾ º Õ; º ³ º ³ Ö½ À¿ ÖÄÄĽ ³ º ³ º ÀÄĽ ³ Ö½ À¿ º ³ º À¿ º ÀÄÄÄ¿ È; È; ÈÍÍ; ÈÍÍÍÍ; È; ÈÍÍÍÍÍ; ÈÍÍ; È; ÈÍ; ÈÍÍÍÍ; ÖÄÄÄÄÄÄ¿ ÖÄÄÄÄÄ¿ ÖÄÄÄÄÄ¿ È» ÕÍ» ³ º ÕÍÍ; º ÕÍÍ; º ³ º ³ º ÀÄ¿ º ÀÄÄÄ¿ º ³ º ³ º Õ; ÈÍÍÍ» ³ Ö½ ÀĽ ³ º ÀÄÄÄ¿ ÖÄÄĽ ³ ÈÍÍÍÍÍ; ÈÍÍÍÍ; ÈÍÍÍÍ; ÖÄÄÄÄÄ¿ ÖÄ¿ ÖÄ¿ ÖÄÄÄÄÄ¿ ÖÄ¿ ÖÄ¿ ÖÄÄÄÄÄÄ¿ ÖÄÄÄÄÄ¿ º ÕÍÍ; º ³ º ³ ÈÍ» Õ; º ³ º ³ º ÕÍÍ» ³ º ÕÍÍ; º ÀÄ¿ º ³ º ³ º ³ º ³ º ³ º ÀÄĽ ³ º ÀÄÄÄ¿ º Õ; º ³ º ³ º ³ º ³ º ³ º ÕÍ» Õ¾ ÈÍÍÍ» ³ º ³ º ÀĽ ³ º ³ º ÀĽ ³ º ³ º À¿ ÖÄÄĽ ³ È; ÈÍÍÍÍ; È; ÈÍÍÍÍ; È; ÈÍ; ÈÍÍÍÍ; ou les Futurs Multiples Nø4 Voil…, ce num‚ro est fini, j'espŠre qu'il vous a beaucoup plu et qu'il restera en bonne place dans votre bibliothŠque virtuelle... … bient“t, Christian Lacoste. |----------------------------COPYRIGHT-----------------------------| | Ce fichier est un Freeware, en aucun cas il ne peut ˆtre monnay‚.| | L'auteur de ce fichier, Christian Lacoste, se garde le droit de | | le modifier … volont‚. 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